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Les fruits des Rosacées : généralités
dimanche 28 mars 2010, par
Les fruits des Rosacées ont une place à part dans l’allergologie moléculaire : c’est en effet la mise en évidence du syndrome bouleau-aliments végétaux, dont la pomme, par Hannuksela et Lahti en 1977 qui a ouvert la voie aux multiples travaux visant à expliquer les réactivités croisées par la présence de protéines homologues.
Du chemin a été parcouru : à l’époque, les mêmes auteurs concluaient « the allergens of fruits and vegetables might be proteins » … .
Björksten, qui avait amélioré les techniques d’extraction des allergènes dans les fruits, confirmait en 1980 la réactivité croisée entre bouleau et pomme .
En 1994 Pastorello repéra en immunoblotting l’existence d’une bande IgE-réactive commune aux Prunoïdées et montra en 1999 qu’il s’agissait de LTP dans la pomme et la pêche .
La LTP de l’abricot suivit en 2000 et celle de la prune en 2001 .
Parallèlement à ces travaux menés en Italie, de nombreuses études en Espagne montrèrent que la sensibilisation aux LTP avait une caractéristique régionale, la zone méditerranéenne, et un chef de file, la pêche .
A présent l’on sait que de très nombreux aliments, autres que les fruits des Rosacées, contiennent des LTP IgE-réactives, de sorte que l’on parle d’un « syndrome LTP ».
L’allergie aux fruits des Rosacées est un modèle pour la compréhension de l’allergologie moléculaire : elle rassemble la plupart des paramètres qui jouent sur l’apparition ou non d’une allergie croisée et sur les formes cliniques qui en résultent :
- une allergie pour un même produit allergisant peut résulter de différentes étiologies moléculaires (PR-10, LTP, profilines, etc.…)
- une allergie au même produit n’a pas la même sévérité selon les pays
- la pollinose est tantôt indispensable, tantôt accessoire
- dans un même groupe d’aliments, certains ont une allergénicité suffisante pour initier la réactivité à d’autres aliments du groupe (voire d’un groupe différent)
- l’ordre chronologique des sensibilisations (les différents aliments, les pollens) n’est pas indifférent sur la sévérité des réactions et leur prévalence
- le diagnostic étiologique revêt une grande importance si la sensibilisation à telle ou telle famille d’allergènes peut conduire à des réactions plus sévères que celles jusqu’alors notées dans l’histoire du patient. L’apport des tests diagnostiques basés sur des allergènes purifiés ou recombinants prend alors toute sa valeur.
Le présent article a pour objet d’expliquer l’interconnexion entre ces différentes composantes et d’aborder la question du diagnostic d’une allergie à un (ou des) fruit(s)s des Rosacées.
L’amande, bien que provenant d’une Rosacée, est traitée avec les Fruits à coque. De même, des points plus spécifiques de tel ou tel fruit des Rosacées sont abordés ailleurs :
Une même allergie avec différentes étiologies
L’allergie aux fruits des Rosacées résulte de 3 modes différents de sensibilisation, au moins :
Les protéines PR-10, Bet v 1-like
Première étiologie : une allergie croisée avec le pollen de bouleau où la sensibilisation à Bet v 1 induit une réactivité (et peut-être une sensibilisation croisée) aux protéines PR-10 contenues dans les fruits des Rosacées. Cette forme d’allergie pollen-induite n’est pas restreinte aux Rosacées (amande incluse), mais s’étend à la noisette, aux Apiacées (céleri, carotte), aux Fabacées (arachide, soja), etc.…
Les LTP
La sensibilisation aux LTP se différencie nettement de la précédente. On pourrait croire que l’une exclut l’autre tant est important l’écart de positivité pour les LTP en présence d’une réactivité PR-10 et vice-versa.
- Cela tient au moins à des conditions d’exposition des patients différentes d’un pays à un autre.
- Certains auteurs ont fait l’hypothèse d’une chronologie où, par exemple, une sensibilisation précoce aux PR-10 (bouleau) rendrait difficile l’établissement ultérieur d’une sensibilisation aux LTP (pêche, etc…) .
