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L’armoise
dimanche 25 juillet 2010, par
L’armoise est une Astéracée (Composée) de la sous-famille des Asteroïdées, comme l’ambroisie, mais appartenant à une tribu différente, les Anthémidées (cf. Les pollens d’Astéracées). On trouve aussi dans cette tribu la camomille et des marguerites, par exemple.
En Europe, c’est surtout l’armoise commune (Artemisia vulgaris) qui est responsable de pollinoses en fin d’été.
Cette espèce a été introduite en Amérique du Nord où d’autres espèces étaient natives et parfois très répandues. Par exemple, l’armoise géante (A. tridentata) dans l’ouest des USA . En Inde A. scoparia est importante .
Une large réactivité croisée existe entre espèces d’armoises .
En Europe, la prévalence d’une positivité pour l’armoise en tests cutanés est variable : environ 10% dans le sud de la France , 18% à Londres et souvent 30 à 40% en Espagne .
Cependant, une réactivité pollinique limitée à l’armoise semble rare, à moins d’une sélection particulière de patients (ex. pollinose à l’armoise attestée par un TPB ) :
- souvent moins de 1% des patients
- dans l’étude EXPO couvrant l’ensemble du territoire espagnol , une mono-positivité pour l’armoise n’était relevée dans aucune région parmi les 3 tableaux principaux de pollinose.
Le pollen d’armoise est responsable d’associations cliniques pollens-aliments dont la plus connue est le « syndrome armoise-Apiacées » (cf. les Apiacées)
Les allergènes du pollen d’armoise (Artemisia vulgaris)
Ce pollen montre plus de 15 spots IgE-réactifs mais la nature de ceux-ci n’est encore que partiellement connue.
Cela est notamment du à l’importante hétérogénéité de ses allergènes et à leur glycosylation peu commune.
- Ainsi, un Art v 1 avait été dénommé en 1990 par de la Hoz et s’est vu "rétrogradé" en une IgE-réactivité autour de 47 kDa quelques années plus tard au profit de l’actuel allergène Art v 1 !
L’armoise contient des allergènes classiques, comme
- des LTP (Art v 3) se présentant sous au moins 4 isoformes et qui ont environ 53% d’identité avec la LTP de pêche (Pru p 3). L’IgE-réactivité varie selon les isoformes
- une profiline (Art v 4) qui se présente à l’état naturel sous forme de dimères et tétramères, lesquels sont IgE-réactifs . Cette duplication pourrait favoriser l’allergénicité de la protéine.
- une polcalcine (Art v 5)
- Les prévalences de positivité pour ces allergènes sont de l’ordre de 40 %, 35% et 10-25 %, respectivement (voir aussi le tableau plus loin).
Un homologue d’Amb a 1, l’allergène principal de l’ambroisie, a récemment été montré dans l’armoise. Cet allergène, Art v 6, est à 64 % identique à Amb a 1. Sa positivité est inférieure à 25 % parmi des polliniques à l’armoise .
Des protéines possiblement IgE-réactives ont aussi été identifiées dans l’armoise : une cystatine de 15 kDa, une triose-P isomérase, une protéine 14-3-3, etc… Leur détection ayant été réalisée à l’aide d’un anticorps monoclonal, la preuve de leur IgE-réactivité n’est pas démontrée. Elle semble d’ailleurs absente dans le cas de la protéine 14-3-3 . Une isoflavone réductase IgE-réactive est suggérée .
Mais l’armoise possède 2 allergènes originaux, Art v 1 et Art v 2. Ce sont, de plus, les allergènes le plus souvent positifs chez les polliniques à l’armoise.
Art v 1
Constitué de nombreuses isoformes , cet allergène est positif, selon les séries, de 70% à 95 % des patients (voir aussi le tableau plus loin).
Art v 1 doit son originalité à 2 propriétés :
- c’est une protéine composée de 2 domaines,
- l’un globulaire comme beaucoup de protéines et s’apparentant à la famille des défensines
- et l’autre linéaire et très riche en hydroxy-prolines.
- le domaine linéaire (la "queue" de la protéine) est O-glycosylé avec des sucres et des chaînes glucidiques peu courantes :
- de simples arabinoses d’une part et une ou deux grandes chaînes ramifiées de type arabino-galactanne (arabinoses + galactoses).
- ces chaînes ramifiées représentent une part importante de la masse d’Art v 1 ; et cela explique qu’Art v 1 apparaisse en blot sous 2 bandes (24 et 28 kDa).
D’où la grande hétérogénéité d’Art v 1.
Léonard a montré que ce sont les arabinoses répartis sur la « queue » d’Art v 1 qui sont IgE-réactifs et non les arabino-galactannes .
La glycosylation d’Art v 1 n’est pas habituelle et l’on peut s’interroger sur sa réactivité croisée avec des épitopes glucidiques d’autres pollens (ex. graminées) ou aliments.
