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Les céréales : généralités et réactions croisées
Friday 29 August 2008, by
Il est peu de régions au monde où les céréales ne tiennent une place importante dans l’alimentation humaine. Les graines des céréales proviennent de plantes appartenant à la famille des Poacées. Ce sont donc des « graminées ».
Les Poacées sont une immense famille, divisée en clades, sous-familles, etc.. L’éloignement taxonomique entre 2 céréales favorise des divergences au niveau des séquences de leurs protéines. L’allergie à une céréale peut donc s’accompagner d’une tolérance à d’autres céréales. Cela est le cas pour les réactions allergiques mais aussi pour les réactions immunes conduisant à la maladie coeliaque.
On distingue ainsi :
- dans le « BEP clade » :
- des Triticées avec le blé, le seigle et l’orge, ainsi que des espèces proches du blé comme l’épeautre ou des hybrides comme la triticale (blé + seigle)
- une Oryzée, le riz
- dans le « PACCAD clade » :
- des Andropogonées avec le maïs, le sorgho et les larmes de Job (Coix lachryma-jobi)
- des Panicées avec différents millets (genres Setaria, Panicum, Echinochloa)
- une Cynodontée, le ragi ou éleusine (Eleusine coracana)
Le présent article traite de ces différentes céréales,:
– maïs
– riz
– orge
– seigle
– avoine
– les céréales du genre Triticum à l’exclusion du blé
Il rassemble aussi :
– les réactions croisées des différentes céréales (blé et autres)
– le cas de l’allergie à la bière
L’allergie respiratoire des professions en contact avec les farines étant principalement étudiée pour le blé est traitée ailleurs (cf. Le blé et ses dérivés)
Le maïs
Le maïs a de multiples usages : alimentation animale (2/3 de la production), alimentation humaine (consommé en l’état, sous forme de farine, production d’amidon, etc..), applications industrielles (ex. biocarburants).
Malgré cette ubiquité du maïs, la fréquence de l’allergie alimentaire à cette céréale est très faible. Le Réseau d’Allergo-Vigilance comptait en 2007 un seul cas pour le maïs sur les 534 déclarations , et 2 cas en mai 2010 (sur 900).
Les données du CICBAA totalisaient en 1998 6 tests cutanés positifs sur un total de 724 effectués avec le maïs, et aucun cas de TPO positif . Wensing ne relevait que 2 cas parmi 51 adultes polliniques avec allergie alimentaire .
Chez le jeune enfant il est vrai que le maïs est rarement exploré comme l’est le blé. Il pourrait exister une éventuelle sous-estimation de la réactivité au maïs : par exemple, dans 3 études finlandaises, totalisant 117 enfants avec allergie au lait et/ou eczéma atopique, des tests cutanés ont été pratiqués pour le blé mais aussi pour le seigle, l’orge et l’avoine mais pas pour le maïs .
Cette absence du maïs dans les explorations allergologiques tient en partie à des facteurs géographiques : la plupart des cas publiés d’allergie au maïs provient de régions méditerranéennes, et spécialement d’Italie.
Si l’allergie au maïs trouve en Italie une extension plus large avec la consommation de polenta , un autre facteur a été mis en avant : la sensibilisation aux LTP.
Il a été décrit des cas d’allergie respiratoire au maïs dans un environnement professionnel et une observation en milieu domestique .
Les LTP
Le maïs contient une LTP nommée Zea m 14 . Comme d’autres LTP, Zea m 14 montre une bonne stabilité à la cuisson et représente un candidat sérieux pour expliquer de nombreux cas d’allergie au maïs en zone méditerranéenne.
Les zéines
Les principales protéines du maïs sont des zéines. Ces protéines de stockage sont apparentées aux prolamines. Les zéines sont cependant plus proches des prolamines du sorgho ou du millet que de celles des Triticées (blé, orge, seigle). Leurs séquences sont peu aptes à générer des réactions immunologiques chez les patients porteurs de maladie coeliaque.
Comme pour d’autres protéines de stockage des graines, la classification des zéines est très complexe. On distingue :
– des alpha zéines (19 et 22 kDa) sont les protéines majoritaires dans la graine (70-80%). Elles ont une ressemblance structurelle avec les prolamines des Triticées mais pas d’homologie séquentielle avec elles, y compris au niveau de leurs zones (plus ou moins) répétitives d’acides aminés,
– des delta zéines (17 et 18 kDa) qui ne présentent pas de motifs répétitifs,
– une béta zéine (15 kDa), assez proche des gamma zéines (16, 27 et 50 kDa).
Les zéines semblent relativement stables à la chaleur et à la digestion , mais leur caractérisation en tant qu’allergènes est imparfaite, hormis pour la gamma zéine de 50 kDa.