- Mais ces 2 sensibilisations ne sont pas exclusives l’une de l’autre : dans les séries de patients rapportées par Pastorello on trouve des positivités simultanées pour Mal d 1 et Mal d 3, par exemple . L’Italie du Nord est révélatrice sur ce point : partiellement "bouleau" et partiellement "méditerranéenne".
Les profilines
Un troisième mode de réactivité peut provenir d’une sensibilisation aux profilines.
- Il est discernable surtout en l’absence d’une autre sensibilisation « dominante », donc hors d’une zone bouleau et hors une composante LTP. On pourrait même ajouter en l’absence d’une allergie au latex, bien que la relation latex-rosacées soit encore à prouver (cf. Pêche et latex).
- La sensibilisation profilinique exercera donc son influence principalement en milieu méditerranéen là où les prévalences pour une réactivité vis à vis des profilines sont relativement élevées.
- Cette réactivité vis à vis des profilines est notamment suscitée par la double influence des pollens de graminées et d’olivier .
L’impact clinique des profilines est souvent donné pour peu significatif. Mais la composante profilinique dans l’allergie aux Rosacées est bien réelle , ainsi que le montrent diverses études menées en Espagne :
- chez des patients allergiques à la pêche, la proportion de sujets positifs pour la LTP changeait avec l’âge, c’est-à-dire avec l’établissement d’une pollinose :
- avant 5 ans : LTP 91% et profiline 25%
- après 15 ans : LTP 32% et profiline 51%
- chez des patients allergiques à la pêche, la réactivité vis à vis de la profiline de pêche, Pru p 4, variait en sens inverse avec le résultat du test cutané pour la LTP, Pru p 3 :
- aucun rPru p 4 positif si le TC nPru p 3 était positif
- tous les patients positifs pour rPru p 4 quand le TC nPru p 3 était négatif
- plus de patients positifs pour une profiline (rMal d 4) que pour une LTP (nMal d 3) chez des patients allergiques à la fraise (15 vs 10)
La composante profilinique est, par ailleurs, variable selon les fruits : dans l’étude polycentrique Vegetalia menée en Espagne , si pêche et pomme étaient significativement plus « LTP » que « profiline » (odd-ratios de 13 et 8,3 respectivement), la poire était légèrement plus « profiline » (odd-ratio 2,8).
Le tableau ci-dessous montre des exemples de prévalences de positivités pour les PR-10, les LTP et les profilines, selon les pays et les modes de recrutement des patients. Les thaumatine-like sont présentées aussi, bien que leur influence soit encore mal évaluée sur le plan clinique.
Au total, les différentes composantes moléculaires peuvent aboutir à une prévalence similaire d’un pays à un autre, malgré des sensibilisations différentes :
- en France, les données du CICBAA (mai 2007) donnaient 18% pour les « prunoïdées » parmi les allergies alimentaires après l’âge de 15 ans
- un chiffre proche des 23% d’allergiques aux Rosacées comptabilisés dans l’étude espagnole Alergológica
Cependant, alors que la prévalence est environ 15 fois plus basse avant 15 ans qu’après 15 ans en France, elle n’est que 2-3 fois inférieure dans le cas de l’Espagne . On peut distinguer dans cet écart chez l’enfant le rôle d’une sensibilisation plus ou moins « pré-pollinique ».
Et, de fait, la fréquence des réactions sévères avec les fruits des Rosacées est très nettement inférieure en France ; comme en témoignent les seuls 18 cas/900 colligés par le réseau d’Allergo-Vigilance (mai 2010). En Italie, par exemple, la pêche arrivait au premier rang des causes d’anaphylaxie alimentaire dans une étude portant sur 58 observations .
Une chronologie variable des sensibilisations
Cette chronologie dépend de l’élément initiateur : un pollen ou un aliment. Dans le syndrome bouleau-Rosacées, la pollinose précède l’allergie aux fruits .
Dans le cas d’une sensibilisation aux LTP, la pollinose est au mieux contemporaine de l’apparition de l’allergie alimentaire mais se voit volontiers apparaître aussi après le début des réactions cliniques pour les fruits .
