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Le kiwi
vendredi 9 avril 2010, par
L’allergie au kiwi est un bon exemple des conséquences de l’introduction de produits alimentaires nouveaux. L’exportation de kiwis depuis la Nouvelle-Zélande a commencé dans les années 1960. Et les premières descriptions d’allergie au kiwi au début des années 1980.
On devrait d’ailleurs parler d’allergie aux kiwis car on trouve à présent, en plus du traditionnel Hayward à chair verte (Actinidia deliciosa), un kiwi à chair dorée, le Zespri Gold® dérivant d’une autre espèce, Actinidia chinensis.
D’abord vanté comme moins allergisant que le kiwi vert, on sait à présent que le kiwi gold est la cause de réactions pouvant être très sévères (ex. ).
Il existe de nombreuses autres variétés de kiwis . Parmi elles, on a pu montrer que les fruits d’Actinidia arguta (le "kiwai") et d’Actinidia eriantha, sont eux aussi doués d’IgE-réactivité .
Les données du CICBAA ne différencient pas les « fruits latex » : ces derniers sont responsables de 2,3% des 1732 allergies alimentaires confirmées chez des sujets de moins de 15 ans et de 14,5% des 584 allergies alimentaires chez des sujets de 15 ans et plus (D.A. Moneret-Vautrin, communication personnelle, mai 2007).
Dans une cohorte de 163 enfants Rancé avait trouvé 7 TPODA positifs pour le kiwi (4%) .
Les réactions cliniques de l’allergie au kiwi sont souvent localisées à la sphère orale .
Des réactions plus sévères sont possibles,
Dans l’étude d’Aleman, 7 des 11 réactions systémiques observées étaient chez des sujets mono-kiwi (ni latex ni autre allergie alimentaire) . Et les 4 réactions anaphylactiques étaient toutes notées chez des patients mono-kiwi.
Le kiwi n’apparaît pas parmi les aliments suspectés d’avoir provoqué une anaphylaxie fatale parmi les 63 cas de l’étude de Pumphrey .
Le Réseau d’Allergo-Vigilance a colligé 12 cas de réactions sévères avec le kiwi parmi 900 déclarations, ce qui classe le kiwi comme 1ère cause parmi les « fruits exotiques » (cf. tableau des statistiques RAV.
Les allergènes du kiwi : les connus, les potentiels, les hypothétiques
La multiplicité des travaux sur le kiwi a généré une longue liste de protéines pouvant s’avérer des allergènes :
- pKIWI-501 est un homologue d’Hev b 5 (latex). Mais son identité avec Hev b 5 est modeste (44%) et cette protéine semble exprimée plutôt à des stades précoces de la maturation du fruit .
- une polygalacturonase qui est dans le même clade B que les polygalacturonases de la pomme, de l’avocat, de la pêche, etc…
Elle présente une identité de 40 % environ avec Phl p 13 (fléole) et Pla a 2 (platane) . Mais Phl p 13 n’inhibe pas le kiwi - un homologue de Phl p 4 (fléole) car un anticorps anti-Phl p 4 est positif avec le kiwi
- un inhibiteur d’invertase (32 % d’identité avec Pla a 1 du pollen de platane)
- et peut-être des homologues d’Art v 1 (armoise)
Certaines de ces protéines pourraient correspondre à des bandes retrouvées
Parmi les allergènes dénommés, certains n’ont pas de fonction biochimique connue (Act d 3, Act d 5).
Enfin, l’étude en blot des allergènes du kiwi est rendue difficile :
- du fait de différences méthodologiques, tant au niveau de l’obtention des extraits que des procédés de séparation des protéines (SDS-PAGE) et de blotting d’un auteur à un autre
- du fait de l’apparition de bandes inexpliquées, notamment autour de 20 kDa, bandes retrouvées chez des patients contrôles non allergiques … . Des phénomènes similaires ont été notés par plusieurs auteurs
- le travail de Ciardiello est particulièrement explicite sur ces difficultés : influence de la salinité dans le milieu d’extraction, du degré de maturité, des conditions de stockage, du masquage ou non de bandes du fait de la réactivité ou non des patients vis à vis de l’actinidine et/ou de la kiwelline, etc...
Le tableau ci-dessous résume les protéines IgE-réactives connues, selon les variétés de kiwi.
