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L’allergie au latex
mercredi 26 novembre 2008, par
L’allergie au latex d’Hevea brasiliensis a pris un essor considérable dans les années 1980 avec l’apparition puis l’expansion du SIDA. Si la prévalence d’allergie au latex est estimée à environ 1% dans la population générale, elle toucherait de 6 à 17% des personnels soignants et 30 à 60% des enfants ayant du subir des actes chirurgicaux répétés .
Les différentes formes cliniques d’allergie au latex ne sont pas revues ici : elles ont fait l’objet de nombreuses revues . On distingue :
- les réactions respiratoires et/ou dermatologiques rencontrées chez les personnels soignants (PS) par suite de leur exposition professionnelle
- le cas des patients poly-opérés, et notamment les enfants atteints d’un spina bifida (SB)
- les anaphylaxies per-opératoires, a priori sans antécédents connus concernant le latex : le latex représente à lui seul environ 20% des causes d’anaphylaxie per-opératoire (et même plus de 50% chez les sujets de moins de 18 ans)
- les allergies croisées favorisées par une allergie au latex, et notamment les allergies alimentaires (cf. Latex et aliments)
Sans revenir non plus sur les modes de sensibilisation dans le détail, on notera cependant :
- que l’atopie joue un rôle important dans la sensibilisation professionnelle
- tandis que l’âge et la pathologie traitée semblent influer sur la survenue d’une sensibilisation per-opératoire .
Les objets susceptibles de favoriser une sensibilisation au latex sont clairement identifiés dans le cadre de l’activité de soins, à commencer par les gants qu’ils soient d’examen ou chirurgicaux.
L’exposition à des objets contenant du latex d’Hevea en dehors d’un cadre d’activité de soins est plus mal cernée et pourrait constituer une forme de sensibilisation "cachée".
Schématiquement, on distingue 2 grandes catégories de produits en latex :
- ceux qui, comme les gants, sont obtenus à partir d’une fraction concentrée du latex récolté sur les arbres (la "rubber phase", cf. schéma)
- et ceux qui résultent du latex naturel coagulé puis lavé et séché à forte température (le "dry rubber") : on utilise ce type de latex séché pour fabriquer des objets aussi divers que des pneus, des bandes élastiques, des tubes, des chaussures, etc..
Est-ce que le contact avec ces objets dans la "vie courante" peut initier une sensibilisation vis à vis des allergènes du latex chez des sujets prédisposés ?
Divers objets en latex semblent capables de relarguer des allergènes : matelas, gants de ménage, ballons, semelles, bandes élastiques, etc.. . Pour certains auteurs, il existe donc une exposition et celle-ci pourrait comporter un risque chez un sujet prédisposé. Les preuves d’une réelle sensibilisation par ces objets sont manquantes mais une telle exposition « cachée » pourrait être mise au crédit de primo-réactions per-opératoires chez des sujets a priori sans facteur de risque.
Il en est de même pour les tétines et autres sucettes destinées aux nourrissons : des observations avalisent un lien entre l’usage de tels objets en latex et des symptômes allergiques . Des extraits de ces tétines/sucettes ont montré une IgE-réactivité, plutôt faible en général .
On connaît mal ce qu’il en est des élastiques et gouttières utilisées en orthodontie.
Tous ces objets sont, bien sûr, déconseillés en cas d’allergie connue au latex ou de réaction apparemment liée à leur contact . Mais on ne sait pas si ce contact est susceptible de générer une sensibilisation à bas bruit au latex.
La question du latex “ caché ” concerne aussi le transfert possible d’allergènes du latex à des aliments à la suite du contact de ces aliments par des objets en latex (ex. gants) . Bien que probablement très rare, cette cause peut constituer un piège diagnostique chez un patient exploré pour une réaction alimentaire. Sa réalité a été confirmée par TPODA .
Enfin, il a été rapporté des cas d’anaphylaxie vis à vis du latex contenu dans des produits destinés à fixer un apport capillaire
Les allergènes du latex
Le latex d’Hevea brasiliensis, comme le latex d’autres plantes, est une sécrétion à visée défensive : colmater une blessure, éviter que cette dernière soit la porte d’entrée pour des micro-organismes pathogènes.
Il n’est donc pas surprenant que de nombreux allergènes du latex soient des protéines de défense végétale . De plus, la sélection de clones d’Hevea plus productifs, la scarification répétée et l’utilisation de phyto-hormones ne font qu’accroître les concentrations des protéines de défense (ex. l’hévéine ).
Les protéines du latex sont très variées : on en différencie au moins 250 dans le latex ammoniaqué .
Toutes ne sont pas IgE-réactives. Cependant une résolution en blot bidimensionnel montre de l’ordre de 60 spots . Si un certain nombre d’entre eux sont des isoformes d’un même allergène, on est loin malgré tout d’avoir identifié la nature de tous ces spots .
L’IUIS reconnaît 13 allergènes différents, nommés de Hev b 1 à Hev b 13.
Allergène | Fonction | Glycosylé |
---|---|---|
Hev b 1 | Facteur d’élongation (REF) | |
Hev b 2 | Beta 1,3 glucanase | Oui |
Hev b 3 | REF-like | |
Hev b 4 | Lécithinase | Oui |
Hev b 5 | ? | |
Hev b 6.01 (pro-hévéine) | Barwin-like | |
Hev b 6.02 (hévéine) | Lectine | |
Hev b 7 | Patatine-like | |
Hev b 8 | Profiline | |
Hev b 9 | Enolase | |
Hev b 10 | Superoxyde dismutase (Mn) | |
Hev b 11 | Chitinase de classe 1 | |
Hev b 12 | Lipid transfer protein (LTP) | |
Hev b 13 | Early Nodule Specific Protein | Oui |
D’autres protéines, non estampillées IUIS, sont cependant clairement IgE-réactives :
- l’hévamine,
- une citrate binding protein,
- une isoflavone réductase ;
- une rotamase,
- une thiorédoxine,
- une UDP-glucose pyrpphosphorylase .
- une papaïne-like ?
Quelles particularités ont les allergènes du latex ?
Hev b 1
Cette protéine, aussi dénommée REF (Rubber Elongation Factor), est indispensable à la polymérisation des particules de caoutchouc contenues dans le latex natif. Elle représente 10 à 60% des protéines totales du latex et se trouve à la surface des particules de caoutchouc, dans ce qui est nommé la “ rubber phase ” après centrifugation du latex (cf. schéma ci-dessous)
Les fractions du latex après centrifugation :
Décrit par Czuppon dès 1993 , cet allergène apparaît sous forme de monomère et de tétramère (58 kDa).