De plus, parmi les différents fruits, certains sont nettement plus souvent les premiers à engendrer des réactions cliniques que d’autres : on a, là aussi, une sorte de prééminence guidant l’ordre d’apparition de l’allergie aux différentes Rosacées.
Cela a été surtout noté pour le syndrome LTP :
- la pêche est presque toujours le fruit qui débute l’allergie aux Rosacées , par exemple avant la pomme
- mais cela est différent en Grèce où l’allergie à la pêche ou à la pomme débute souvent après l’allergie au raisin .
Des cas cliniques illustrent cette succession d’allergies, bien que l’on ne puisse expliquer pourquoi il n’y a pas eu simultanéité pour le début des réactions alimentaires :
- une anaphylaxie pour la prune survenant à l’âge de 46 ans, précédée d’épisodes avec syndrome oral pour la pêche et l’abricot .
- une patiente commençant une allergie à la prune à l’âge de 41 ans après avoir successivement connu des épisodes plus ou moins sévères avec la pêche (10 ans), la pomme (21 ans), les abricots (28 ans) et les cerises (37 ans) ! A noter qu’une pollinose (graminées) ne s’est manifestée chez cette patiente qu’à l’âge de 32 ans .
Une allergie dont la sévérité est variable selon les pays
Classiquement, le syndrome bouleau-pomme (même étendu à d’autres fruits des Rosacées) se manifeste par des réactions localisées à la sphère orale.
Mais des manifestations plus importantes sont possibles quand la sensibilisation est liée à des
LTP. Un risque accru pour des réactions systémiques est alors noté dans certaines situations :
- réactivité aux LTP en l’absence de pollinose
- début précoce de l’allergie aux Rosacées : 79% de réactions systémiques si début avant 5 ans, contre 44% si début après 15 ans .
Même dans un environnement considéré bouleau-dominant, l’Autriche, une réactivité LTP s’accompagne d’un risque accru de réactions systémiques :
- un odd-ratio de 11,5 pour des réactions systémiques plutôt que locales si la patient est positif pour nPru p 3
- et, a contrario, un odd-ratio de 7,5 en faveur de réactions locales en cas de positivité pour la PR-10 rPru p 1.
Une sensibilisation isolée à des profilines donne, en règle générale, un tableau clinique de sévérité modeste .
La participation d’une réactivité pour des thaumatine-like (Mal d 2 dans la pomme, Pru av 2 dans la cerise) pourrait jouer sur l’expression clinique.
Par exemple, on peut remarquer que dans une étude sur la pomme concernant 99 patients Espagnols :
- le TPODA était positif chez environ 90% de ceux qui étaient positifs en LTP (Mal d 3) et/ou profiline (Mal d 4)
- mais que le TPODA était quand même positif dans 25% de cas lorsque Mal d 3 et Mal d 4 étaient tous deux négatifs.
Le tableau ci-dessous montre les prévalences (en %) pour un syndrome oral ou pour des réactions plus sévères, systémiques voire anaphylactiques. A noter aussi que la pêche suscite fréquemment aussi une urticaire de contact (env. 60 % des sujets en Espagne selon 2 études ).
Un même groupe d’aliments et une allergénicité variable
Certains fruits de Rosacées semblent susciter moins souvent des réactions cliniques que d’autres : c’est le cas notamment pour l’abricot, la poire, la prune ou la fraise (cf. les tableaux de prévalence comparant ces fruits à la pomme et à la pêche : cerise, poire, abricot, prune, fraise).
Pourtant on a pu montrer l’existence d’un épitope consensus sur les LTP des fruits des Rosacées . Et en tests cutanés les positivités pour d’autres Rosacées chez des patients allergiques à la fraise sont souvent très proches de celle de la pêche (en zone méditerranéenne) .
Pourraient entrer en ligne de compte dans cette disparité des impacts cliniques :
- la consommation après cuisson ? : cela ne distingue pourtant pas des Prunoïdées comme la cerise ou l’abricot en comparaison de la pêche
- la consommation sans la peau ? : mais cerise, prunes et abricot sont consommés avec la peau, laquelle contient, comme pour la nectarine, des concentrations élevées de LTP
- une saisonnalité de la consommation ? Des fruits trouvés tout au long de l’année (pommes, poires) ont pourtant une allergénicité semble-t-il différente. Il en est de même pour les fruits estivaux (pêche vs abricot, cerise, fraise, etc…).