Cette protéine a été identifiée par l’équipe de Teuber après avoir été suggérée allergénique par Pasini . Ceci étant, les arguments avancés pour accréditer une homologie et une réactivité croisée entre cette zéine et un allergène dans l’amande sont moyennement convaincants.
Inhibiteurs d’amylase/trypsine
Des bandes de 16 kDa environ ont été trouvées positives chez 8 patients/22
Autres allergènes
Plusieurs protéines ont été montrées IgE-réactives dans un travail utilisant une bibliothèque d’ADNc de maïs . Ce type d’étude est très efficace pour screener les IgE-réactivités dans un produit allergisant. Il a ainsi été identifié 2 thiorédoxines (13-14 kDa), une profiline et d’autres protéines dont le classement est probable (une aldose réductase de 35 kDa, une 6P-gluconate deshydrogénase de 53 kDa) ou inconnu.
Cette étude mettait à jour également plusieurs nouvelles protéines IgE-réactives dans le blé. Et les auteurs estimaient qu’avec une telle variété des réactivités au sein d’un même produit l’approche diagnostique avec un nombre réduit de recombinants pourrait s’avérer insuffisante. Les extraits ont encore leur place.
L’allergie au maïs est parfois présentée comme essentiellement de type LTP (cf. Informall).
Ainsi :
– Asero observe 16 TC positifs pour le maïs parmi 30 patients allergiques à la pêche , 4 cas d’allergie alimentaire pour le maïs parmi 20 sujets allergiques aux Rosacées et sensibilisés aux LTP et 6 cas chez 49 patients mono-LTP
– Pastorello montre une réactivité pour un allergène de 9 kDa chez 26 patients sur un total de 29 présentant une allergie au maïs ; 19 d’entre eux étaient également allergiques aux Rosacées
– Figueroa, aux Canaries, observe 8 cas pour le maïs (et 26 pour les Rosacées) parmi 38 patients allergiques à la moutarde .
Cependant les choses ne sont pas aussi simples :
1) on peut observer des allergies au maïs en dehors d’un contexte LTP :
- aux USA, Jones a trouvé 17 TC positifs pour le maïs parmi 145 enfants avec eczéma atopique, 5 enfants ayant un TPODA positif avec le maïs
- au Canada, Pauls a rapporté le cas d’un enfant avec anaphylaxie au maïs dans un premier temps liée à l’exercice puis, 1 an après, sans exercice
- un cas d’anaphylaxie également au Japon
2) la plupart des patients Italiens ou Espagnols allergiques au maïs présentent une poly-pollinose et sont en grande majorité des adultes . Il n’y a pas de lien significatif avec des pollens contenant des LTP, les graminées et le bouleau (Italie) tenant souvent le devant de la scène : aucun cas d’allergie au maïs parmi 14 patients allergiques à la laitue et polliniques au platane ; 8 TC positifs maïs parmi 22 multi-polliniques mais aucun en cas de mono-pollinose au platane .
3) le pollen de platane inhibe la farine de maïs chez des sujets allergiques au platane ; cependant une allergie au maïs n’était vue que chez les patients positifs également pour d’autres pollens (ex. armoise) .
L’influence de la LTP du platane (Pla a 3) et/de de celle de l’armoise (Art v 3) paraît donc secondaire, le passage à l’allergie alimentaire s’inscrivant plutôt dans un cadre de niveau atopique élevé
Une réactivité in vitro pour des protéines de maïs (alpha zéines) a été notée dans un hydrolysat de caséine (Nutramigen®) . Il s’agit probablement de traces de protéines apportées avec l’amidon de maïs utilisé pour cet hydrolysat. La relevance clinique de cette réactivité n’est pas démontrée.
Le riz
Bien que le riz soit la céréale la plus consommée au monde, assez peu de cas d’allergie au riz ont été rapportés. Ils concernaient divers modes d’exposition :
– l’ingestion de riz cuit
– l’inhalation des vapeurs de cuisson
– l’inhalation de poussières de riz cru, sans allergie alimentaire au riz cuit
– le contact cutané
– l’ingestion suivie d’un exercice physique , certains de ces cas, cependant, n’ayant pas été attestés par un challenge avec aliment puis exercice.
En mai 2010, le Réseau d’Allergo-Vigilance recensait 2 observations concernant le riz (sur 900 déclarations).
Le rôle du riz dans l’eczéma atopique a été avancé . Mais l’implication réelle du riz est mal cernée car l’eczéma atopique s’accompagne souvent d’une réactivité cutanée (et sérique) multiple, confirmée en TPO pour une fraction des patients et dans certaines études seulement .
Le riz contient majoritairement des 11S globulines (ou glutélines). Les prolamines ne représentent que 5-10% des protéines et n’ont pas de motifs répétitifs d’acides aminés comme les gliadines ou les gluténines.