Hev b 1 est particulièrement IgE-réactif chez les enfants multi-opérés : la part d’IgE-réactivité due à Hev b 1 dans le résultat pour l’extrait latex global était ainsi de plus de 50% pour 27 parmi 35 enfants avec spina bifida . Le nombre d’opérations faisait augmenter la réactivité à Hev b 1.
Hev b 1 est absent du C-sérum, de sorte que la méthode de préparation des extraits pour le diagnostic ne peut traduire exactement la proportion que cet allergène a dans le latex à l’état naturel.
Hev b 2
Cette béta 1,3-glucanase de 34 kDa ou de 36 kDa se présente sous au moins 3 isoformes, dont l’une d’entre elles n’est pas glycosylée.
Sa purification est délicate et il est possible que nHev b 2 soit parfois contaminé par Hev b 6 .
Hev b 2 est une béta 1,3-glucanase de classe 1, plus ou moins homologue de béta 1,3-glucanases présentes dans la tomate et le tabac.
Chez des sujets allergiques à l’olivier, le domaine N-terminal d’Ole e 9, la béta 1,3-glucanase du pollen d’olivier, est capable d’inhiber la réactivité à Hev b 2 . Mais dans ce même travail Hev b 2 ne montrait pas de réactivité croisée avec des béta 1,3-glucanases d’aliments.
Hev b 2 est capable de susciter des IgE par sa chaîne glucidique . Cet allergène est donc susceptible de se lier à des IgE anti-CCD et, sous l’action du periodate, environ la moitié des sujets dans un collectif d’allergiques au latex perdaient leur IgE-réactivité vis-à-vis d’Hev b 2 .
Ceci étant, toute l’IgE-réactivité d’Hev b 2 n’est pas due à son épitope glucidique car :
- on peut obtenir des tests cutanés positifs avec nHev b 2
- une des isoformes d’Hev b 2 n’est pas glycosylée
- et en tests cellulaires, le periodate n’annule pas la réponse à nHev b 2 de manière systématique . Il est possible qu’une partie de la réactivité cellulaire soit le résultat d’une liaison mixte, peptidique + glucidique, selon les auteurs de ce travail.
Hev b 3
Hev b 3 est, comme Hev b 1, une protéine associée aux particules de caoutchouc dans le latex natif.
Sa ressemblance avec Hev b 1 lui confère une classification de “ protéine REF-like ”. Et une réactivité croisée entre Hev b 3 et Hev b 1 a été trouvée .
Alenius et, après lui d’autres auteurs, ont montré que Hev b 3 était très souvent IgE-réactif chez les enfants atteints de spina bifida .
Hev b 4
Cet allergène identifié par Sunderasan est en fait constitué d’un groupe de protéines réparties entre 50 et 57 kDa .
Hev b 4 provient des ces organelles appelées “ lutoîdes ” et en suspension dans le latex natif. Après centrifugation du latex ces lutoïdes sont rassemblés dans la phase inférieure, la “ bottom fraction ” ‘le B-sérum) (cf. schéma). Les lutoïdes renferment de nombreuses enzymes et Hev b 4 présente de fait une activité enzymatique de lécithinase et de glucosidase cyanogène .
Hev b 4 a 8 sites potentiels de glycosylation. Ces sites sont occupés de façon hétérogène, comme c’est souvent le cas : des chaînes différentes au même emplacement, etc.. . La glycosylation semble jouer un rôle important dans la réactivité d’Hev b 4 car la protéine une fois déglycosylée (ou le recombinant rHev b 4 préparé dans E. coli) voit son IgE-réactivité annulée .
Hev b 5
On ne sait pas quelle fonction biochimique possède Hev b 5. Cette protéine a été identifiée à partir d’un extrait de gant et du screening d’une bibliothèque d’ADNc du latex .
Hev b 5 présente une homologie modérée (47% d’identité) avec pKIWI501, une protéine du kiwi. La réactivité croisée entre Hev b 5 et pKIWI501 ne semble pas avoir été étudiée.
Hev b 6
On assimile souvent Hev b 6 à une chitinase du fait de sa responsabilité dans les réactions croisées du latex avec des chitinases alimentaires. Cependant, Hev b 6 n’est pas une chitinase : c’est une protéine de défense végétale du type “ barwin ”. Et c’est seulement une partie de cette protéine, le domaine N-terminal ou “ domaine hévéine ”, qui est impliqué dans les réactions croisées avec les chitinases alimentaires (cf. Syndrome latex-aliments).
En fait, on a l’habitude de nommer Hev b 6.01 la protéine entière (ou “ pro-hévéine ”), Hev b 6.02 le domaine hévéine et Hev b 6.03 le reste de la molécule (le domaine C-terminal).
Dans le latex naturel la pro-hévéine se scinde aisément en hévéine et domaine C-terminal et le rapport hévéine/pro-hévéine est très en faveur de l’hévéine. Cette dernière jouera donc un rôle important dans l’IgE- réactivité observé vis-à-vis du latex au cours des tests diagnostiques.
L’allergénicité de l’hévéine est plus marquée que celle du domaine C-terminal : par exemple, au sein d’un même groupe de patients allergiques au latex, 56% étaient positifs pour Hev b 6.02 contre seulement pour Hev b 6.03 .
En règle générale il existe un fort parallélisme entre la réactivité sérique vis-à-vis d’Hev b 6.02 et celle vis-à-vis de la pro-hévéine Hev b 6.01 . Ce qui est logique. La fréquence des patients mono-positifs est faible : par exemple, 3 cas pour Hev b 6.01 parmi 61 patients . Les rares discordances rencontrées sont dans des zones d’IgE-réactivité basse (zone de kU/l proche de la limite de détection).
On comprend d’autant mieux cette corrélation Hev b 6.01/Hev b 6.02 que la majorité des épitopes d’Hev b 6.01 semblent être concentrés sur le domaine hévéine . On retient habituellement la présence de 2 épitopes sur Hev b 6.02 , celui le plus N-proximal étant le plus important (cf. vue en 3D).
Ces épitopes sont conformationnels , ce qui justifie la fragilité de l’IgE-réactivité en cas de chauffage de ce type de molécule.
Hev b 7
Une bande de 46 kDa a été repérée comme IgE-réactive par Beezhold et identifiée plus tard comme une protéine patatine-like .
Hev b 7, qui est constitué de plusieurs isoformes, provient du cytosol dans le latex natif et présente une activité enzymatique de phospholipase A2 et d’acyl transférase.
Hev b 7 est modérément homologue de Sola t 1, la patatine de pomme de terre (env. 40% d’identité), et contrairement à Sola t 1 n’est pas glycosylé.