- des allergènes plus ou moins immunogènes et/ou réactogènes selon les fruits ? Cela est possible mais la question de l’affinité des IgE vis à vis des différentes LTP n’a pas été assez étudié pour le moment, hormis dans le cas de la LTP de fraise, Fra a 3 (cf. Fraise)
- enfin, des contenus différents en allergènes selon les fruits ? Ce point n’a pas été étudié de façon exhaustive mais les travaux sur la pomme font plutôt douter que l’on puisse clairement démontrer une relation étroite entre concentration en allergène dans le fruit et réactivité clinique.
S’agissant des 2 fruits principaux, la pomme et la pêche, la comparaison des prévalences selon les pays et le mode de recrutement des patients est présentée dans un tableau en fin de ce texte
Il en ressort globalement que, selon le type de sensibilisation dominante, on a en moyenne :
- PR-10 : 6 patients allergiques à la pêche pour 10 allergiques à la pomme
- et inversement LTP : 5 patients allergiques à la pomme pour 10 patients allergiques à la pêche
Cette symétrie montre que la pomme n’est pas qu’un fruit associé au bouleau, pas plus que la pêche n’est qu’un fruit LTP. Par contre, dans les 2 cas la pomme semble bien venir en second :
- bouleau -> pomme
- pêche -> pomme
Se pose donc la question de l’origine de cette allergénicité particulière de la pêche.
Pourquoi la prééminence de la pêche ?
Le facteur régional de la sensibilisation aux LTP reste mal compris : les consommations de pêches ne semblent pas différer beaucoup entre pays d’Europe (ex. Espagne, Autriche, Italie, Pays-Bas) .
Ayant remarqué nettement plus d’urticaires de contact avec la pêche qu’avec la nectarine chez des ouvriers travaillant dans la récolte de ces fruits, Asero a émis un hypothèse :
- le duvet recouvrant la peau des pêches contient, on le sait, une concentration élevée de Pru p 3
- les fruits consommés hors des zones de production subissent divers traitements avant d’être mis en vente. Et on a montré que le contenu en LTP de la peau de pêche diminue d’environ 40% après lavage des fruits
- enfin, une allergie à la pomme sans allergie à la pêche, en zone méditerranéenne, est beaucoup plus rare que l’inverse
- le particularisme méditerranéen résulterait donc de l’addition :
- d’une consommation locale en zone de production
- et de la richesse en LTP de la peau d’un fruit, la pêche
Ceci étant, il n’est pas sûr qu’un abaissement des concentrations en LTP dans la peau de pêche (ex. 40% comme cité plus haut) soit suffisant pour rendre les pêches « non LTP-sensibilisantes » aux consommateurs Français ou Belges.
Aussi d’autres influences sont probablement présentes dans les régions à prévalence élevée de réactivité aux LTP :
- l’introduction plus précoce des fruits dans l’alimentation du jeune enfant, comme le pense Monserrat Fernández-Rivas,
- une exposition pollinique particulière, avec une « pression LTP » plus forte que dans d’autres régions européennes.
En effet, contrairement à une opinion souvent entendue, sensibilisation aux LTP ne veut pas dire absence de pollinose.
L’allergie aux Rosacées due aux LTP : une allergie sans pollinose ?
Il est classique d’opposer le syndrome bouleau-pomme (ou le syndrome armoise-Apiacées) à l’allergie à des fruits de Rosacées rencontrée en milieu méditerranéen.
Cette dernière ferait exception parmi les allergies aux aliments d’origine végétale, notamment les fruits et les légumes, en n’étant pas liée à une pollinose. L’allergie à la pêche et autres aliments du syndrome LTP se produirait chez des patients non polliniques.
Cette vision des choses est tout à fait erronée. S’il est vrai qu’une sensibilisation à des LTP, notamment à Pru p3, c’est à dire à la pêche, peut se rencontrer en l’absence de toute pollinose, la plupart des patients ayant une allergie due à des LTP sont polliniques.