Kiwi vert | Kiwi doré | “ kiwai ” | ||
---|---|---|---|---|
Fonction | A. deliciosa | A. chinensis | A. arguta | A. eriantha |
cystéine protéase | Act d 1 (actinidine) | Act c 1 | Act a 1 | Act e 1 |
thaumatine-like | Act d 2 | Act c 2 | ||
?? | Act d 3 | |||
cystatine | Act d 4 | Act c 4 | ||
?? | Act d 5 (kiwelline) | Act c 5 | ||
inhib. pectinestérase | Act d 6 | |||
pectinestérase | Act d 7 | |||
PR-10 (Bet v 1-like) | Act d 8 | Act c 8 | ||
profiline | Act d 9 | |||
LTP | Act d 10 | Act c 10 | ||
« major latex protein » | Act d 11 | |||
chitinase classe 1 | présence | présence |
A noter que la chitinase du kiwi n’est toujours pas clonée, même si sa présence est déduite d’observations de réactions croisées et du lien entre latex et kiwi.
La nature de l’allergène Act d 3 n’est pas connue. Palacin a isolé une glycoprotéine de 40 kDa, désignée comme Act d 3.02, mais n’a pu en identifier la classification .
Le groupe 1
L’actinidine, Act d 1 (30 kDa), est le premier allergène à avoir été identifié dans le kiwi . Pas de glycosylation .
Cet allergène appartient à la famille des cystéine protéases dites « papaïne-like ». plusieurs allergènes provenant d’aliments font partie de cette famille : papaïne (papaye), ficine (figue), broméline (ananas), .. Les allergènes du groupe 1 des acariens (Der p 1, Der f 1, ..) en font partie aussi.
Mais la réactivité croisée entre Act d 1 et la cystéine protéase Der p 1 de D. pteronyssinus est quasi-négligeable .
Act d 1 (kiwi vert) a un équivalent dans le kiwi Gold (Act c 1) .
Pour certains auteurs les concentrations d’Act c 1 sont faibles , voire nulles . Par exemple, dans une observation d’allergie au kiwi gold, une bande de 30 kDa était notée avec un extrait de peau, mais pas avec un extrait de pulpe .
Comme de nombreuses protéines, l’actinidine est présente sous différentes isoformes. Il est possible que les résultats discordants concernant Act c 1 soient dus au choix du cultivar : en effet, l’isoforme acide d’actinidine est absente dans le cultivar Hort 16A d’Actinidia chinensis.
Act d 1 est classiquement considéré comme le seul allergène "majeur" du kiwi. De fait une réactivité in vitro pour Act d 1 a été relevée en blot chez 50 à 80 % des patients parfois moins , parfois plus .
Mais Lucas et coll. ont récemment jeté un pavé dans la mare ! : selon ces auteurs, les patients Britanniques allergiques au kiwi ne réagissent pas à l’actinidine !..
Ce travail soulève de nombreuses questions autour des immunoblots pour caractériser les allergènes et mesurer les fréquences de positivités de ces derniers : là où certains auteurs voient une bande 30 kDa (et l’attribuent implicitement à l’actinidine), d’autres auteurs relèvent des positivités majoritaires pour des bandes de masse différente.
Il faut ajouter à ces difficultés les écarts entre cohortes quant à la répartition des tableaux allergiques (pollinose ou non, bouleau ou autre, latex ou non, etc..) et à la fiabilité du diagnostic d’allergie au kiwi.
Aussi, comme on ne voit pas bien en quoi les Britanniques seraient si différents d’autres populations européennes, il est probable que l’absence de réactivité pour l’actinidine et la présence de réactivités principalement en 28 et 38 kDa sont plutôt à attribuer à des paramètres méthodologiques.
Plus précis sont les travaux qui se servent d’allergènes purifiés (ou recombinants), notamment avec des méthodes plus quantitatives comme un ELISA. Dans ce cas, certaines études ont retrouvé une prévalence de positivité pour Act d 1 de 60% ou plus .
Mais seulement 20% des patients étaient positifs pour Act d 1 dans l’étude Europrevall, laquelle a le mérite de porter un diagnostic sur la foi d’un TPODA positif .
Act d 2, Act c 2
Act d 2 a été identifié en 2002 . Cette thaumatine-like possède un homologue IgE-réactif dans le kiwi Gold, Act c 2 .