De fait, l’allergène naturel a une IgE-réactivité équivalente à celle du recombinant rHev b 7 préparé dans Pichia pastoris .
Hev b 8
L’IgE-réactivité de la profiline du latex a été repérée par Vallier dès 1995 . Hev b 8 a finalement été cloné en 2001 par Ganglberger .
Hev b 8 est présent dans le cytosol du latex et cette solubilité semble justifier les faibles concentrations de profiline retrouvées dans les extraits de gants, consécutivement aux lavages extensifs que subissent ces produits au cours de leur fabrication .
Hev b 9
Cet allergène, une énolase, a été identifié en 1997 par Posch . Bien que présentant environ 60% d’identité avec des énolases fungiques comme Alt a 11 ou Cla h 6, Hev b 9 ne semble pas croiser avec celles-ci .
Hev b 10
C’est aussi dans le même travail que Posch a montré qu’une superoxyde dismutase à manganèse (Mn SOD), Hev b 10, était aussi un allergène dans le latex.
Si les 49% d’identité d’Hev b 10 avec des enzymes fungiques homologues (ex. Asp f 6) ne justifient pas une réactivité croisée latex-moisissures importante, cela mérite d’être approfondi. En effet, il a été constaté une fréquence inattendue de positivités simultanées pour le latex et pour Alternaria . Cela concerne également la noix qui possède également une Mn SOD IgE-réactive (cf. Latex et fruits à coque).
Hev b 11
Cet allergène est une chitinase de classe 1, c’est-à-dire possédant un domaine hévéine (cf. schéma).
Cette chitinase a été suspectée par Lavaud dès 1992 et confirmée plus tard comme participant aux réactivités croisées latex-aliments végétaux .
L’importance d’Hev b 11 dans le syndrome latex-aliments n’est pas bien cernée. Pour Wagner , Hev b 11 ne croise pas avec les chitinases de fruits.
Il faut remarquer cependant que l’homologie entre le domaine hévéine d’Hev b 11 et celui de chitinases d’avocat, de banane ou de châtaigne (72 à 81% d’identité) est plus forte que l’homologie entre l’hévéine Hev b 6.02 et ces domaines dans les fruits (ex. 58% s’agissant de l’avocat) .
L’écart entre Hev b 6.02 et Hev b 11 est donc peut-être à attribuer à des facteurs d’accessibilité des épitopes (cf. vue en 3D).
Hev b 12
Caractérisée récemment , cette LTP n’a pas encore une place bien définie parmi les protéines IgE-réactives du latex. Ni d’ailleurs au sein d’un syndrome LTP.
Sa réactivité croisée avec d’autres LTP mériterait d’être étudiée ; et l’observation de quelques sujets positifs pour rHev b 12 (6 cas sur 48 ) chez des patients allergiques à des fruits fait plutôt penser à une réactivité croisée induite par une sensibilisation initiale aux LTP de ces fruits.
Hev b 13
Cette protéine de 43 kDa a longtemps été confondue avec Hev b 7 car elle migre dans la même zone en SDS-PAGE. Mais l’inhibition de la bande “ Hev b 7 ” par la patatine de pomme de terre était grandement due à une réactivité croisée de type CCD, la patatine (glycosylée) inhibant Hev b 13 (glycosylé) plutôt qu’Hev b 7 (non glycosylé).
Hev b 13 est une “ early nodule specific protein ”. Sa relevance clinique est mal cernée, tant du fait d’une réactivité en partie CCD ‘excès de positivités in vitro) que par suite de défauts de purification de cet allergène (contamination par du Hev b 6) .
De fait, la prévalence de positivité du recombinant rHev b 13 (dans E. coli = non glycosylé) est plus basse que celle de l’allergène naturel .
Autres allergènes
- l’hévamine (ou hévamine A) n’a pas reçu de nom IUIS. Cette protéine a activité mixte chitinase/lysozyme a cependant été montrée IgE-réactive depuis de nombreuses années . Cela tient notamment à sa faible prévalence de positivité
- une papaïne-like IgE-réactive est très probable dans le latex d’Hevea : Baur observe 8 sujets positifs pour la papaïne parmi 24 allergiques au latex et 6 positifs au latex parmi 12 cas d’allergie professionnelle à la papaïne .
(Voir aussi Figue, ficus et latex) - une chitinase de classe 2, c’est-à-dire dénuée de domaine hévéine, a été suggérée dans des travaux anciens . Mais sa faculté d’IgE réactivité doit être confirmée.
- une protéine de 55 kDa, retrouvée dans le B-sérum et hydrophobe, positive in vitro chez une certaine proportion de personnels soignants (14%) et d’ouvriers de fabrication des gants (33%), mais dont la relevance clinique semble très limitée
Devenir des allergènes : de l’arbre aux objets et aux outils diagnostiques
En théorie, les outils diagnostiques sont sensés explorer les mêmes allergènes que ceux auxquels le patient a été exposé. Cette équivalence vaut :
- qualitativement : toutes les sortes d’allergènes sont présentes dans le test diagnostique et ont les mêmes épitopes que ceux présentés au patient lors du contact avec le produit
- quantitativement : la répartition des différents allergènes dans le test est superposable à celle dans le produit entrant en contact avec le patient.
On conçoit aisément que pour un aliment ces prérequis soient difficiles à maintenir du fait, notamment, des transformations dues au processus digestif et à une éventuelle cuisson.
Et on pourrait espérer que dans un produit comme le latex les allergènes soient moins atteints par ce problème de représentativité dans les tests diagnostiques.
Hélas, il n’en est rien. En effet, de multiples écueils compliquent cet objectif :
- la voie de sensibilisation est au moins double, respiratoire pour certains sujets et cutanéo-muqueuse pour d’autres sujets. Un même extrait peut-il répondre à ces cadres très différents d’immunogénicité ?