Cela différencie le riz du blé ou du seigle :
– il est difficilement panifiable (à moins d’être traité par une transglutaminase qui crée un réseau inter-moléculaire )
– il peut être proposé pour les régimes sans gluten
Inhibiteurs d’amylase/trypsine (ATI)
Plusieurs homologues de ces inhibiteurs (14-16 kDa) sont IgE-réactifs dans le riz . Ils ont été nommés RAP (rice allergenic proteins). On distingue des RA14, RA17, etc.. Ces protéines ont entre 70 et 90% d’identité entre elles ainsi que 27-43% d’identité avec les ATI du blé et 49-54% avec les ATI de l’orge. Elles peuvent croiser avec les ATI du blé et de l’orge .
Glyoxalase
Cette protéine de 33 kDa a été montrée IgE-réactive , ou suggérée telle . Les glyoxalases ont un rôle de défense métabolique.
LTP
Cet allergène peut générer des réactions cliniques avec le riz dans le cadre d’un syndrome LTP .
Autres protéines
Comme pour beaucoup d’autres produits naturels, des IgE-réactivités sont repérées en blot sans caractérisation des protéines correspondantes. Ces données varient en blot d’un patient à un autre, d’un auteur à un autre et l’absence d’interférence par des IgE anti-CCD est rarement contrôlée.
La base Informall retient ainsi une « alpha globuline » de 26-28 kDa qui a été notée par certains auteurs .
Un « allergène » de 56 kDa est annoncé dans un autre travail … mais pourrait être le résultat de CCD . Par ailleurs, un autre travers de nombre de désignations d’allergènes alimentaires consiste en l’utilisation d’extraits réalisés avec une forme différente de celle qui est consommée (ex. crue au lieu de cuite). Et la question est : l’« allergène » est-il toujours présent ou IgE-réactif dans l’aliment tel consommé ? A-t-il conservé fonctionnels ses épitopes ?
Dans une étude visant à comparer différentes variétés de riz naturels ou hypoallergéniques distribués en Asie, il a été montré en blot que les bandes positives avec les riz crus disparaissaient avec les riz cuits, sans différence entre riz normaux et riz hypoallergéniques .
Une des causes possibles de la rareté des allergies alimentaires a riz peut ainsi s’expliquer :
– par une modification des épitopes lors du chauffage ? Mais la LTP et les inhibiteurs d’amylase/trypsine sont réputés résister à la cuisson ; et une heure d’ébullition diminue mais n’abolit pas l’IgE-réactivité du riz
– par un mode de préparation de l’aliment différent de celui des céréales panifiables, c’est-à-dire avec un large contact avec l’eau ou la vapeur d’eau. Ce point n’est pas sans évoquer le cas de l’arachide (bouillie vs grillée). Il mériterait d’être approfondi.
L’orge
L’orge (Hordeum vulgare) est une Triticée, comme le blé et le seigle. Elle contient des prolamines et est donc contre-indiquée dans les régimes sans gluten. Il en va de même pour la bière (cf. plus loin).
L’allergie alimentaire à l’orge semble très rare. Pas de cas relevé par le réseau d’Allergo-Vigilance, hormis une observation concernant le germe d’orge. Une réactivité pour l’orge accompagne parfois un tableau d’allergie alimentaire dans un cadre d’eczéma atopique, mais les TPO montrent que le blé est beaucoup plus souvent positif .
Il en est de même en cas d’anaphyalxie alimentaire induite par l’effort : les cas concernant l’orge sont rarissimes , même si une réactivité croisée entre l’oméga-5 gliadine du blé et la gamma-3 hordéine de l’orge a été montrée .
Les réactions allergiques en lien avec l’orge concernent plutôt les produits dérivés tels que la bière et le malt . D’autres boissons pourraient contenir des dérivés de l’orge générant des réactions allergiques .
Comme pour d’autres céréales, le protéinome de l’orge est très complexe. Quand des blots sont réalisés, il n’est pas rare que les bandes révélées soient différentes d’une étude à une autre.
Hordéines
Les hordéines sont les prolamines de l’orge. Elles sont moins bien connues que celles du blé. L’IgE-réactivité de la gamma-3 hordéine (Hor v 21) a été montrée : elle était positive en TC chez 7 patients sur 15 cas d’anaphylaxie alimentaire au blé induite par l’effort . Il existe donc une réactivité croisée entre ces prolamines.
Inhibiteurs d’amylase/trypsine (ATI)
Ces molécules, dont l’allergène nommé Hor v 15, appartiennent à une famille présente dans la plupart des céréales. Cette famille est rangée dans la super-famille dite des « prolamines », mais cette appellation est trompeuse car les allergènes de cette super-famille ne croisent qu’au sein de chacune de leur propre famille. Par exemple, la LTP d’orge ne croise pas avec l’hordéine.