Une étude de Fernández-Rivas montre que l’allergie à la pêche s’accompagne d’une pollinose chez 24 % des enfants avant l’âge de 5 ans et chez 84 % des patients après l’âge de 15 ans.
- Cela montre à la fois que l’allergie à la pêche n’a pas besoin de la pollinose pour se constituer et que les sujets allergiques à la pêche ont un terrain atopique propre au développement très fréquent d’une pollinose.
Sur la base de 12 cohortes différentes, une pollinose est rencontrée en moyenne chez 83 % des patients ayant une allergie aux Rosacées en Espagne .
Bien sûr ces chiffres sont inférieurs à ceux observés en Allemagne ou en Suisse puisque la pollinose au bouleau est quasi-constante dans ces pays chez les sujets allergiques aux fruits des Rosacées.
Et dans le cas d’une réactivité profilinique, il va de soi que, comme pour le syndrome bouleau-Rosacées, les patients se sont primitivement sensibilisés aux profilines des pollens (graminées, olivier notamment) : ils sont donc avant tout polliniques.
Quels pollens pourraient jouer un rôle dans la sensibilisation aux LTP ?
On connaît l’existence de LTP allergéniques dans plusieurs pollens, et notamment l’olivier (Ole e 7), le platane (Fra e 3), l’armoise (Art v 3), l’ambroisie (Amb a 6) et les pariétaires (Par j 1 et 2, etc).
L’olivier est, bien sûr, caractéristique des contrées méditerranéennes. Les pariétaires sont très prévalentes aussi (ex. Italie du Sud). Le platane semble important dans certaines zones (ex. Catalogne). L’armoise n’est pas restreinte au climat méditerranéen. Quant à l’ambroisie elle n’est pas présente de façon significative en Espagne, dans le Sud de l’Italie ou en Grèce. (NB au sujet de l’ambroisie : on peut suspecter son rôle en Europe Centrale dans la positivité pour les LTP telle qu’il ressort d’une étude récente montrant 26 sujets nPru p 3 positifs parmi 54 adultes avec allergie à la pêche ).
Les candidats principaux pour que le « syndrome LTP » soit, au moins en partie, suscité par des LTP polliniques sont l’olivier, l’armoise et le platane.
Le cas des pariétaires semble plus clair car les LTP de pariétaires ne sont pas des LTP classiques et n’ont pas, jusqu’à présent, montré de réactivité croisée avec des LTP de Rosacées
On pourra se reporter à l’analyse des relations entre pollens et aliments végétaux faite dans les articles concernant la pêche, l’olivier et le platane.
Dans tous les cas, la pollinose ne semble pas suffire pour générer, à elle seule, une sensibilisation aux LTP capable de se manifester cliniquement (ex. allergie à la pêche). Par contre, la pollinose peut jouer un rôle additionnel, amplificateur : par exemple en élargissant la diversité des épitopes auxquels le patient est exposé, certaines LTP ayant parfois un épitope non partagé avec les autres LTP.
Vers la fin du dogme LTP = pays méditerranéens ?
Jusqu’à présent les PR-10 et les LTP semblaient avoir signé un accord : chacun son territoire !