- les procédés de fabrication des produits manufacturés à base de latex sont d’au moins 2 catégories, avec des étapes de chauffage et de lavage, ainsi que des modes de contact, très différents : certains produits proviennent d’un latex d’abord coagulé, tandis que pour d’autres on procède en premier lieu à une concentration des particules de caoutchouc (ex. gants)
- les extraits pour tests diagnostiques sont tantôt réalisés sur un latex natif, tantôt sur un latex additionné d’ammoniaque (NH4)
- les particules aérosolisées, comme la poudre des gants, et les faces internes et externes des gants en latex contiennent des répartitions différentes d’allergènes
- les extraits pour TC et ceux pour tests in vitro ont, au moins en France, une origine différente, ce qui favorise d’autant mieux des discordances entre leurs résultats
- les protéines initialement présentes dans le latex naturel peuvent être modifiées du fait du processus de vulcanisation (ex. Hev b 5 ou Hev b 1 et Hev b 6.02 qui forment des fragments et/ou des réagrégats )
- plus ou moins relarguées et/ou stables selon l’addition ou non d’NH4 (ex. Hev b 3 ou Hev b 5 )
- plus ou moins éluées du produit fini selon la qualité et l’intensité des processus de lavage, et donc dépendre en partie des sources commerciales
- enfin, les données sylvicoles influent également sur l’intensité de production des allergènes dans le latex des arbres : sélection de cultivars, stimulation par des phyto-hormones
Il n’est donc pas surprenant :
- que des travaux n’aient pu trouver de corrélation entre les taux d’allergènes en atmosphère de travail et ceux mesurés dans des extraits aqueux de gants , même si l’usage de gants non poudrés améliore clairement l’exposition globale et les données cliniques des professionnels exposés
- que les conditions-mêmes d’obtention des extraits de gants (ex. avec ou sans agent tensio-actif) aient pu donner des résultats très disparates
- que des écarts de contenus soient donc constatés entre un extrait à visée diagnostique et un extrait de gants . Fuchs observe 16 patients positifs/56 pour un extrait de gant mais négatifs pour un extrait de latex ammoniaqué ; et vice versa pour 6 autres patients
- que les allergènes repérés comme immuno-dominants à partir d’un extrait de gants varient selon les travaux : Hev b 5 et Hev b 13 , Hev b 6.02 , ..
Il faut ajouter à cela :
- le rôle joué par les particules d’amidon des gants poudrés : celles-ci semblent posséder en soi un pouvoir immuno-adjuvant , capter Hev b 5 ou Hev b 1 beaucoup mieux que Hev b 6.02
- les écarts de répartition des allergènes entre face externe et face interne des gants , Hev b 1 et Hev b 3 étant plutôt majoritaire en face externe et Hev b 5 et Hev b 6.02 en face interne .
Cette différence, résultant peut-être d’un lavage plus poussé de la face externe au cours du process de fabrication des gants, est avancée pour expliquer la sensibilisation particulière à Hev b 1 et Hev b 3 des patients multi-opérés du fait d’un contact muqueux avec les gants .
La question de la représentativité des extraits pour tests diagnostiques est donc très complexe à résoudre dans le cas du latex. Il s’y rajoute, bien sûr, l’influence des éventuelles IgE anti-CCD en ce qui concerne les tests sérologiques (cf. Latex et CCD).
Tous les allergènes n’ayant pas forcément le même pouvoir allergisant, des travaux ont également cherché à repérer quels allergènes étaient importants à retrouver présents dans les extraits pour diagnostic.
Ainsi, Yeang a mesuré le seuil de réactivité en prick-test pour différents allergènes du latex et constaté qu’Hev b 13 était l’allergène donnant un TC positif avec la plus faible dose. Après Hev b 13, Hev b 4, 7, 2, 5, 3 et 6 demandaient une concentration-seuil 10 à 20 fois plus élevée ; quant à Hev b 1 il fallait environ 200 fois plus élevée.
Ces résultats sont cependant à pondérer pour au moins 2 raisons :
- dans le latex naturel, et dans les extraits aussi, Hev b 6 est quantitativement surreprésenté par rapport à la plupart des autres allergènes . La réponse en prick-test vis-à-vis d’un extrait global de latex est, du coup, largement influencée par la réactivité du patient pour Hev b 6
- les travaux réalisés avec des allergènes purifiés peuvent également souffrir d’une contamination par Hev b 6
Prévalences de positivité pour les allergènes du latex
Les tableaux ci-dessous reprennent les résultats de fréquence de positivité pour les différents allergènes du latex selon le cadre clinique.
Ces résultats ont été obtenus à l’aide de techniques in vitro dans leur quasi-totalité.
Des écarts importants apparaissent parfois pour un même allergène entre les études. Cela est du à plusieurs facteurs :
- la sélection des patients
- le type de méthode utilisée : qualitative (ex. immunoblot) ou quantitative (RAST, EILSA, CAP) avec des seuils de sensibilité variables d’une technique à une autre
- certains résultats ont été obtenus avec des allergènes naturels purifiés, tandis que d’autres étaient basés sur des allergènes recombinants (cela est noté par un chiffre en italique dans les tableaux ci-dessous)
- la pureté des allergènes purifiés :
- Palosuo obtient des fréquences de positivité plus basses avec nHev b 2 et nHev b 13 quand ces allergènes sont hautement purifiés . Une contamination par des allergènes souvent positifs, comme Hev b 5 ou Hev b 6.01 est possible.
- Cela pourrait expliquer les prévalences très élevées observées par Raulf-Heimsoth avec nHev b 2 et nHev b 13, puisque ces dernières ne pouvaient, dans cette étude, être attribuées à une réactivité de type CCD (seulement 9% des sujets étaient positifs pour la peroxydase de raifort).
Quels sont les allergènes cliniquement importants ?
Comme pour d’autres produits allergisants, la relevance clinique de certains des « allergènes » du latex n’est pas établie : si pour la plupart d’entre eux on a pu montrer qu’ils étaient, au moins, capables de réponses positives en tests cutanés, pour les autres une dénomination de « protéines IgE-réactives in vitro » serait plus conforme à ce que l’on sait au mieux. C’est le cas notamment pour Hev b 9, Hev b 10, Hev b 11 et Hev b 12.
On distingue deux grands cadres pour la sensibilisation au latex : l’exposition professionnelle et le contact avec des objets en latex, notamment au cours des actes chirurgicaux.
Parce que l’allergie au latex des professionnels de santé (PS) comporte, entre autres, une rhinite et/ou un asthme, il a été suggéré que la sensibilisation était respiratoire pour ces personnes.
Inversement, les sujets polyopérés, tels les spina bifida (SB) se sensibiliseraient par contact muqueux avec les objets en latex, comme les gants, les sondes, etc..
Ces 2 formes de sensibilisation pourraient s’expliquer par :
- une composition en allergènes différente entre la surface externe et la surface interne des gants.
- Le poudrage interne des gants, susceptible d’aérosoliser les allergènes dans l’atmosphère des blocs opératoires
- Un profil d’IgE-réactivité différent pour les SB et pour les PS
De fait, certains travaux ont noté des taux d’allergènes extractibles depuis la surface des gants très différents selon la face testée : Hev b 1 et Hev b 3 sont principalement relargués par la face externe des gants et Hev b 5 par la face interne. Les choses étant égales pour Hev b 6.02 .