Les ATI de l’orge sont sous de multiples formes : monomères (BMAI-1, 14,5 kDa), dimères (CMb ou BDAI-1), tétramères (BTAI-1). Certaines formes sont glycosylées, d’autres ne le sont pas .
Ces ATI sont à l’origine de sensibilisations à la farine d’orge chez les boulangers : en TC Armentia a observé des réactivités patient-dépendantes, parfois pour les formes glycosylées seulement, parfois pour les non glycosylées seulement .
Les LTP
Une LTP de 10 kDa, très résistante à la chaleur et aux protéases présente 75% d’identité avec celle du blé. Les patients réagissant à la LTP de blé sont positifs aussi pour la LTP de l’orge.
La LTP et les ATI participent à la stabilité de la mousse de la bière .
Une seconde LTP, dite LTP2, a été identifiée dans l’orge (7 kDa) , mais son IgE-réactivité n’est pas établie pour le moment. Une LTP2 existe aussi dans le blé.
Autres allergènes
Une IgE-réactivité a été avancée par Sandiford pour une alpha amylase et une béta amylase . Ce résultat mériterait d’être confirmé car les enzymes utilisées dans ce travail montraient un défaut de pureté (origine commerciale).
Une peroxydase BP1 pourrait être impliquée dans l’asthme du boulanger . A confirmer également.
Des réactivités diverses ont été relevées en blot, sans caractérisation des allergènes :
– Varjonen observe souvent une positivité pour des bandes 26 et 46 kDa
– Figueredo trouve des réactivités à 38 kDa pour la bière et à 31-56 kDa pour la farine d’orge et le malt d’orge
– Fernandez-Anaya révèle une 44 kDa dans la bière , ce qui est assez proche de l’observation de Garcia-Casado (45 kDa) .
Cette 45 kDa est une serpine (appelée Z4), c’est-à-dire un inhibiteur de sérine protéases . On trouve des serpines chez tous les êtres vivants et pas seulement dans les céréales .
L’allergie à la bière
Cette allergie est rarement décrite. Cela contraste avec la banalité de cette boisson, tant quantitativement que sous toutes les latitudes . Pourtant la bière est parfois retrouvée dans l’anamnèse , quand elle n’est pas la cause de la consultation .
Des cas de réactions très sévères , voire de choc anaphylactique, ont été décrits . Des réactions par procuration (baiser) ont même été rapportées … .
Une donnée intéressante à relever est la fréquence élevée des observations venant d’Espagne et d’Italie, pays qui ne sont pas les champions de la consommation de bière. Il est possible que cela résulte d’une sensibilisation aux LTP, laquelle est fréquente en zone méditerranéenne.
Asero parvient à inhiber la bière avec une LTP de carotte . Certains patients ont des antécédents d’allergie à la polenta , ce qui évoque aussi les LTP .
Malgré tout, la grande majorité des patients sensibilisés aux LTP tolèrent la bière . Et les histoires cliniques des patients allergiques à la bière font rarement état d’allergie aux fruits des Rosacées (ex. à la pêche).
Il est possible que cela provienne d’épitopes différents entre la LTP présente dans la bière et les LTP naturelles. En effet, la LTP présente dans la bière est modifiée au cours du processus de fabrication en brasserie. Environ 90% de la LTP d’origine dans l’orge se transforme en « foam LTP » (ou LTPb) qui a perdu son repliement et qui a été glycatée par réaction de Maillard (lors du chauffage, en présence de sucres) .
Cette « foam LTP » a bien gardé bien le pouvoir moussant recherché par les brasseurs, mais elle s’avère plus facilement dégradée par la pepsine que la LTP d’origine . on peut donc supposer que cela contribue à une baisse de l’allergénicité ou, en tout cas, incomplètement superposée à la réactivité des épitopes portés par les LTP naturelles (ex. LTP des Rosacées).
Les observations de patients ayant présenté une allergie à la bière montrent très souvent une réactivité cutanée pour l’orge et/ou le malt, ce qui est logique, et également vis à vis d’autres céréales. Mais des tests de réactivité croisée ont été rarement entrepris : dans une étude, les autres céréales n’inhibaient pas l’orge ou le malt .
A noter que ni la levure, ni le houblon n’étaient à l’origine des cas d’allergie à la bière décrits jusqu’à présent. Le houblon est très rarement rapporté positif en TC .
Parfois la bière est fabriquée à partir de malt de blé exclusivement et générer aussi des manifestations allergiques .