Une étude sur l’allergie à la pomme résume bien cette dichotomie :
On peut voir dans les résultats de cette étude :
- la primauté des PR-10 en Autriche et aux Pays-Bas :
- moins d’allergie à la pêche qu’en Espagne
- mais beaucoup plus à la noisette (qui est donc plus PR-10 que LTP)
- l’initiation de l’allergie aux Rosacées par :
- la pollinose en Autriche et en Italie (du Nord)
- la pêche en Espagne
Mais ce dogme sur le caractère purement méditerranéen de la sensibilisation aux LTP est peu à peu bousculé :
- des patients ne vivant pas en zone méditerranéenne présentent des allergies alimentaires dont l’origine s’avère être une réactivité LTP : mandarine en Belgique , myrtille en Autriche ou en Allemagne , divers fruits des Rosacées en France ou au Portugal
- la LTP de platane, Pla a 3, a été trouvée positive chez 14% de polliniques au platane vivant en Allemagne
- 48% de résultats positifs pour nPru p 3 parmi des Autrichiens allergiques à la pêche
- 31% de résultats positifs pour la LTP de noisette, nCor a 8, parmi des enfants Néerlandais ayant un CAP noisette positif
- cette réactivité inattendue pour une LTP aux Pays-Bas est confirmée cliniquement : 9 des 12 enfants de cette étude ayant un TPODA positif avec la noisette étaient nCor a 8+, contre aucun des 14 pour lesquels le PTO s’est avéré négatif. Mieux : les 8 TPO positifs avec des symptômes objectifs étaient tous nCor a 8+
- plus récemment, la même équipe a retrouvé chez des adultes des résultats similaires à ceux observés chez les enfants : 22% de patients TPODA positifs pour la noisette sont nCor a 8+
Ce qui est nouveau aussi dans ces résultats c’est la présence d’une sensibilisation aux LTP simultanément à une prévalence élevée de sensibilisation aux PR-10 :
- 41 des 54 Autrichiens dans l’étude de Gaier étaient polliniques au bouleau
- 75% des enfants et 90% des adultes dans les travaux Néerlandais étaient réactifs à nBet v 1
Faut-il pour autant estimer que la relation forte entre LTP et environnement méditerranéen est obsolète ? Non, pour diverses raisons :
- l’émergence récente des allergies LTP-médiées hors des zones méditerranéennes reste quantitativement assez limitée. Par exemple, les enfants Néerlandais allergiques à la noisette toléraient pour la plupart la pêche et tous la pomme et la cerise : un « syndrome LTP » n’était pas présent
- d’ailleurs la réactivité à la LTP de pêche (2 enfants/12 TPODA+ noisette) contrastait avec celle pour la LTP de noisette (8/12)
- parallèlement, la pêche n’est pas la seule initiatrice d’un « syndrome LTP » en milieu méditerranéen : en Grèce, il semble que le raisin puisse jouer un rôle similaire , même si des études épidémiologiques sur un grand nombre de patients seraient utiles pour établir ce lien.
Aussi, peut-être faudrait-il reconsidérer la sensibilisation aux LTP comme un phénomène plus général, non limité à la pêche (et aux contrées situées au Sud de l’Europe) : des LTP présentes dans d’autres aliments seraient elles aussi capables d’initier une sensibilisation, l’étendue des réactions à des aliments variés ne dépendant que de la capacité de réactivité croisée de ces LTP (ex. large pour Pru p 3 et limitée pour Cor a 8).
Les résultats du projet EuroPrevall, prochainement disponibles, permettront de mieux comprendre les différents « tableaux LTP » à travers 12 pays d’Europe.
Diagnostic étiologique d’une allergie aux fruits des Rosacées
Dans la mesure où une sensibilisation vis à vis des LTP engage un pronostic différent d’une sensibilisation aux PR-10 ou aux profilines, il est très utile de pouvoir affiner le diagnostic étiologique.
Anamnèse et tests réalistes
La pratique d’un TPO a pour but de confirmer ou non une réactivité clinique suspectée sur les bases de l’anamnèse et de tests cutanés :
- Dans le cas des fruits de Rosacées et pour des cohortes de patients d’Espagne ou d’Italie, l’analyse de la littérature montre qu’entre 2 patients/3 et 9 patients/10, selon le fruit testé, ne sont pas allergiques au vu du TPO malgré l’anamnèse et/ou les tests cutanés .
- C’est pour la pêche que l’écart est le plus faible (env. les 2/3 des cas sont confirmés par TPO).
La sévérité des réactions n’est pas toujours prédite par l’anamnèse et Fernández-Rivas rapporte, en cours de TPODA, 4 cas de réactions systémiques pour 9 sujets disant n’avoir que des réactions locales et, inversement, 1 seule réaction systémique parmi 6 patients déclarant ce type de réactions .