Et le profil d’IgE-réactivité des SB corrobore cette observation, ces patients ayant une prévalence d’IgE-réactivité très élevée pour Hev b 1 et Hev b 3, ce que l’on n’observe pas pour les PS (cf. le tableau des prévalences).
Mais ceci n’est peut-être qu’une simplification séduisante des choses.
Hev b 1 semble, en effet, avoir une grande affinité pour les grains d’amidon des gants poudrés et les taux d’allergènes mesurés dans l’air ne suivent pas ceux trouvés dans les gants .
Il faut, de plus, ajouter une autre voie de sensibilisation au latex : celle des contacts non spécifiques, tels ceux de la vie courante ou dans le cadre de métiers sans rapport avec la santé.
Chez les sujets qui se sont ainsi sensibilisés à leur insu, on pourra rencontrer des anaphylaxies per-opératoires.
Les moyens diagnostiques
En dehors des tests réalistes, on peut faire appel à des tests de réactivité cellulaire :
- il est parfois utile de combiner plus d’un extrait en prick-test . Et cela ne suffit pas toujours
- des tests en cytométrie de flux ont été proposés, le plus souvent avec une activation des basophiles repérée à l’aide d’un marquage de CD63 : c’est le « basophil activation test » (BAT) . Des résultats variés ont été trouvés, la corrélation entre ce test et le prick étant plutôt limitée (r = 0,41) , du même ordre que pour le CAP (ex. )
Le choix du cut-off désignant une activation positive peut avoir influencé ces discordances entre travaux car chaque équipe définit son seuil. Cette technique mériterait d’autres travaux car elle explore une réactivité cellulaire, plus proche de la réalité clinique que les tests sérologiques.
S’agissant de ces derniers, la panoplie des outils diagnostiques a été améliorée :
- par l’ajout de rHev b 5 dans l’extrait servant à préparer les CAP latex : un gain de sensibilité d’environ 7% a été obtenu avec ce CAP surchargé , avec une légère baisse de spécificité : des CAP latex négatifs auparavant, malgré un TC positif, ont ainsi été trouvés positifs avec le nouveau CAP latex
- la disponibilité de plusieurs allergènes recombinants : rHev b 1, 3, 5, 6.01, 6.02, 7, 8, 9, 10 et 11.
Malgré tout, un extrait contient une variété de protéines (et donc d’allergènes) qui est difficilement reproductible avec une combinaison de recombinants : ainsi, entre 8 et 13% des patients restent négatifs avec tous les recombinants malgré un TC et/ou un CAP latex global positif .
Par ailleurs les recombinants distribués par Phadia sont des protéines de fusion comprenant l’allergène et une autre protéine qui lui est « attachée ». Dans le cas présent il s’agit de MBP (maltose binding protein) et l’on teste donc des MBP-rHev b 1, etc...
Bien sûr, la validité de ces MBP-recombinants implique que les résultats ne soient pas dus à une réactivité des IgE du patient pour la MBP elle-même. Peu de travaux ont inclus une vérification de cette absence de MBP-réactivité chez les patients étudiés . Dans l’ensemble, une absence de réactivité était constatée , mais cette interférence ne peut être totalement éludée.
Par exemple, Rozynek a trouvé 8 sujets positifs pour la MBP parmi 33 patients . Ceci étant, les tests MBP positifs restaient faibles (<1,3 kU/l) et n’étaient pas vus chez les patients négatifs pour les recombinants (pas de faux positifs).
Les allergènes recombinants peuvent-ils remplacer les tests globaux pour le latex ?
Partiellement oui.
D’un côté il est peu recommandable d’effectuer une dizaine de tests (autant que d’allergènes individuels différents) au lieu d’un seul. Or aucun des allergènes du latex n’est suffisant en soi pour assurer une bonne sensibilité : au mieux, les prévalences de positivité sont de l’ordre de 80 % (Hev b 1, Hev b 6.02).
Ce n’est pas comme Bet v 1 (95 %) qui est un candidat recevable pour remplacer le test bouleau.
La positivité chez un même patient se répartit sur plusieurs allergènes. Cependant, l’utilisation d’une batterie de recombinants ne garantit pas une efficacité proche de 100 % :
- 8 patients/61 (13 %) sont négatifs pour les 9 recombinants testés mais positifs pourtant avec le CAP latex
- en tests cutanés, 8 recombinants différents ne donnent aucun positif chez 4 sujets/49 (8 %) .
D’un autre côté les recombinants actuellement testables in vitro ont l’avantage de ne pas être perturbés par la présence d’IgE anti-CCD. Ce qui est loin d’être le cas pour les tests globaux sur extrait de latex . Trois allergènes, au moins, concourent à une réactivité CCD dans le latex : Hev b 2, Hev b 4 et Hev b 13 (cf. Latex et CCD).
Place des recombinants
1 - Pour le diagnostic de l’allergie au latex
Hev b 1 et Hev b 3 sont beaucoup plus fréquemment positifs chez les SB et les poly-opérés que chez les PS.
Pour les autres allergènes principaux (Hev b 5, Hev b 6) il n’y a pas de différence suffisante pour être utile (cf. le tableau des prévalences).
Qu’apporterait la mesure de la réactivité pour Hev b 1 et/ou Hev b 3 ?
Comme on n’a pas besoin de tester Hev b 1 et/ou Hev b 3 pour savoir que l’enfant est SB ou poly-opéré, l’utilité de ces allergènes en pratique courante est encore à démontrer.
Par ailleurs, le parallélisme entre Hev b 1 et Hev b 3 chez le même patient inciterait à ne tester qu’un seul de ces 2 allergènes.
Les cas de mono-réactivité à 1 seul allergène du latex sont assez rares :
Hev b | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Ref | Recrutement | Nb | 1 | 5 | 6.01 | 8 | 11 | 13 |
CAP latex+ | 61 | 1 | 3 | 3 | ||||
CAP latex+ | 21 | 1 | 1 | |||||
profess. Santé | 49 | 1 | ||||||
Allergie latex | 21 | 2 | 1 | |||||
poly-polliniques | 28 | 14 | 1 | |||||
spina bifida | 31 | 3 | 1 | |||||
profess. Santé | 104 | 7 | 3 | 3 | 1 |
Pour Radauer, Hev b 8 pourrait avoir une relevance clinique chez les sujets mono-réactifs à cet allergène . Mais des résultats plus récents sont plutôt en faveur d’une trace immunologique due à la pollinose et dont l’impact clinique est loin d’être clair :
- Beaudouin montre 14 mono-réactifs à rHev b 8 parmi 28 patients poly-polliniques asymptomatiques pour le latex . Ces sujets Hev b 8 positifs étaient aussi Bet v 2 positifs
- parmi des patients positifs en CAP pour le latex : 11/21 sont positifs pour rBet v 2 mais n’ont pas d’allergie au latex, contre 0/17 en cas d’allergie au latex
- une absence de pertinence clinique pour Hev b 8 a également été avancée à la suite d’études avec tests réalistes (gant en latex) . Ces résultats sont cependant plus ou moins critiquables car la présence de taux notables de profiline dans les gants est douteuse ...