Des enzymes protéolytiques sont parfois ajoutées à la bière afin d’éviter la formation d’un trouble dans le produit au cours de la conservation. Il peut s’agir de papaïne ou de broméline (van Kampen, comm. pers.). Chez un patient allergique à la bière, la broméline a été trouvée positive en test cutané . Cela pose la question d’un éventuelle sensibilisation à la broméline par voie alimentaire, avec les difficultés que cela engendrerait dans le cadre de l’utilisation de la broméline comme glyco-reporter (cf. Les CCD). En effet, tester la broméline présuppose que le patient n’a pas d’IgE dirigées vers le peptide lui-même de la broméline mais seulement, éventuellement, des IgE qui reconnaissent la chaîne glucidique de la broméline.
Le seigle
Cette céréale revient à la mode. Et la farine de seigle semble posséder une allergénicité au moins égale à celle de la farine de blé . Par exemple des cas d’asthme du boulanger se sont révélés après des années d’exercice professionnel, lors de l’introduction de la farine de seigle .
L’allergie alimentaire à la farine de seigle est mal documentée. Contrairement au blé, il n’a pas été décrit de cas d’anaphylaxie induite par le seigle plus l’effort (AIE). Pourtant des protéines du seigle croisent avec l’oméga-5 gliadine du blé, protéine connue pour son implication dans l’AIE avec le blé . Et l’allergénicité du seigle persiste après cuisson .
Plusieurs études ont montré que le seigle s’inscrivait dans le cadre plus général d’une réactivité à diverses céréales, mais qu’il soit lui-même le motif premier de la consultation allergologique :
– parmi 23 patients avec AIE au blé, un TC positif pour le seigle était trouvé 15 fois
– en cas d’eczéma atopique, le seigle montrait une réactivité cutanée chez 40-50% des sujets testés ; et ce résultat s’accompagnait d’un TPO positif avec le seigle chez certains patients
Inhibiteurs d’amylase/trypsine (ATI)
Comme pour le blé et l’orge, on trouve des ATI sous forme monomérique (env. 14 kDa) ou dimérique (RDAI-1 et 2), glycosylées ou non. Ils sont impliqués dans l’asthme à la farine de seigle où ils sont positifs chez 44-86% des patients .
Dans des publications anciennes on peut rencontrer ces ATI sous l’appellation de « Sec c 1 ». Cependant ce nom d’allergène est à présent attribué par l’IUIS à la béta expansine du pollen de seigle (groupe 1 des graminées).
Sécalines
Ce sont les homologues des gliadines du blé : la gamma-35 sécaline migre en blot à 32 kDa et la gamma-70 sécaline migre à 70 kDa
Autres protéines IgE-réactives
Varjonen a remarqué qu’une bande de 40 kDa était fréquemment positive chez des patients adultes avec eczéma atopique . Mais les réactivités sont multiples dans ce cadre clinique : par exemple, dans ce travail, il était dénombré pas moins de 35 bandes, entre les différents patients. Il est donc difficile d’attribuer une relevance clinique à une réactivité en blot en cas d’eczéma atopique.
Réactivités croisées du seigle
Un travail de Vocks est souvent cité : il présente, entre autres, une RC entre le seigle d’une part et le sésame, le pavot et le kiwi d’autre part. Les résultats de cette étude sont peu convaincants (interférence de CCD ?).
Les réactivités croisées entre seigle et autres céréales et entre céréales et pollens sont envisagées ailleurs (cf. Réactivités croisées des céréales).
L’avoine
Cette céréale entre dans la composition du porridge, mais est consommée aussi sous diverses formes moins typiques : muesli, gâteaux, barres de céréales, etc..
L’avoine n’est pas une Triticée. Les protéines de stockage de l’avoine sont majoritairement des 11S globulines. Les prolamines (ou avénines) ne représentant que 5-10% des protéines. A noter que les avénines sont 2 fois moins riche en prolines que les prolamines du blé, ce qui restreint d’autant plus l’occurrence des motifs d’acides aminés reconnus par les patients souffrant de maladie coeliaque. L’avoine est cependant, par prudence, exclu des régimes sans gluten (ex. possibilité de contamination par du blé).
Les cas d’allergie immédiate à l’avoine sont rarissimes et semblent être en partie liés à une sensibilisation percutanée : en effet, cette allergie alimentaire a été décrite chez des enfants avec eczéma atopique et utilisation (2 cas/3) d’émollients contenant des protéines d’avoine . Ces cas concernaient des sujets également asthmatiques et leur niveau d’atopie favorisait peut-être cette allergie alimentaire car la réactivité à l’avoine reste le plus souvent infra-clinique.
