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Les mollusques marins
dimanche 15 mars 2009, par
Les Mollusques forment une classe d’animaux très divers. Même les divisions en Gastéropodes, Céphalopodes et Bivalves recouvrent de très larges différences morphologiques et écologiques.
Ils sont abordés ici, ensemble, à l’exclusion des gastéropodes terrestres comme les escargots (cf. Escargots) car ils sont souvent associés dans les comportements alimentaires et/ou les techniques culinaires : ce sont une partie des « fruits de mer », ce que les anglo-saxons précisent avec le terme de « molluscan shellfish » .
L’allergie alimentaire aux mollusques marins est plus fréquente dans les pays de large consommation. Aux Canaries, le calamar arrive en tête des allergies alimentaires de l’adulte En Espagne, 2,8% des allergies alimentaires sont dus aux Mollusques chez les enfants , et de même 3,9% au Japon .
En France, le CICBAA ne relève aucun cas avant l’âge de 3 ans. Entre 3 et 15 ans les mollusques représentent 0,8% des allergies ; c’est 0,7% après 15 ans .
Les mollusques marins peuvent conduire à des réactions sévères, notamment avec bronchospasme s’agissant des gastéropodes , à l’image des réactions aux escargots (des Gastéropodes également).
Le Réseau d’Allergo-Vigilance avait enregistré en mai un total de 900 déclarations, parmi lesquelles 4 cas concernant l’ingestion de moules, 4 pour les coquilles saint-jacques, 2 pour les huîtres, 2 pour calamar/seiche, 1 pour les palourdes et 1 pour les coques.
Comparativement, les cas avec escargot étaient nettement plus nombreux (28/900), sans explication pour cet écart et alors que la consommation de mollusques marins est globalement plus importante de celle d’escargots. Un rôle pour le mode de préparation culinaire ?
En dehors de l’allergie alimentaire classique, les mollusques marins peuvent être impliqués :
- dans des réactions d’anaphylaxie associée à l’exercice : des cas avec bernique , ormeau , huître , calamar ou seiche ont été rapportés
- dans des réactions par contact et/ou inhalation rencontrées lors d’une exposition professionnelle (cf. pour une bibliographie détaillée)
Les allergènes des mollusques marins
Ce sont principalement des tropomyosines qui ont été caractérisées (ou suggérées ) :
- dans des Gastéropodes : buccin , turban , ormeaux
- dans des Bivalves : huître , coquille St Jacques et moule , clam , couteau , jambonneau
- dans des Céphalopodes : calamar , poulpe .
Connaissant la forte homologie entre tropomyosines, on comprend que ces allergènes aient pu montrer une réactivité croisée avec ceux des Crustacés (cf. Mollusques et Crustacés).
Des différences existent cependant et les % d’identité sont plus forts au sein d’un même groupe (ex. les Gastéropodes) que d’un groupe à un autre ou avec les tropomyosines d’autres invertébrés. Par exemple, une bande de masse similaire a été trouvée pour 9 céphalopodes différents chez les mêmes malades .
La relevance clinique des tropomyosines de mollusques reste cependant en partie incertaine . Et des cas d’allergie isolée à un mollusque sans réactivité pour les tropomyosines ont été rapportés .
De nombreuses autres protéines pourraient jouer un rôle allergisant, ainsi que le suggère la diversité souvent constatée pour les bandes IgE-réactives en blot .
Parmi ces protéines, certaines ont pu être identifiées :
Un allergène d’ormeau (Haliotis midae) a été approuvé par l’IUIS et dénommé Hal m 1 bien que l’on n’en connaisse que sa masse (49 kDa).
Mollusques marins : quelques particularités de tel ou tel
L’analyse de la littérature montre une grande diversité de tableaux cliniques et d’association ou non avec d’autres produits de la mer et/ou une réactivité vis-à-vis des acariens. Il est à souligner que rares sont les histoires cliniques d’allergie à de multiples mollusques en même temps. Et que les critères ayant conduit au diagnostic d’allergie à un mollusque marin sont très souvent d’une valeur relative faute de TPO et/ou de tests plus spécifiques comme des recombinants.
Gastéropodes
De nombreux cas de réactions aux berniques (ou patelles) ont été rapportés, notamment en Espagne, au Japon ou à Singapour , les réactions sévères étant fréquentes . Une réactivité croisée berniques – acariens a été montrée ; de même entre bernique et ormeau .
Différentes espèces d’escargots de mer (buccins, turbans, ..) ont provoqué des réactions alimentaires , parfois sévères .