De l’avis de la majorité des experts, les allergènes les plus importants à tester sont Hev b 5 et Hev b 6.01 (ou Hev b 6.02), ainsi que Hev b 1 (ou Hev b 3) chez les sujets avec un spina bifida.
Différentes combinaisons ont été évaluées :
- rHev b 5 et rHev b 6.01 : sensibilité de 100% pour une positivité pour l’un ou les 2 allergènes dans un groupe de 21 allergiques au latex . Cependant cette combinaison est positive aussi chez 10/28 poly-polliniques non allergiques au latex (CAP+ latex)
- on peut associer en plus rHev b 8 (ou rBet v 2) : avec les patients étudiés par Beaudouin aucun rHev b 8 n’est positif parmi les 19 rHev b 5 et/ou rHev b 6.01 positifs chez les sujets allergiques au latex (n=21), tandis que rHev b 8 est positif 15 fois sans réactivité pour rHev b 5 ni rHev b 6.01 chez les sujets poly-polliniques non allergiques au latex (n=28)
- Raulf-Heimsoth recommande rHev b 5 + rHev b 6.01, en association avec Hev b 2 ou Hev b 13. Cependant ces deux derniers allergènes ne sont pas disponibles en routine actuellement. Par ailleurs, la distinction entre allergie et réactivité sans symptômes n’est pas assez claire : si 89% des spina bifida avec allergie sont positifs pour rHev b 5 et/ou 6.01 et/ou 2, 58% des spina asymptomatiques avec le latex sont eux aussi positifs
Le cas des patients ayant présenté un choc per-opératoire a été insuffisamment étudié sur le plan moléculaire. Bienvenu rapporte une série de 28 patients pour lesquels 8 recombinants différents ont été testés (cf. tableau des prévalences).
- Il n’est pas possible, cependant, de tirer une enseignement en préopératoire avec la mesure de la réactivité pour tel ou tel allergène.
- Rien de très spécifique n’est noté concernant ces patients, même si la positivité (a posteriori) pour rHev b 5 est un peu plus fréquemment observée en cas de choc.
- Il faudrait peut-être réaliser des études comparant des sujets ayant subi un accident per-opératoire avec des sujets, positifs aussi pour le latex avant opération, mais n’ayant pas montré de réaction per-opératoire, à geste équivalent.
Au total, l’utilisation des différents allergènes disponibles in vitro est d’un intérêt limité pour avoir une vue plus précise sur une allergie au latex déjà caractérisée par l’enquête clinique et les TC.
Une exception pourrait être la discordance entre un TC négatif et une histoire clinique en faveur d’une allergie au latex.
- Il semble, en effet, qu’un des allergènes importants, Hev b 5, soit plus difficile à récupérer dans les extraits que d’autres allergènes . Dans les rares cas où le patient se serait mono-sensibilisé à Hev b 5, on pourrait constater un TC négatif. C’est la raison pour laquelle le CAP latex a été surchargé récemment en rHev b 5. Cette addition permet d’augmenter (modestement) la sensibilité du CAP latex au détriment de la spécificité .
Au total, l’utilisation des allergènes recombinants ne permet pas, à l’heure actuelle, de différencier allergie et sensibilisation de façon nette.
Les allergènes recombinants du latex apportent cependant une aide pour confirmer un diagnostic, notamment en cas pollinose associée et/ou de présence d’IgE anti-CCD.
Contrairement à des tests comme rFel d 1 ou rBet v 1 dont l’utilisation peut se concevoir en première intention, les recombinants du latex ont plus leur place après une première approche comprenant déjà un test in vitro latex positif.
2 - Dans le cadre de réactions croisées avec des aliments, etc..
Certains allergènes du latex n’ont pas d’homologues IgE-réactifs connus (pour l’instant) dans d’autres produits : Hev b 1, Hev b 3, Hev b 4, Hev b 5.
C’est le cas aussi de protéines IgE-réactives nouvellement caractérisées comme l’UDPG-pyrophosphorylase, la rotamase ou la citrate-binding protein .
Pour d’autres protéines, la présence d’homologues alimentaires existe mais la réactivité croisée n’est pas connue : l’isoflavone réductase et la thioredoxine , la triose-P isomérase , l’hévamine.
La réactivité croisée d’Hev b 2 et celle d’Hev b 13 est a priori de nature CCD.
La profiline (Hev b 8), la LTP (Hev b 12), la patatine-like (Hev b 7), l’énolase (Hev b 9) et la superoxyde dismutase (Hev b 10) ont un intérêt mal défini tant pour l’allergie au latex que pour la réactivité croisée avec d’autres produits que le latex :
- Hev b 8 : tester la profiline du latex n’apporte pas de renseignement particulier :
- Hev b 12 :
- chez des sujets allergiques au latex, la positivité pour la LTP Hev b 12 ne s’accompagne pas fréquemment d’une allergie à des aliments “ de type LTP ” (ex. Rosacées) .
- De même, pour Rihs, rHev b 12 est parfois positif chez des patients allergiques aux fruits, notamment en Espagne, mais cela représente la trace d’une sensibilisation alimentaire aux LTP
- Hev b 7 : des prévalences non négligeables de positivité ont été relevées pour la patatine-like, Hev b 7, chez des patients allergiques au latex (cf. Tableaux de prévalences).
- Cependant, la réactivité croisée entre Hev b 7 et la patatine de pomme de terre a une relevance clinique restant à démontrer : parmi des sujets sélectionnés sur la base d’une réactivité/allergie à la pomme de terre on ne trouve pas une fréquence inhabituelle d’allergiques au latex. (cf. Pomme de terre et latex)
- Hev b 9 : cet allergène a des homologues dans les moisissures.
- In vitro, la positivité pour rHev b 9 varie de 0 à 15% chez les sujets allergiques au latex et a été trouvée à 21-23% chez des sujets allergiques aux moisissures .
- La réactivité pour rHev b 9 semble pas primitive, cet allergène inhibant mal ses homologues fongiques .