En effet, si la réactivité cutanée pour l’avoine est relativement fréquente chez les enfants atteints d’eczéma atopique, elle est plus souvent vue chez ceux qui ont reçu des topiques cutanés à base d’avoine :
– 18 TC positifs pour l’avoine (et 33 pour le blé) parmi 34 enfants
– 19% de TC positifs et 15% de patches positifs parmi 302 enfants, les patches positifs n’étant rencontrés qu’en cas d’utilisation d’émollients contenant de l’avoine <biblio9111)
– 4% de patch-tests positifs si utilisation, 2% sinon
La réactivité in vitro (ou en TC) pour l’avoine a été essentiellement étudiée chez des patients avec eczéma atopique. Elle est très parallèle à celle observée pour le blé, allant de 30-40% à plus de 90% de patients positifs .
Bien sûr, ces positivités ne sont pas toujours retrouvées si un TPO est pratiqué :
– 5 TPO positifs sur 32 dans l’étude de Boussault
– le quart des TPO réalisés
Varjonen insiste cependant sur la fréquence des réactions retardées. Il observe ainsi :
– 5 TPO positifs sur 5 réalisés (dont 4 aussi pour le blé) parmi 34 enfants
– 25 positifs sur 33 réalisés, dans une autre étude rassemblant 90 enfants
Les allergènes de l’avoine ne sont pas caractérisés.
Varjonen a suggéré des bandes 46 kDa et 66 kDa comme importantes ; mais les profils sont beaucoup plus complexes et sans corrélation avec l’expression clinique.
Autres espèces de Triticum
Hormis le blé dur qui donne la semoule et les pâtes alimentaires, les autres blés sont peu consommés. Mais la tendance « bio » s’accentuant, ils sont susceptibles de constituer une cause croissante de manifestations allergiques. D’autant que ces blés sont très proches du blé classique, le froment. Il en va de même pour la maladie coeliaque, même si certains sites sur Internet voudraient faire croire que des blés « traditionnels » sont exempts de gluten (ex. le Kamut®).
Le tableau ci-dessous précise quelques dénominations du genre Triticum :
Espèce | Sous-espèce | Génome | Noms français | Noms anglais | Usages |
aestivum | aestivum | AABBDD | blé tendre, froment | breadwheat | pain, etc.. |
aestivum | spleta | AABBDD | (grand) épeautre | spelt | |
turgidum | dicoccon | AABB | amidonnier | emmer wheat | |
turgidum | durum | AABB | blé dur | durum wheat | semoule, pâtes, boulgour |
turgidum | turanicum | AABB | blé de Khorasan | Khorassan wheat | blé Kamut® |
turgidum | turgidum | AABB | blé poulard | cone wheat | |
monococcum | monococcum | AA | engrain, petit épeautre | einkorn |
Très peu de travaux concernent ces blés. Il a été montré que le Kamut® donnait des TC positifs chez des patients allergiques au froment .
Le blé dur est très proche du froment et possède des ATI (inhibiteurs d’amylase/trypsine) et une LTP (Tri td 14).
L’engrain semble démuni de bandes 12-16 kDa (ATI ?) mais possède une peroxydase IgE-réactive (36 kDa) . Son génome étant démuni de chromosomes B, l’engrain ne synthétise pas d’oméga-5 gliadine.
Et Pastorello a montré une LTP IgE-réactive dans l’épeautre chez un patient par exposition professionnelle . L’arrêt de l’exposition à la farine d’épeautre a permis la réintroduction de certains aliments comme le pain, les pâtes et certains fruits des Rosacées.
Un autre cas a été rapporté par Pastorello : l’allergie à l’épeautre était cette fois alimentaire et accompagnait une allergie au maïs . Il est probable qu’une réactivité à la LTP de l’épeautre était là aussi en jeu car cette protéine peut être trouvée positive en TC .
Autres céréales
Le sorgho cultivé (Sorghum bicolor) et différents millets sont des céréales très importantes dans de nombreux pays. Ce sorgho est aussi appelé gros mil ou millet à balai (en anglais broomcorn). L’espèce Sorghum halepense ou sorgho d’Alep (en anglais Johnson grass) est plutôt une espèce fourragère.
Parmi les millets, certains sont plutôt :
– Africains : le mil ou millet à chandelle (Pennisetum glaucum / pearl millet), l’éleusine ou ragi (Eleusine coracana / finger millet), le teff ou mil éthiopien (Eragrostis tef / teff), le fonio (Digitaria spp. / fonio)
– Orientaux : le millet commun ou millet cultivé (Panicum miliaceum / proso millet), le millet japonais (Echinochloa frumentacea / Japanese millet), le petit mil ou millet des oiseaux (Setaria italica / Italian millet)
Dans les pays « occidentaux » les graines de millet constituent un aliment pour les animaux et, notamment, les oiseaux de volière.
Quelques cas d’allergie alimentaire aux graines de millet ont été rapportés, parfois avec une réaction anaphylactique et souvent en provenance d’Allemagne ou Autriche (cf. ).