Dohi rapporte un cas d’anaphylaxie associée à l’exercice avec des ormeaux et un autre cas avec calamar et Crustacés, les 2 patientes étant allergiques aux acariens .
Lopata a rapporté une série de 38 patients évoquant des symptômes à l’ingestion d’ormeaux (mais les preuves de réactions IgE-dépendantes étaient souvent manquantes) .
Bivalves
Castillo a rapporté une série d’une douzaine de cas dus aux huîtres aux Canaries . Dans certains travaux une allergie à l’huître est souvent évoquée par les patients mais pas constamment explorée (ex. ). Une anaphylaxie avec ou sans effort est possible avec les huîtres.
Cooke avait dès 1916 décrit des cas d’allergie aux palourdes. Castillo rapporte 10 cas aux Canaries , 3 autres cas ayant été observés , mais vérifiés en TPODA seulement une fois.
Tomikawa relève 9 patients évoquant une réaction avec les coquilles saint-jacques parmi 99 allergiques aux crevettes . Mais la confirmation de la réalité de cette allergie aux coquilles saint-jacques était manquante.
Il en est de même pour les moules où l’allergie rapportée par les patients est souvent peu explorée . Une anaphylaxie est possible avec les moules .
Céphalopodes
De nombreux cas d’allergie au calamar ont été publiés. Là aussi, les critères aptes à vérifier la réalité de l’allergie sont souvent manquants . Quelques cas d’anaphyalxie au calamar associée à l’effort .
Quelques cas d’allergie au poulpe en Espagne et au Japon .
Enfin, une dizaine cas d’allergie à la seiche, avec ou sans réactions concomitantes aux Crustacés ont été rapportés .
On le voit, les allergies aux mollusques marins sont souvent assez mal vérifiées, ce qui rend d’autant plus difficile la réponse à la question de l’allergie croisée entre mollusques (et donc les mesures d’éviction à choisir).
Mollusques marins : polyréactivité / monoréactivité
Quand les mollusques sont une composante importante de l’alimentation il n’est pas rare d’observer une multi-positivité pour différents mollusques en tests cutanés . De même in vitro .
Mais peu d’études ont établi des preuves tangibles d’allergie simultanée à plusieurs mollusques. En fait, par prudence, il est habituellement recommandé de procéder à une éviction globale des mollusques en pensant que l’homologie entre tropomyosines justifiait ce choix.
Si la réactivité à des tropomyosines de mollusques a été attestée par quelques études in vitro, on connaît aussi de multiples observations où une dissociation (biologique et/ou clinique) était relevée entre mollusques :
- une réactivité croisée entre mollusques et crevettes sans réactivité croisée calamar – poulpe
- une allergie à la seiche sans allergies à d’autres mollusques
- des réponses différentes en tests cutanés pour les mêmes Gastéropodes (bulot, ormeau et turban) selon les patients
- une anaphylaxie aux patelles sans allergie aux Bivalves ou aux Céphalopodes
- des cas d’allergie isolée au couteau ou au poulpe , ou une allergie aux praires sans allergie aux palourdes .
Mollusques marins et acariens
La relation entre mollusques marins et acariens a été moins étudiée que celle entre acariens et escargots (cf. Escargots et acariens).
Les sujets allergiques aux acariens peuvent avoir une allergie alimentaire avec des mollusques marins .
Inversement, on a relevé des prévalences de 30% à 64% d’allergie aux acariens chez des patients présentant une allergie aux mollusques marins. A noter que 85 à 98% de ces sujets étaient atopiques, ce qui relativise le rôle propre des acariens dans cette association mollusques-acariens.
Le type de mollusque influe-t-il ? Cela n’a pas été approfondi mais les observations avec acariens–gastéropodes marins (notamment les patelles) s’avèrent les plus fréquentes , .
Le rôle de l’immunothérapie pour les acariens a été soulevé. Comme pour les escargots terrestres, les observations sont rares et concernent avant tout les gastéropodes plutôt que les céphalopodes ou les bivalves .
Mollusques marins et crustacés
Pour Lehrer, la plupart des allergiques aux crustacés tolèrent les mollusques . Mais Taylor estime qu’une allergie aux Crustacés contre-indique aussi les Mollusques .
Des RASTs positifs pour l’huître , ou pour des céphalopodes (ex. calamar) sont fréquents chez les allergiques aux crustacés, avec une implication des tropomyosines .
En tests cutanés, il n’est pas rare non plus d’observer des résultats positifs pour des Crustacés et pour des Mollusques .
Ce qui ne veut pas dire que ces réactivités sérologiques ou cutanées s’expriment cliniquement : par exemple, sur 5 patients allergiques au pouce-pied, un seul relatait une allergie pour la seiche ou le calamar .