- L’intérêt d’Hev b 9 dans l’exploration d’un sujet allergique au latex semble limité. On pourrait éventuellement tester rHev b 9 devant une réactivité in vitro pour le latex non confirmée en test cutané chez un patient allergique aux moisissures .
- Hev b 10 : cet allergène a également des homologues dans les moisissures.
- In vitro, la fréquence de positivité pour rHev b 10 a été trouvée le plus souvent proche de zéro chez des allergiques au latex et de 12% chez des allergiques aux moisissures .
- rHev b 10 inhibe mal ses homologues fongiques .
- Le cas d’Hev b 10 reste cependant ouvert car il a été constaté des fréquences inattendues de TC positifs pour Alternaria chez des sujets TC positifs latex (et vice versa), de même que pour la noix . Or, la noix, comme Alternaria, possède une Mn superoxyde dismutase IgE-réactive … (cf. Latex et fruits à coque).
C’est avant tout l’hévéine (Hev b 6.02), la pro-hévéine (Hev b 6.01) et la chitinase du latex (Hev b 11) qui sont concernées par les réactivités croisées latex-aliments végétaux (cf. Latex et aliments).
- La réactivité croisée entre Hev b 6.02 et Hev b 6.01 est évidente, ces 2 protéines ayant un domaine identique (cf. schéma des chitinases).
- Il est dès lors inutile de tester in vitro à la fois rHev b 6.01 et rHev b 6.02. Les rares cas de discordance entre ces 2 allergènes se rencontrent avec des réactivités toujours très faibles .
- Hev b 6.02 est présent dans le latex naturel. Il provient du clivage d’Hev b 6.01.
- Pour savoir si le patient est susceptible de réagir à des aliments par réactivité croisée avec le latex, le meilleur choix pourrait consister en rHev b 6.02. Mais certains auteurs préfèrent rHev b 6.01.
Pourquoi ne pas tester d’emblée rHev b11 ?
- Si des chitinases alimentaires sont le support d’une association latex-aliment, la chitinase Hev b 11 devrait être la mieux adaptée. D’autant que le domaine hévéine d’Hev b 11 est plus homologue de ceux de banane, avocat ou châtaigne (72 à 81 % d’identité) que de l’hévéine elle-même (58 %).
- Mais la relevance clinique de l’hévéine Hev b 6.02 s’avère très nettement supérieure à celle d’Hev b 11.
- Et les sujets positifs pour rHev b 11 sont en règle générale positifs pour rHev b 6.02 et/ou rHev b 6.01 .
- Enfin, quantitativement, la réactivité de rHev b 11 est le plus souvent inférieure à celle de rHev b 6.01 ou rHev b 6.02 .
Malgré tout, il existe des cas avec rHev b 11 positif et rHev b 6.01/6.02 négatif ; et, parfois, l’allergie à des fruits exotiques débute avant celle pour le latex (cf. Syndrome latex-aliments). Des études complémentaires seraient nécessaires, particulièrement chez ces patients d’abord réactifs aux fruits, pour être en mesure d’attribuer un rôle primitif à la chitinase Hev b 11.
3 - Dans le suivi des patients
Les mesures d’éviction du latex ont fait l’objet de nombreuses études de suivi.
Le plus souvent ces études ont associé aux critères cliniques des résultats d’exploration par TC et/ou CAP latex, c’est-à-dire sans discrimination parmi les différents allergènes du latex . En règle générale, le prick-test reflétait mieux l’amélioration clinique que ne le faisait le CAP.
Une étude récente a recherché si l’évolution d’un allergène précis pourrait apporter plus de renseignements que l’évolution du test global latex :
- les tests cutanés effectués avec un extrait latex et 8 allergènes purifiés montrent, après 5 ans de mesures d’éviction du latex, une évolution qui est beaucoup moins nette que celle des paramètres cliniques ;
- et sur les 8 allergènes purifiés testés aucun ne se distingue et pourrait constituer un témoin fidèle d’amélioration clinique.
4 – Pour l’estimation du risque de récidive per-opératoire
Rien de précis. Parfois il a été relevé une fréquence plus grande de résultats positifs pour rHev b 1 et/ou rHev b 3 en cas de choc per-opératoire (9 sujets/28) que pour d’autres situations d’allergie au latex (1/34) . A noter qu’il s’agissait de patients adultes.
5 - Les recombinants et l’immunothérapie
Le nombre des études portant sur l’immunothérapie (IT) d’une allergie au latex est restreint.
Une relation inverse (r = -0,72) a été notée entre le résultat pour rHev b 6.01 avant IT et la dose maximale tolérée pendant l’IT . Mais, dans une autre étude, rHev b 5 ou 6.01 ou 6.02 ne permettaient pas de prédire le risque de réaction clinique au cours de l’IT .
Quelques néo-réactivités en blot ont été observées après 6 mois d’IT : 1 pour Hev b 5 (sur 16 patients), 2 pour Hev b 6.01 et 2 pour Hev b 11. Toutes ces néo-réactivités étaient faibles.
Un autre travail a comparé différents recombinants avant le début de l’ITSL et 1 an après chez 9 patients adultes : globalement, les positivités se sont peu modifiées, notamment pour rHev b 5 et rHev b 6 . C’est aussi le cas pour la réactivité cellulaire (test BAT) vis à vis de rHev b 6.01/6.02 : après une baisse à +6 mois, cette réactivité revient dans la zone des valeurs initiales à +1 an .
Dans l’état actuel des choses, il semble difficile de tirer parti des recombinants dans ce cadre thérapeutique.
Latex et CCD
(voir aussi : Les CCD)
Le latex d’Hevea contient des glycoprotéines, dont des allergènes comme Hev b 2, Hev b 4 et Hev b 13. Les chaînes glucidiques de ces allergènes ont montré leur capacité d’IgE-réactivité .
La pertinence des tests in vitro pour le latex est fortement perturbée par la présence d’IgE anti-CCD dans le sérum des patients .
De très nombreuses observations le prouvent :
- la prévalence des RAST latex positifs est de 7,3 % l’été contre 3,9 % l’hiver
- l’excédent de tests latex in vitro positifs par rapport aux TC est très net dans les études de populations générales mais pas dans les cohortes de populations à risque
- une corrélation est notée entre les résultats pour le latex et ceux pour le pollen de dactyle (r = 0,7)
- parmi des sujets ayant un CAP latex positif, 10 % sont effectivement allergiques au latex s’ils sont par ailleurs polysensibilisés, alors que tous les mono-positifs latex sont allergiques au latex
- parmi 1236 enfants Hourihane relève 4 % de CAP latex positifs mais seulement 0,47 % ont une véritable allergie au latex
- des groupes contrôles s’avèrent CAP latex positifs de façon inattendue : par exemple 12/30 polliniques à l’armoise
- les sujets allergiques aux hyménoptères présentent une proportion tout à fait anormale de résultats in vitro positifs pour le latex . Jappe relève 80% de CAP latex positifs dans une cohorte de patients avec double positivité abeille-guêpe due à des CCD (cf. Hyménoptères et latex).