Elle semble néanmoins participer à la réactivité in vivo car un recombinant rArt v 1 préparé dans E.coli génère des tests cutanés moins grands que l’allergène purifié nArt v 1 et des positivités in vitro moins fréquentes . Et un recombinant dans E.coli du seul domaine glycosylé voit son IgE-réactivité disparaître .
Art v 1 est classé par Ferreira dans un "groupe 1 des Astéracées" comprenant aussi Par h 1 (pollen de Parthenium hysterophorum), Hel a 1 (pollen de tournesol) et Amb a 4 (pollen d’ambroisie). Ces allergènes Art v 1-like montrent une O-glycosylation similaire à celle d’Art v 1 et seraient, par leur domaine globulaire N-terminal, apparentés aux défensines ou protéines PR-12.
Il n’a pas été retrouvé d’Art v 1-like dans le pollen de bouleau
Art v 2
- Cet allergène est trouvé positif chez 33 à 58 % des polliniques à l’armoise (apparemment moins en Autriche et plus en Espagne) .
- C’est un hétérodimère (= formé de 2 sous-unités différentes), glycosylé, d’une masse théorique de 16 kDa mais détecté en blot à 20 et 33 kD.
- La glycosylation est de type oligomannose , de sorte que, comme pour Art v 1, elle n’est pas en faveur d’une réactivité croisée avec les CCD classiques.
- Art v 2 fait partie d’une famille de protéines de défense végétale, les PR-1. Celle-ci ne comprend que quelques allergènes pour le moment (pollen de Cynodon, melon) ; mais ces allergènes comme Art v 2 n’ont été que récemment découverts, de sorte qu’il faut s’attendre à d’autres allergènes PR-1 identifiés à l’avenir.
- Art v 2 a une homologie modérée avec des protéines PR-1 connues dans la tomate, la pomme de terre ou le colza (42-56 % d’identité).
- De même Art v 2 et l’allergène Ves v 5 du venin de guêpe Vespula ont 41 % d’acides aminés identiques .
- Les allergènes des venins d’hyménoptères (guêpes, fourmis) sont classés avec les PR-1 des plantes dans une large famille dont la fonction biochimique est encore inconnue, la famille V5/Tpx-1/Sc7.
Un allergène de 60 kDa à préciser ?
Plusieurs travaux de l’équipe de Valenta ont tenté de connaître la nature d’une réactivité en blot autour de 60 kDa pour le pollen d’armoise.
- Cette fraction de 60 kDa montre une grande résistance à la protéolyse , propriété qui pourrait être due à une forte glycosylation.
- Ce 60 kDa inhibe des réactivités dans des zones similaires en blot pour le bouleau, la fléole, la pomme, le céleri et (plus ou moins) l’arachide .
- Cette bande de 60 kDa a été considérée comme étant (l’ancien) "Art v 1" jusqu’à l’identification du nouvel Art v 1 en 2001 et même plus tard .
- A l’aide d’anticorps anti-"Art v 1" d’origine animale, une réactivité à 60 kDa (pomme, céleri) et à 40 kDa (bouleau, fléole, céleri) a pu être notée, faisant suspecter des homologues de "Art v 1" dans ces produits.
- La situation ne s’est pas éclaircie quand il a été montré une réactivité pour bouleau, armoise, fléole, pomme, céleri avec un anticorps anti-Bet v 8 (pectinestérase du bouleau, 63 kDa) car, parallèlement, un anticorps anti- Phl p 4 (pollen de fléole) détectait des réactivités dans les mêmes produits ainsi que dans l’arachide et la carotte .
- On sait à présent que Bet v 8 et Phl p 4 ne sont pas dans la même famille de protéines. Ces anticorps devaient donc révéler des choses différentes… ou des CCD car Bet v 8 et Phl p 4 sont tous deux glycosylés.
Pourtant, un allergène du céleri pourrait correspondre à ces réactivités :
- Api g 5 qui a une masse de 55-58 kDa .
- Phl p 4 inhibe l’IgE-réactivité dans la zone 55-60 kDa du pollen d’ambroisie .
- Bouleau et armoise inhibent de leur côté des bandes 46 et 60 kDa du céleri .
- Enfin, une pectine-estérase a été montrée IgE-réactive dans le pollen de frêne … et des anticorps animaux anti-Phl p 4 ou anti-Bet v 8 révèlent des protéines de 30 kDa ou plus dans le pollen de frêne ! .
Tous ces résultats semblent pointer un allergène de masse 40-60 kDa dans plusieurs pollens et aliments. Les tentatives pour déterminer la séquence du "60 kDa" ou d’Api g 5 ont été infructueuses.
S’agit-il d’un allergène partagé ou, plus simplement, d’une réactivité croisée de type CCD ?
- Un travail de Lombardero relance la question : en effet, 19/25 polliniques à l’armoise sont positifs en TC avec un "60 kDa" purifié selon la technique initialement utilisée par de la Hoz . Ce dernier avait trouvé 73 % de TC positifs, un chiffre tout à fait comparable à celui de Lombardero.