L’atopie est un facteur de risque et plusieurs patients évoquent des symptômes respiratoires également lors de l’entretien des volières. La sensibilisation pourrait donc débuter par voie respiratoire.
Bohle a repéré une IgE-réactivité autour de 36 kDa chez presque tous les patients . Urisu avait suggéré la présence d’un ATI (inhibiteur d’amylase/trypsine) dans les millets japonais et italien . On sait que la famille des ATI est en grande partie impliquée dans les cas d’asthme du boulanger.
Rappel : les graines de quinoa (Chenopodium quinoa, Chénopodiacées) et la farine de sarrasin (blé noir, Fagopyrum, esculentum, Polygonacées) ne font pas partie des céréales.
Réactions croisées des farines de céréales
Réactivité croisée entre farines de céréales et pollens de graminées
Dans la mesure où les céréales sont elles-mêmes des graminées, les nombreux résultats publiés montrant des réactions croisées (RC) céréales-pollens de graminées sembleraient aller de soi.
Cependant peu d’allergènes sont homologues dans les deux produits, la graine et le pollen. Et, de ce fait, le pollen de seigle n’est pas beaucoup plus proche de la farine de seigle que n’est le pollen de blé ou celui de fléole.
Parmi les allergènes connus actuellement, cette homologie pourrait concerner au mieux les profilines.
Comment expliquer alors les RC observées ? Et ces RC ont-elles une relevance clinique ? En d’autres termes, existe-t-il une allergie croisée graminées-farines de céréales ?
Plusieurs études ont été conduites en testant un mélange de pollens de graminées (NB : ces travaux ne peuvent être décrits dans la base des RC d’Allerdata car mettant en jeu des mélanges de composition non précisée) :
– Sander montre qu’un mélange de 12 graminées inhibe la farine de blé et celle de seigle chez la plupart des polliniques, mais rarement chez les patients avec asthme à la farine
– Un mélange de graminées inhibe la farine de maïs en blot, hormis une bande de 9 kDa (LTP)
– De même en RAST, chez des enfants allergiques au blé, un mélange de graminées inhibe la farine de blé (2 sujets/7) mais pas celle de maïs, d’avoine ou de riz
D’autres résultats ont été obtenus avec un extrait de pollen précis :
– la farine de blé est inhibée par un extrait de pollen de blé (2 sujets/4), l’inverse étant plus rare (1/4)
– l’ivraie inhibe la fazrine de blé , mieux que l’inverse
– le pollen de maïs inhibe la farine de maïs (mais l’inverse n’a pas lieu)
– le maïs (1 sujet/4) mais pas le blé ni le riz ni l’avoine n’inhibent le pollen de seigle
Ces différentes observations de RC montrent souvent un équilibre d’inhibition en faveur du pollen, ce qui pourrait correspondre à une allergie croisée graminées -> farines, à l’image de bouleau -> pomme.
Cependant, d’autres arguments plaident contre cette situation :
– les enfants polliniques aux graminées qui tolèrent la farine de blé ont un blot positif pour la farine ; mais les allergiques à la farine, non polliniques, ont un blot graminées négatif
– les enfants polliniques aux graminées qui tolèrent la farine de blé ne présentent pas de réactivité pour les ATI, bien que ces allergènes soient parmi les plus fréquemment positifs au sein de la farine de blé
– 60% des polliniques aux graminées sont positifs en CAP pour le blé mais n’ont pas d’allergie alimentaire au blé
– Parmi des boulangers avec asthme professionnel, une inhibition du dactyle par la farine de blé n’est vue que chez ceux qui sont fortement réactifs au dactyle (ou ploy-polliniques)
En fait, dans de nombreux cas, ces réactivités croisées sont peu spécifiques : en blot, l’inhibition touche de larges zones de masse 30-80 kDa , ce qui oriente plus vers des CCD que vers des allergènes particuliers.
Au total, beaucoup de résultats in vitro positifs pour la farine de blé chez des polliniques aux graminées peuvent donc trouver leur explication par des profilines et/ou des CCD comme il a été montré récemment . Il ne semble pas que l’on puisse accréditer une allergie croisée où la pollinose induirait une allergie aux céréales. Pour les professions exposées à la farine, c’est plus l’atopie que les pollens de graminées eux-mêmes qui favorisent la sensibilisation par voie respiratoire.
Il reste que des réactivités cutanées pour les farines sont possibles en cas de pollinose aux graminées. Quand le TPO ne confirme pas la positivité du TC, à quoi peut être due la réactivité cutanée puisque in vivo on ne peut invoquer le rôle des CCD ? Jones montre ainsi que 5 enfants/6 avec TPO négatif à diverses farines ont malgré tout un TC positif pour au moins une de ces farines . Mais dans ce travail la quasi-totalité des enfants avaient un eczéma atopique. Et l’on sait que cette pathologie s’accompagne d’une proportion notable de TC positifs non confirmés en TPO.