Clairement, la pollinose (surtout la poly-réactivité pollinique ) et l’allergie aux venins d’hyménoptères génèrent des IgE capables de positiver faussement les tests in vitro pour le latex.
Dans une moindre mesure, l’alcoolisme peut également générer une IgE-réactivité de type CCD et entraîner des résultats latex faussement positifs .
Des glyco-reporters, comme la broméline ou la peroxydase de raifort (HRP), ont été testés et aboutissent à la même conclusion :
- sur 23 sujets CAP positifs mais TC négatifs, le CAP broméline était positif 18 fois. Aucun des CAP et TC positifs n’était positif pour la broméline .
- Parmi 23 enfants avec rhinite (souvent en lien avec des graminées) et un test in vitro positif pour le latex mais asymptomatiques au contact du latex, 18 étaient positifs pour un glyco-reporter .
- Parmi 21 patients random avec CAP positif latex mais sans histoire clinique positive pour le latex, 5 sont trouvés CAP broméline positifs . Mieux 1 de ces 5 patients n’est positif pour aucun des 9 recombinants testés, le CAP latex étant donc apparemment positivé uniquement par une réactivité CCD.
- dans une autre étude comportant aussi 9 recombinants, sur 6 patients négatifs pour les 9 recombinants 4 étaient positifs en broméline
- une corrélation étroite entre latex et un glyco-reporter (HRP) existait chez des sujets doublement positifs abeille+guêpe
Avec une technique d’immuno-capture par la broméline et HRP, il est possible de montrer l’impact de cette réactivité CCD : elle représente parfois la totalité du résultat initial .
Enfin, l’interférence des IgE anti-CCD dans les tests sériques pour le latex est confortée par l’observation d’un nombre restreint de tests cellulaires (ex. le BAT) trouvés positifs en comparaison du nombre des bromélines positives chez les mêmes patients : 4 au lieu de 20 parmi 24 patients avec CAP positif mais TC négatif .
Devant cette difficulté majeure des tests in vitro basés sur les mélanges complexes que sont les extraits, on peut :
- tester un glycoreporter (ex broméline ou HRP) : si le résultat est négatif, il faudra chercher pourquoi le test in vitro latex était positif contrairement aux autres données du dossier.
- Si le résultat est positif, la valeur du test in vitro pour le latex est fragilisée. Mais on ne peut pas retrancher les kU/l trouvés pour la broméline des kU/l trouvés pour le latex. Aucun parallélisme n’existe entre les glycoreporters et les autres tests .
- tester 1 ou 2 recombinants, si possible adaptés au cas du patient. Cela n’aura pas beaucoup d’intérêt pour les SB. Pour les patients non exposés professionnellement on pourrait suggérer de tester rHev b 5 et rHev b 6.02.
- l’idéal serait d’épuiser le sérum de toutes ses IgE anti-CCD et d’effectuer la mesure in vitro avec un test latex classique. Mais cette technique de pré-traitement n’est pas disponible en routine pour le moment.
Latex et succédanés du latex
Si de nombreuses plantes sont capables de sécréter un latex (ex. le Ficus, des salades, etc..), les propriétés technologiques et les rendements à l’hectare du latex d’Hevea ne sont pas concurrencés par un autre latex jusqu’à présent.
L’écorce d’une plante tropicale, le Parthenium argentatum, fournit un latex qui possède des propriétés assez bonnes et qui ne semble pas montrer de réactivité croisée avec le latex d’Hevea . Des objets fabriqués avec ce latex, la guayule, pourraient donc convenir pour des patients allergiques au latex d’Hevea.
On manque cependant de travaux confirmant ces résultats préliminaires. Et absence de réactivité croisée n’implique pas absence d’immunogénicité.
Réactions croisées avec le latex (hors cadre alimentaire)
Gutta-percha
La gutta-percha, ou gomme gutte, est tirée du latex contenu dans les feuilles d’un arbre, le Palaquium gutta (Sapotacées). Cette gomme est utilisée notamment en soins dentaires.
Quelques travaux n’ont pu retrouver de réactivité croisée entre la gutta-percha et le latex d’Hevea ; du moins avec le produit tel qu’utilisé en art dentaire et non la gomme native brute qui, elle, semble croiser avec le latex d’Hevea .
Un cas d’allergie à la gutta-percha chez un patient allergique au latex a été publié , mais dont l’exploration était insuffisante.
Poussières de bois
Certains asthmes professionnels ont pour cause les poussières de bois, notamment des bois exotiques.
Des travaux anciens avaient montré une réactivité croisée entre le bois d’abachi (Triplochiton scleroxylon, Sterculiacées) et celui de ramin (Gonystylus bancanus, Thyméléacées).
Le bois d’abachi a été plus étudié et une chitinase de classe 1 a été identifiée IgE-réactive dans ce bois . Une réactivité croisée existe entre le latex d’Hevea et le bois d’abachi . Mais la sensibilisation au bois d’abachi semble peu efficace pour induire une allergie au latex car les essais de réactivité croisée avec l’hévéine (Hev b 6.02) ont donné des résultats le plus souvent négatifs .
A noter un cas d’allergie à la tamarille (fruit du Cyphomandra betacea) chez un menuisier ayant un asthme au bois d’abachi et négatif en TC pour le latex .
Un autre bois, le jetulong (Dyera costulata) est également susceptible de réactivité croisée avec le latex d’Hevea .
Autres produits
Une réactivité croisée entre Ficus et latex d’Hevea est connue. D’autres plantes d’agrément peuvent avoir un lien avec le latex : ainsi parmi 82 patients consultant pour une allergie respiratoire et présentant un prick positif pour une plante d’intérieur, 7% étaient également TC positifs pour le latex (et négatifs pour le Ficus) .
Une réactivité croisée entre latex et Poinsettia a d’ailleurs été avancée .
Cela est le cas également pour la feuille de tabac , la réaction croisée pouvant concerner un homologue de la pro-hévéine, le CPB20, dans le tabac .
Avec l’écorce de condurango (Marsdenia condurango, Apocynacées) il est préparé des décoctions vendues pour des propriétés médicinales. Un cas d’anaphylaxie à ce type de produit a été décrit chez une patiente allergique au latex .