Act d 2 a été trouvé positif chez 10-30 % des patients réagissant au kiwi .
Il a été trouvé parfois des prévalences plus élevées (62%) montrant l’importance de cet allergène dont on sait, par ailleurs, sa résistance à la chaleur et à la digestion.
Act d 2 est probablement glycosylé
- comme son homologue Pru av 2 dans la cerise,
- mais contrairement à Mal d 2 (pomme).
La non glycosylation de Mal d 2 renforce l’observation de la positivité pour Act c 2 chez certains sujets allergiques à la pomme , ce qui pourrait donner crédit à une réactivité croisée initiée par le bouleau par le biais de thaumatine-like .
Enfin, Gavrovic-Jankulovic a isolé une isoforme acide d’Act c 2, originale parmi les thaumatine-like, et qui n’est pas toujours accompagnée par une réactivité pour l’isoforme classique (basique) …
Act d 4, Act c 4
Une cystatine, c’est-à-dire un inhibiteur de cystéine protéase, a été identifiée dans les 2 variétés de kiwi .
Ces allergènes ont pour masse 11-12 kDa. Ils sont retrouvés dans la pulpe et dans les pépins
Act d 4 est positif chez 20-60 % des sujets allergiques au kiwi .
Act d 5
Cette kiwelline n’a pas de fonction connue et ressemble à une protéine "Grip 22" du raisin .
D’abord jugée absente dans la variété Gold , sa présence est maintenant démontrée .
Cette protéine subit une protéolyse naturelle dans le fruit qui conduit à la formation d’un fragment de 20 kDa, dit « KiTH » . Il est possible que l’ « absence » de kiwelline dans le kiwi gold résulte des faibles concentrations d’actinidine dans cette variété car l’actinidine participe à la protéolyse de la kiwelline ; d’où une piètre détection de la bande 20 kDa dans le kiwi gold .
La positivité in vitro pour Act d 5 se situe entre 20 et 75 % .
Act d 6 et Act d 7
Ces 2 allergènes ont été étudiés par une équipe italienne .
Act d 7 et une pectine méthyl-estérase de 50 kDa, glycosylée, et trouvée positive in vitro chez 32% des patients. Act d 6 (18 kDa) est un inhibiteur de cette enzyme, positif pour sa part chez 72% des patients. L’enzyme et son inhibiteur forment un complexe très stable. Il est possible que la réactivité à l’un soit associée à la réactivité à l’autre.
Act d 8 et Act c 8
Ces 2 allergènes sont des homologues de Bet v 1. Comme d’autres protéines PR-10 elles se présentent sous différentes variantes. Et l’identité entre Act d 8 et Act c 8 varie de 70 à 97% selon les isoformes . L’homologie avec Bet v 1 est relativement modérée (53-54%), mais Bet v 1 a été montré croiser avec ces 2 allergènes de kiwi.
On trouve principalement Act d 8/Act c 8 dans la partie périphérique de la pulpe du fruit .
Les différents cadres de réactivité au kiwi
Le kiwi est classiquement donné comme un fruit associé à l’allergie au latex (cf.latex et aliments).
En fait, la situation est beaucoup plus complexe :
- il faut distinguer les causes de l’allergie au latex : la sensibilisation par contacts muqueux (ex.spina bifida) s’accompagne rarement d’une allergie au kiwi
- la pollinose au bouleau peut générer une réactivité au kiwi par l’intermédiaire des PR-10
- l’allergène Act d 1 appartient à une famille de cystéine protéases retrouvées dans divers produits comme le latex de Ficus, la papaye, etc… Le kiwi est donc susceptible de participer à une association immunologique différente, dissociée ou non de celle avec le latex d’hévéa (cf. ficus et figue).
- une profiline est présente dans le kiwi (Act d 9) et peut jouer un rôle aussi.
- de même pour la LTP (Act c 10 / Act d 10).
La fréquence des symptômes en rapport avec l’ingestion de kiwi chez des patients allergiques au latex (hors spina bifida) est de l’ordre de 12 % .
- Quand le motif de consultation est une allergie à des aliments dans un contexte d’allergie au latex, cette fréquence est plus élevée, de l’ordre de 35 % .
- La fréquence des tests cutanés positifs pour avocat, banane et/ou châtaigne chez les patients allergiques au kiwi oscille entre 45 et 75 % .