Ajoutons à cela que la pratique d’un TPO dans la réalité quotidienne … est très éloignée des recommandations officielles : dans l’étude Alergológica, les allergologues Espagnols reconnaissaient n’avoir établi un diagnostic avec un TPO que dans 13% des cas … les 3/4 ayant été réalisés en ouvert . Et il est possible que ce soient de bons chiffres comparés à des pays voisins !
L’approche étiologique peut néanmoins tirer parti de divers indices :
- une réaction sévère et/ou une réaction survenant aussi avec les fruits cuits est peu en faveur d’une réactivité PR-10
- l’absence de pollinose oriente vers une sensibilisation LTP
Tests cutanés
Les extraits de fruits des Rosacées ne sont pas les plus faciles à réaliser car les PR-10 sont fragiles et les concentrations en allergènes dans la pulpe parfois très différentes de celles dans la peau.
Les tests natifs (prick-prick) sont préférables, mais la disponibilité de certains fruits est limitée au cours de l’année.
S’il n’est pas particulier aux Rosacées qu’une partie seulement des TC positifs soit vérifiée en TPO, au point que parfois l’anamnèse montre une meilleure spécificité , les TC natifs souffrent parfois d’un certain manque de répétabilité .
Dans le cas de la pomme, l’endroit où piquer dans le fruit n’est pas indifférent : des résultats variables sont notés selon que l’on pique près de la queue ou non, et selon la variété de pomme .
Dans le cas d’une réactivité aux Rosacées résultant d’une sensibilisation aux LTP, il a été proposé de pratiquer des tests avec la peau de pêche : en cas de positivité un test peau de pêche est très en faveur d’une réactivité LTP. De fait, une réactivité pour la pulpe sans réactivité pour la peau est très peu fréquente si le patient s’est sensibilisé à des LTP .
Dans le même esprit il a été imaginé de pratiquer des TC avec un extrait de peau de pomme préalablement chauffée pour y détruire les PR-10 .
La disponibilité de peau de pêche pouvant poser problème, il a aussi été utilisé un extrait de prune car étant présenté comme peu riche en PR-10 et profiline .
Mais la situation a évolué dernièrement.
En effet, des tests cutanés sont à présent disponibles pour l’allergologue dans son cabinet … en Espagne (mais pas en France !) :
- un extrait de pêche ALK-Abelló avec 30 µg/ml de Pru p 3, et une préparation de BIAL-Aristegui contenant 100 µg/ml de Pru p 3
- des préparations de profiline de palmier (Pho d 2) distribuée par ALK-Abelló et BIAL-Aristegui
Parallèlement, un extrait de pomme à taux prépondérant en Mal d 1 (PR-10) et un autre en Mal d 3 (LTP) ont été mis au point par ALK-Abelló pour l’étude EuroPrevall.
Tous ces extraits ont été utilisés pour mener à bien diverses études, tant en Espagne qu’en Italie .
La disponibilité de ces extraits modifie profondément la pratique de l’allergologue car celui-ci n’a plus à attendre les résultats du laboratoire pour mieux orienter sa démarche diagnostique et la prise en charge du patient.
Par ailleurs, les tests cutanés avec des allergènes précis plutôt que des extraits peuvent faire gagner en spécificité diagnostique. Ainsi une étude a montré que la sensibilité d’un TC avec Pru p 3 était certes plus faible que celle d’un test peau de pêche (62% vs 81%) ; mais en même temps que le test avec Pru p 3 était 3 fois moins souvent positif que la peau de pêche chez les patients avec TPODA négatif .
Tests sériques
Les mêmes difficultés concernant la récupération des PR-10 dans les extraits existent avec les tests in vitro, type CAP. Phadia a du surcharger en Pru av 1 son test cerise .
Les tests in vitro souffrent par ailleurs de l’interférence éventuelle d’IgE anti-CCD , dont la présence peut concerner 5 à 20% des patients .
Chez des polliniques au bouleau, le résultat du CAP pomme ou cerise permet difficilement de trancher quand la réactivité en kU/l pour le bouleau est élevée : allergie ou simple réactivité croisée ?