La situation inverse est parfois vue aussi : par exemple, des boulangers avec test de provocation bronchique positif pour la farine et TC positif pour le pollen d’ivraie, mais pas de pollinose cliniquement exprimée (4 sujets/8) .
Réactivité croisée entre farines de céréales et Fabacées (arachide, soja, lupin)
La farine de blé est souvent testée en même temps que l’arachide et le soja chez l’enfant, notamment dans le cadre d’un eczéma atopique. Une étude récente menée en Allemagne sur 273 enfants montrait une forte corrélation entre la positivité pour le blé et celle pour le soja . Cela incite donc à se poser la question d’un éventuel lien moléculaire entre le blé et le soja, et plus généralement entre les céréales et les Fabacées.
L’étude des publications rapportant des cas isolés ou des cohortes de patients présentant une allergie à l’arachide, au soja ou au lupin ne plaide pas en faveur d’une association clinique entre Fabacées et farines de céréales : les exemples d’allergie à ces deux sortes de graines sont rarissimes. Par exemple un cas d’allergie à l’arachide parmi 3 patients allergiques au riz en Italie, ce qui fait penser à un cadre plus général (syndrome LTP) .
Les expériences de réactivité croisée sont rares aussi et peu concluantes .
Les observations de l’étude Allemande sont donc à mettre au crédit d’une autre cause qu’une réactivité croisée intrinsèque entre Fabacées et farine de blé. Il s’agit vraisemblablement d’une implication d’IgE anti-CCD car cette étude, menée in vitro, montrait 82-86% de polliniques au bouleau et 97-98% aux graminées parmi les enfants positifs pour la farine de blé et/ou pour le soja.
Réactions croisées entre farines de céréales
Est-on allergique au seigle ou au maïs si on est allergique au blé ?
In vitro, la positivité pour plusieurs céréales est fréquente , et quantitativement les résultats sont même corrélés entre eux .
Dans la mesure où cette positivité s’étend à des non-céréales (ex. soja) , on peut suspecter des CCD.
Cette multi-réactivité concerne les Triticées (blé, blé dur, seigle, orge, triticale) mais également l’avoine , le riz, le maïs, le sorgho, les millets, et même les graines des graminées (ex. ivraie) .
De multiples études ont montré une réactivité croisée entre les farines de cérales, tant chez les boulangers que chez les enfants avec eczéma atopique, etc.. Les RC sont le plus souvent réciproques, positives dans les 2 sens, ce qui dénote la présence d’allergènes homologues et/ou de CCD. Le maïs est un peu en retrait, mais pas le riz, ce qui pourrait être en faveur d’un rôle important des ATI dans les RC entre farines de cérales .
Une RC (limitée) est possible entre l’oméga-5 gliadine du blé et des prolamines équivalentes dans le seigle et l’orge .
La pluri-réactivité in vitro se traduit éventuellement en une pluri-réactivité cutanée, mais avec une prévalence plus nuancée : l’on a souvent une gradation blé >= seigle > orge > maïs > avoine . Quand un TPO est réalisé il reste négatif dans plus de la moitié des cas malgré un TC positif ; et 4 fois sur 5 il n’est observé un TPO positif que pour 1 seule farine . Ceci étant, Jarvinen estime qu’il faut prolonger la durée d’observation du TPO afin de prendre en compte les réactions retardées chez les enfants avec eczéma atopique .
Que les allergiques au blé tolèrent en général le riz et le maïs semble indiquer que les allergènes cliniquement relevants sont différents entre ces céréales .
Les réactivités croisées in vitro sont donc notablement plus larges qu’en clinique. Et cela peut être du en partie à la mauvaise représentativité des extraits de farine, lesquels contiennent avant tou des allergènes hydrosolubles (ex. ATI), en parie détruits à la cuisson.
Si l’on analyse certaines situations plus spécifiques, on remarque que :
– les patients avec allergie alimentaire au riz tolèrent habituellement les autres céréales , à moins d’une sensibilisation aux LTP, laquelle englobe alors aussi le maïs
– l’allergie au maïs dans un contexte LTP peut donc associer une allergie au riz et (ponctuellement) au blé
– la sensibilisation aux protéines d’orge avec allergie à la bière s’accompagne rarement d’une allergie au blé ou au maïs : 1 cas pour le blé et 2 pour le maïs parmi un total cumulé de 23 observations d’allergie à la bière.
La poly-réactivité clinique aux farines est donc surtout rencontrée en cas d’allergie par voie respiratoire. La poly-réactivité in vitro chez les enfants avec eczéma atopique, en partie retrouvée en Tc, n’est que rarement confirmée en TPO, l’allergie à une seule farine étant plutôt la règle.