Il faut, bien sûr, relativiser tous ces chiffres en l’absence de confirmation, dans la plupart des études, d’une allergie confirmée par test de provocation orale.
La relation kiwi-latex est attribuée principalement à la présence de chitinase de classe 1 dans le kiwi. Cet allergène n’a pas été isolé jusqu’à présent et les arguments en sa faveur se fondent sur des méthodes de réactivité croisée et d’immunoblot.
Cette chitinase est présente aussi dans la variété Gold .
Une association kiwi-bouleau a été suspectée très tôt . Et, pendant de nombreuses années, des cohortes de patients polliniques au bouleau ont été publiées montrant une fréquence non négligeable d’allergies au kiwi (ou de TC positifs kiwi).
Souvent les prévalences pour le kiwi venaient peu après celles des classiques pomme et noisette : entre 20 et 60 % des sujets .
La réaction croisée bouleau kiwi, étudiée à l’aide d’un mélange rBet v 1 + rBet v 2, montrait bien une inhibition de 2 bandes dans le kiwi : l’une correspondant à un profiline (14 kDa) et l’autre à une PR-10 (17 kDa) .
Chez des sujets recrutés pour une allergie au kiwi, il était bien noté une fréquence importante de réactions pour la pomme et la noisette .
- Les patients étaient polliniques au bouleau à moins de ne présenter en blot qu’une bande 30 kDa .
- Mais les tests d’inhibition du bouleau par le kiwi ne parvenaient pas à inhiber la zone 17-18 kDa du bouleau (Bet v1) , de sorte que les réactions croisées semblaient provenir seulement de CCD.
Du coup, le kiwi avait une place mal définie dans les régions d’Europe où croissent les bouleaux, quand le latex n’était pas en cause.
Le mystère a été levé en 2007 . Une PR-10 IgE-réactive existe bien dans le kiwi (les 2 variétés) .
Cette protéine a été produite sous la forme d’un recombinant. Et les résultats négatifs jusqu’alors étaient dus à des problèmes de faible quantité et/ou d’instabilité dans les extraits de kiwi.
Le kiwi rejoint donc la liste des aliments liés à la pollinose au bouleau. Et peut-être, plus généralement, à la pollinose aux pollens de Fagales (ex ).
L’allergie au kiwi sans latex ni bouleau
En dehors du cadre particulier du Ficus (cf ficus-figue), une allergie au kiwi n’est pas toujours expliquée par une pollinose au bouleau ou une allergie au latex.
D’autres modes de sensibilisation et/ou de réactivité croisée doivent donc entrer en jeu.
On trouve ainsi :
- en Allemagne, sur 12 TC positifs kiwi seulement 5 positifs pour le bouleau
- en Angleterre, 16 pollinoses bouleau parmi 46 suspicions d’allergie au kiwi (dont 24 prouvées)
- en Italie, près de 30 % d’allergies au melon ou à la tomate chez des sujets allergiques au kiwi . Et seulement 1 patient mono-positif pour Bet v 1 parmi 20 patients kiwi positifs
- en Espagne, des positivités cutanées pour des fruits liés au latex chez des allergiques au kiwi négatifs pour le latex .
Les candidats pour ces allergies au kiwi sans sensibilisation au bouleau ni au latex peuvent être :
- une réactivité à l’actinidine de façon isolée. Cela se voit en effet en cas de mono-réactivité kiwi et pourrait expliquer une partie des allergies au kiwi dans les régions ayant une pression pollinique bouleau. La situation d’une mono-réactivité kiwi est cependant peu fréquente
- une réactivité aux profilines, déjà suggérée par des observations anciennes de réactivités croisées , ainsi que par la (surprenante) ITSL menée avec le kiwi et ayant généré une réactivité pour Bet v2 et Hev b8 . La présence de profiline IgE-réactive dans le kiwi vert (Act d 9) est maintenant reconnue par l’IUIS qui se base sur les résultats de l’étude Europrevall (20% de sujets positifs) .
- la LTP pourrait aussi avoir sa place. Asero montre que la peau de pomme inhibe le kiwi et note 3 allergies au kiwi dans une cohorte de 49 patients sensibilisés isolément aux LTP . En blot, une bande 9 kDa est vue dans le kiwi chez certains patients , bien qu’elle soit déclarée absente dans d’autres travaux . Finalement, comme pour la profiline, l’IUIS a retenu comme allergènes les LTP Act d 10 (et Act c 10) en référence à l’étude Europrevall (20% de sujets positifs).