Pour améliorer le diagnostic différentiel, Phadia a introduit fin 2007 un CAP pour le recombinant de LTP rPru p 3. Puis, de même, pour la PR-10 rPru p 1 et la profiline rPru p 4. Un test utilisant rPru p 3 a également été utilisé en Espagne avec la technique ALK-Centaur dans différentes études à grande échelle .
La venue d’un test in vitro pour les LTP a marqué un progrès décisif dans l’approche étiologique des allergies Rosacées et, plus généralement, aux aliments végétaux. L’intérêt est moins évident pour rPru p 1 et rPru p 4, leur positivité étant consécutive à des sensibilisations pour lesquelles on possédait déjà des moyens diagnostiques (rBet v 1 et rBet v 2 ou rPhl p 12).
Comparativement à un test sur extrait, un test avec un allergène précis fait gagner en spécificité. Ainsi dans une étude espagnole les 26 patients rapportant des réactions systémiques avec la pêche étaient positifs pour Pru p 3 (in vitro et en TC) en même temps que pour le CAP pêche, mais parmi le groupe des sujets contrôles il était noté 4 positifs avec le CAP pêche mais aucun avec Pru p 3 .
Enfin, le test ISAC contient quelques allergènes de Rosacées : rPru p 1, rPru p 3 et rPru p 4 de la pêche mais aussi rMal d 1 de la pomme. Une étude d’Ebo chez des polliniques au bouleau a cependant montré qu’une positivité pour rMal d 1 ne parvenait pas à clairement différencier les sujets avec des sujets sans syndrome oral à la pomme ; de même pour rPru p 1 et la pêche .
Quelle démarche dans le diagnostic étiologique ?
Avec la disponibilité de pouvoir tester dorénavant la réactivité du patient vis à vis des PR-10, des LTP et des profilines, le diagnostic étiologique d’une allergie aux Rosacées est transformé : le « component resolved diagnosis », cher à Valenta , entre dans le cabinet de l’allergologue !
Mais, pour mettre à profit ces nouveaux outils de l’allergologie moléculaire, le praticien doit posséder quelques notions concernant les familles d’allergènes, leurs réactivités croisées et l’épidémiologie des réactivités au niveau des allergènes. Et, en ce qui concerne les principaux fruits des Rosacées (pomme, pêche, cerise), le graphique ci-dessous donne un raccourci sommaire des prévalences comparées pour PR-10, LTP et profilines selon l’environnement du patient :
On voit que la démarche diagnostique, hors d’une zone méditerranéenne consistera à :
- confirmer au besoin une réactivité PR-10 (mais, le plus souvent, l’existence d’une pollinose au bouleau et/ou une positivité franche pour rBet v 1 suffit)
- éliminer une réactivité LTP, laquelle n’est finalement pas limitée aux zones méditerranéennes ; cela d’autant plus si le patient rapporte des symptômes dépassant un simple syndrome oral
- et finalement rechercher une réactivité vis à vis des profilines, comme dernière option, si les PR-10 et les LTP ont été disculpées. NB : le niveau de réactivité (kU/l) en profilines comme en PR-10 ne renseigne pas sur le risque de réactions sévères .
Dans des régions intermédiaires où chacun des 3 types de réactivités est possible (ex. plaine du Pô en Italie), la combinaison de ces tests prend une importance particulière .
Dans les régions à climat méditerranéen il s’agit surtout de tester LTP et profilines pour évaluer l’impact clinique.
Et, au sujet de la sévérité des réactions, une positivité pour les LTP avec une négativité pour les profilines est en faveur de réactions systémiques éventuelles .
Ceci est plus probant que la valeur quantitative de la réactivité LTP (kU/l ou mm en TC) : chez un patient donné, même avec un test utilisant une LTP purifiée ou recombinante, cette valeur ne renseigne pas sur le risque de réaction sévère .
Le graphique ci-dessous a été construit à partir des résultats d’une étude multicentrique espagnole : il illustre bien que le pourcentage de patients polliniques rapportant des symptômes alimentaires s’élève avec la positivité des profilines et des LTP ; mais aussi que la proportion des réactions systémiques est plus forte si les LTP sont positives avec des profilines négatives.
Prévalences réciproques d’allergie à la pomme et à la pêche selon les pays et les modes de recrutement des patients :