Inversement, sur 7 patients allergiques au calamar dans l’étude de Carrillo , 6 étaient aussi allergiques aux crevettes.
Les tests de réactivité croisée in vitro tendent à désigner une relation Crustacés -> Mollusques où la sensibilisation primitive viendrait des Crustacés, notamment de leurs tropomyosines .
Mais parfois on constate aussi une absence de réactivité croisée et, en blot, d’autres allergènes que des tropomyosines sont révélés pour des Mollusques même chez des patients allergiques aux crevettes .
Ainsi, dans un groupe de 48 patients allergiques aux fruits de mer (Canaries), une association était montrée entre Bivalves et Céphalopodes mais pas entre Céphalopodes et Crustacés .
De même, dans une étude avec vérification par TPODA de l’allergie à la crevette (ce qui est rare), la proportion de patients positifs in vitro pour les Mollusques chez les patients avec TPODA positif (8/20) ne différait pas significativement de celle observée dans le groupe avec TPODA négatif (5/15) .
L’allergie croisée Crustacés -> Mollusques n’est donc pas fermement établie.
Dans certains pays la forte consommation de crustacés et de mollusques pourrait par contre favoriser une allergie concomitante à ces produits (Canaries , Japon, Hong Kong ).
Mollusques marins et poissons
Il n’existe pas d’allergie croisée poissons-mollusques.
Des résultats positifs in vitro pour divers mollusques marins sont possibles chez des sujets allergiques au poisson mais représentent une coïncidence et non une relation immunologique jusqu’à preuve du contraire.
Cela tient plus à des habitudes alimentaires locales.
Mollusques marins : influence des procédés de conservation
L’irradiation gamma agit efficacement sur l’IgE-réactivité de certains produits (ex. calamar, poulpe) mais moins sur celle d’autres Mollusques .
Mollusques marins : influence de la chaleur et de la digestion
L’effet de la cuisson sur la réactivité des mollusques marins a été peu étudié :
- il a été rapporté 2 cas d’anaphylaxie aux patelles avec un test cutané positif pour l’extrait cuit mais négatif pour l’extrait cru . La cuisson augmente-t-elle la réactivité comme cela a été suggéré pour les crustacés ?
- Ferrer ne trouvait pas de différence entre extrait cru et extrait cuit pour divers céphalopodes et bivalves. De même Castillo pour céphalopodes et patelle.
- mais une dissociation cru/cuit est également possible
- le chauffage peut induire une réaction de Maillard, c’est-à-dire le couplage de sucres avec des restes aminés sur les protéines. L’IgE-réactivité de tropomyosine de calamar était diminuée après un test de chauffage produisant une réaction de Maillard . Le produit de cette réaction présentait cependant une digestion gastrique un peu ralentie.
- inversement, les mêmes composés de Maillard augmentaient l’IgE-réactivité pour la coquille saint-jacques dans une autre étude !.. .
L’effet de la digestion des mollusques marins sur leur IgE-réactivité n’a pas été suffisamment étudiée.
Mollusques marins : difficultés diagnostiques
Très peu détudes se sont attachées à contrôler l’efficacité des tests diagnostiques pour les Mollusques. La première difficulté vient de la pertinence des extraits. Faut-il tester avec un produit cru (comme le sont habituellement les extraits commerciaux) ou avec un produit cuit, en se calquant sur la consommation réelle du patient ?
Les extraits commerciaux (et encore plus les CAP) semblent manquer de sensibilité en comparaison des pricks natifs .
Beaucoup de progrès sont encore à réaliser avant de pouvoir posséder des outils diagnostiques moléculaires efficaces pour le diagnostic d’une allergie aux Mollusques car l’utilisation actuelle du recombinant de crevette rPen a 1 ne donne que des renseignements indirects et très partiels sur les allergènes de Mollusques en cause chez le patient.
Mollusques marins et CCD
(voir aussi : Les CCD)
Des résultats très fragmentaires concernent l’IgE-réactivité glucidique des mollusques marins.
Des chaînes glucidiques contenant du fucose (en position -1,3) ont bien été montrées sur la rhodopsine de calamar ou sur l’hémocyanine de patelles , , mais la réalité d’une IgE-réactivité de ces glucides n’a pas été étudiée.
Il en est de même pour la tropomyosine d’huître (Cra g 1) qui contient environ 5% de glucides .
Des résultats préliminaires ont été obtenus avec la moule . Dans un autre travail, la réactivité en CAP était abaissée après épuisement par des glycoprotéines (broméline et peroxydase de raifort) de sérums contenant des IgE anti-CCD .