Dans un travail basé sur la réalisation de tests cutanés, Asero a noté parmi 80 patients polliniques Italiens rapportant des réactions avec des aliments végétaux 22 cas pour le kiwi : 10 réagissaient à des PR-10, 9 à des profilines et 3 à des LTP.
La multiplicité des possibilités de réactivité avec le kiwi doit donc tenir compte des profilines et des LTP.
Une association céréales-kiwi ?
Tout d’abord il convient d’apporter une réinterprétation aux résultats de Vocks communément cités dans la littérature comme une association spécifique :
- ces réactivités croisées entre kiwi, noisette, seigle, sésame et pavot étaient très inconstantes
- et semblaient tenir plus d’une réactivité entre profilines, PR-10 ou CCD que d’une communauté moléculaire entre ces produits.
Mais récemment des études menées en Espagne ont relevé une coïncidence imprévue de réactivité pour le kiwi et la farine de blé :
- parmi 22 boulangers/pâtissiers souffrant d’asthme professionnel, 8 rapportaient des réactions à l’ingestion de kiwi
- ils étaient 7 au sein d’un groupe de 32 patients (pour moitié des adultes) avec allergie alimentaire à la farine de blé
Pour expliquer cette fréquence notable d’histoires cliniques compatibles avec une allergie au kiwi, les auteurs ont fait l’hypothèse d’une réactivité croisée entre 2 cystéine protéases, l’actinidine dans le kiwi et la triticaïne dans le blé (55% d’identité). Cette dernière n’est pas connue pour le moment comme un allergène du blé.
Si, parallèlement, 5 patients rapportaient aussi des réactions avec le kiwi dans un groupe de 17 polliniques aux graminées, il est notable que 3 des 8 boulangers/pâtissiers et aucun des 7 allergiques à la farine de blé n’étaient polliniques aux graminées. Un composant de la farine, autre qu’une profiline, pourrait donc être en jeu.
Ces résultats méritent d’être confirmés chez des patients dont l’allergie au kiwi est confirmée par un TPO et dont la réactivité de type CCD est exclue. En effet ici, sur 20 boulangers/pâtissiers, 16 avaient un CAP broméline positif .
Kiwi et stabilité à la chaleur et à la digestion
Classiquement, le kiwi est réputé perdre rapidement son IgE-réactivité en digestion gastrique simulée . Si cette notion cadre bien avec la clinique (souvent syndrome oral), à l’instabilité des PR-10 et à un moindre degré de celle des chitinases, la situation est plus complexe.
En effet, cela dépend :
- de la sensibilisation propre à chaque patient. Ainsi :
- l’actinidine (Act d 1) a été rapportée comme très facilement dégradée en digestion gastrique simulée . En fait cette protéine n’est pas retrouvée car elle forme des agrégats dès pH 2 .
- les thaumatine-like (Act c 2 et Act d 2) présentent, elles, une bonne résistance à la digestion gastrique
- en digestion intestinale simulée, une dégradation partielle d’Act d 1 et d’Act d 2 a lieu. Mais il subsiste des fragments et une IgE-réactivité résiduelle
- du pH intra-gastrique : dès pH 3 des bandes restent non dégradées pendant au moins 1 heure
- d’un chauffage préalable ou non :
Au total, des allergènes et/ou peptides résistants pourraient être responsables de réactions systémiques.
Lucas et coll. ont avancé qu’après digestion une bande de 62 kDa et surtout une bande de 30 kDa caractérisaient les patients avec réaction systémique . Cependant, l’on sait les problèmes de transférabilité des résultats de blots en ce qui concerne le kiwi …
Kiwi et procédés techno-alimentaires
Les concentrations en allergènes évoluent avec le degré de maturité du fruit :
- les taux d’Act c 1 et Act c 2 sont maximum en octobre-novembre, c’est-à-dire au moment de la cueillette (Sud de l’Europe) . A noter que cette récolte à visée commerciale est effectuée avant maturité complète des fruits
- par la suite, avec la maturation naturelle, l’expression d’Act d 1 dans le fruit se ralentit . mais les conditions de stockage et de mûrissement programmé influent sur cette évolution :
- peu de modification pour Act d 1 ou Act d 2 (kiwi vert) ni Act d 5 ou Act c 5 (les 2 sortes de kiwi) avec un mûrissement naturel, y compris si on utilise l’éthylène (une phyto-hormone) en fin de stockage avant commercialisation
- par contre si l’éthylène est employé après une réfrigération des fruits (ici 2 mois au frigo), on assiste à une modification du profil protéique, avec intensification de la bande 20 kDa (KiTH) dans le kiwi vert (… mais pas dans le gold !)