- Si l’on admet que les CCD ne peuvent donner de réponse en TC, il s’agirait donc bien d’un véritable allergène de 60 kDa et non d’une réactivité CCD.
L’avenir tranchera.
Réactivité croisée entre armoise et ambroisie
Des résultats contradictoires ont été obtenus.
Ils semblent résulter de différences concernant les patients étudiés.
En Autriche, avec une pression pollinique très majoritaire en armoise, Hirschwehr a montré des RC assez nettes entre armoise et ambroisie . Les blots suggéraient des RC entre profilines et des bandes qui pouvaient être compatibles avec Art v 1.
Une étude postérieure a conclu à une inhibition de l’absinthe, du tournesol et de 2 espèces d’ambroisie par Art v 1 . Bien que modérément convaincante cette étude souligne la possibilité d’une réactivité à l’ambroisie chez des patients qui se sont sensibilisés à l’armoise.
En Italie, Asero observe à peu près l’inverse . Dans ce cas les patients étaient surtout exposés à l’ambroisie. Pratiquement tous les sujets ayant un TC positif pour l’armoise avaient un TC positif pour l’ambroisie. En inhibition, armoise et ambroisie ne croisaient pas, hormis au niveau de profilines.
Et parmi 26 patients positifs en TC pour l’armoise et l’ambroisie, 92% étaient positifs in vitro pour nAmb a 1 contre seulement 26% pour rArt v 6 (l’homologue d’Amb a 1 dans l’armoise). Asero concluait donc à une très faible réactivité croisée entre armoise et ambroisie pour chacun de leurs allergènes principaux respectifs (Amb a 1 et Art v 1).
D’autres études ont également testé différents allergènes d’armoise et d’ambroisie chez les mêmes patients (cf. tableau ci-après) .
On peut constater :
- le peu de parallélisme entre Amb a 1 et Art v 6 ainsi qu’entre Art v 1 et Amb a 4
- une bonne similitude des réponses pour les profilines et les polcalcines
- une discordance pour certains résultats concernant les LTP, laquelle justifierait des travaux complémentaires.
Globalement, il est possible que l’armoise possède des allergènes dont les épitopes couvrent mieux la réactivité aux différents épitopes présents dans l’ambroisie que l’inverse . Par exemple, dans l’étude suisse SAPALDIA une très grande majorité des CAP positifs pour l’ambroisie étaient positifs pour l’armoise (pollen dominant).
Quoi qu’il en soit, l’opinion prévaut que ces 2 pollens ne sont pas interchangeables en immunothérapie .
Réactivités croisées de l’armoise avec d’autres pollens
En dehors de l’ambroisie, la réactivité croisée de l’armoise a été étudiée avec d’autres Astéracées (cf. Astéracées).
Des réactions croisées avec le bouleau , l’olivier , l’ivraie , la pariétaire ou le platane ont été confirmées. Elles emblent devoir ressortir de la présence de panallergènes (profilines, polcalcines) ou de CCD.
Sensibilisation à l’armoise et allergie alimentaire
En dehors du syndrome armoise-Apiacées, et notamment du céleri et de la carotte, une allergie à des aliments végétaux induite par le pollen d’armoise pourrait résulter d’une réactivité croisée entre LTP. Cette situation a été principalement étudiée en Espagne et en Italie.
Globalement, il semble que la « pression » LTP provienne plus d’une sensibilisation alimentaire (surtout la pêche) que de la pollinose. Celle-ci pourrait avoir un rôle additionnel.
La relation entre armoise et divers aliments végétaux est abordée en détail ailleurs :
Armoise et CCD
(voir aussi : Les CCD)
Bien que Art v 1 et Art v 2 aient des glycosylations particulières, une réactivité de type CCD, siégeant notamment au sein de protéines de masse > 30 kDa est attestée par divers travaux .
Diagnostic moléculaire d’une pollinose à l’armoise
Dans la mesure où il est souvent noté un excédent de CAP armoise positifs par rapport aux TC positifs (ex. ), l’utilisation d’un allergène précis plutôt qu’un extrait pourrait améliorer le diagnostic in vitro.
Un CAP permettant de tester la réactivité à nArt v 1 est à présent disponible . Mais cet allergène est glycosylé. Et la fréquence des IgE anti-CCD relevée dans de nombreux travaux (ex. ) fait craindre que ce CAP ne se positive chez certains patients par la seule réactivité à des glycannes.
Si la positivité pour un recombinant non glycosylé d’Art v 1 (E. coli) a été parfois trouvée équivalente à celle pour l’allergène naturel nArt v 1 , d’autres travaux ont montré environ 50% de résultats négatifs (ou en tout cas inférieurs) avec rArt v 1 parmi des patients positifs pour nArt v 1 .
Avec une technique d’immuno-capture des IgE anti-CCD , il est visible que le CAP nArt v 1 est interféré chez des patients positifs en broméline.