Une étude a testé l’IgE-réactivité de produits alimentaires manufacturés contenant du kiwi :
- une IgE-réactivité était décelée dans les morceaux de kiwi d’un yaourt au kiwi, tant vis à vis d’Act d 1 que d’Act d 2
- dans une marmelade de kiwi il n’y avait plus de réactivité que pour Act d 2
- et dans un nectar il n’y avait plus de réactivité ni pour Act d 1 ni pour Act d 2
Tous ces produits avaient un pH relativement acide (2,5-3) et avaient été chauffés à des degrés divers (ex. pasteurisation).
On voit que le kiwi n’est pas parmi les aliments végétaux les plus simples pour comprendre la relation entre allergénicité et conditions réelles de consommation…
En dehors des réactions dont la sévérité oriente clairement vers une cause précise, le diagnostic de l’allergie au kiwi peut poser problème :
- les extraits commerciaux peuvent manquer de certains allergènes et donc de sensibilité ;
- a contrario, entre le 1/3 et la moitié des prick-tests natifs positifs avec le kiwi ne sont pas confirmés en TPO .
On observe même des taux de TC positifs supérieurs à ceux obtenus par la seule histoire clinique , alors que l’on sait que cette dernière exagère elle-même les résultats trouvés en TPO .
Par ailleurs, une positivité pour le kiwi :
- peut provenir de sensibilisations très différentes : directe, associée au bouleau, associée au latex, etc..
- et in vitro le kiwi est susceptible d’une réactivité de type CCD.
Peut-on s’aider des réactivités moléculaires pour confirmer une positivité pour le kiwi ou affiner un diagnostic d’association ?
On a vu précédemment les difficultés rencontrées avec les immuno-blots. Lucas estime qu’il n’y a pas de profil en blot qui puisse prédire la sévérité des réactions au kiwi.
Et on ne possède que peu d’études basées sur des allergènes individuels purifiés ou recombinants :
- Palacin a relevé les positivités en ELISA et TC pour Act d 1, Act d 2 et Act 3 : ces 3 allergènes étaient positifs en ELISA chez environ 60% des 92 sujets étudiés, avec une tendance pour une fréquence supérieure en cas de réaction anaphylactique, différence qui n’apparaissait pas en TC. Par ailleurs, le niveau de la réactivité in vitro (kU/l) ne différenciait pas les patients avec un TPO positif de ceux avec TPO négatif.
- Lidholm a récemment donné les résultats de l’étude Europrevall pour le kiwi : sept allergènes du kiwi étaient testés chez 30 patients dont l’allergie au kiwi était confirmée par TPODA. Il ressort des résultats présentés :
- que de tester 7 allergènes n’apportait pas de bénéfice sensible comparativement au seul CAP kiwi classique
- qu’Act d 1 n’est pas, dans cette cohorte, l’allergène le plus souvent positif (20%)
- qu’aucun des 7 allergènes, hormis peut-être Act d 2 (mais 3 positifs seulement/30 sujets), ne pouvait clairement orienter vers un risque de réactions cliniques sévères.
Aussi, bien qu’Act d 1 soit souvent positif chez les sujets mono-kiwi et que ces derniers soient avancés comme ayant un risque plus grand pour des réactions sévères, d’autres travaux sont nécessaires pour délimiter l’utilité de tester tel ou tel allergène du kiwi.
Kiwi et CCD
(voir aussi : Les CCD)
Le kiwi, comme tous les aliments et les pollens, contient des glycoprotéines susceptibles d’être reconnues par des IgE anti-CCD .
Fahlbusch montre que le périodate affecte la réactivité in vitro pour le kiwi, à moins d’une mono-sensibilisation pour l’actinidine (Act d 1) qui n’est pas glycosylée .