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La tomate
jeudi 16 septembre 2010, par
L’allergie à la tomate a fait l’objet de nombreuses études, notamment en Allemagne, en Espagne et au Japon.
Si une majorité des réactions est limitée à la sphère orale, la tomate se distingue d’autres aliments du même type par une proportion non négligeable de réactions systémiques, 20 à 40% et parfois 60% .
Un plus grand nombre de réactions systémiques est observé en Espagne où, bien qu’apparemment rares, quelques cas d’anaphylaxie ont été relevés .
Pas de cas concernant la tomate dans le Réseau d’Allergo-Vigilance en mai 2010 (900 déclarations).
Les allergènes de tomate
- Cet allergène est retrouvé sous une forme un peu différente (75 % d’identité) dans le pollen de tomate, lui aussi allergisant .
- La prévalence d’une positivité pour Lyc e 1 serait de l’ordre de 30% ;
Lyc e 2 est une béta fructo-furanosidase . Cet allergène est glycosylé (4 chaînes glucidiques).
Lyc e 3 est une LTP se présentant sous 2 isoformes (75 % d’identité) partiellement cross-réactives entre elles .
Une peroxydase a été présentée comme un allergène mais les preuves de cette allergénicité sont faibles.
Fötisch et Kondo ont montré qu’une polygalacturonase de 46 kDa ("PG2A") et une pectinestérase étaient IgE-réactives. Ces deux protéines sont glycosylées.
Palomares a décrit une fraction 48 kDa qui présentait une réactivité croisée avec le domaine N-Terminal d’Ole e 9. Cette fraction pourrait donc correspondre à une β 1,3 glucanase. Cependant, la base Allergome décrit une β 1,3 glucanase de 55 kDa dans la tomate.
La base Allergome recense aussi une chitinase classe 1 de 31 kDa.
Une thaumatine-like IgE-réactive serait logique, à l’instar de celle trouvée dans une autre Solanacée, le poivron. D’autant que cette protéine est connue pour s’accumuler au stade de la maturité du fruit.
Elle n’a pas été détecté dans un important travail visant à identifier l’évolution du protéome de la tomate au cours du processus de mûrissement .
Par contre, cette étude a montré :
- qu’une protéine PR-10, présente aux premiers stades de développement du fruit, disparaissait quasiment dans le fruit mûr
- que l’inverse était noté pour Lyc e 2, pour la β 1,3 glucanase et pour différentes protéines de type HSP.
Globalement, l’IgE-réactivité a été présentée comme s’abaissant avec la maturité du fruit (notamment dans la peau), la tomate verte inhibant mieux la tomate mûre que l’inverse .
Mais dans un autre travail la peau de tomate donnait des réponses équivalentes en TC, que la tomate soit mûre ou non .
Pulpe de tomate vs peau de tomate
Ferrer et Carnés ont montré qu’il y avait des concentrations d’allergènes différentes dans la peau de tomate, la β fructo-furanosidase (Lyc e 2) étant plus abondante que la LTP, elle-même plus abondante que la profiline et on trouvait peu de polygalacturonase (PG2A) :
- On trouvait beaucoup plus de LTP dans la peau que dans la pulpe. Et dans cette dernière principalement Lyc e 2 et pas de PG2A .
Pour ces auteurs la peau donne en prick-prick des diamètres de TC plus grands que la pulpe.
Ce déséquilibre se retrouve dans les prévalences de positivités en TC :
- 4 TC positifs pulpe parmi 14 sujets avec TC positif peau
- 31 TC positifs peau parmi 33 TC positifs pulpe
- 46% de TC positifs avec un extrait de pulpe contre 77% avec un extrait de peau
- seulement 3 patients/47 avec TC positif pour la pulpe sans TC positif pour la peau
A noter, cependant, que les malades testés étaient d’origine espagnole, ayant donc une fréquente sensibilisation aux LTP. Cette réactivité cutanée était d’ailleurs sans traduction clinique chez 91 % des sujets explorés .
Les graines de tomate sont elles aussi IgE-réactives : un extrait de ces graines a donné en TC des réponses égales ou supérieures à celles relevées pour la tomate elle-même. Les allergènes seraient des légumine-like et viciline-like .
Une LTP est également IgE-réactive dans les graines de tomate .
Tomate et pollinose
Un lien entre pollinose et réactions alimentaires à la tomate a été suggéré très tôt .
Plusieurs types de pollinose ont été associées à une allergie à la tomate : cèdre du Japon , genévrier , bouleau , graminées et olivier , frêne .
- D’une manière générale, une pollinose est présente pour 70 à 100 % des patients.
Ces pollens n’ont pas des contenus identiques en allergènes et pourraient susciter des réactivités croisées (RC) différentes selon les pays.
Au Japon, Kondo estime qu’il ne s’agit pas de profilines mais fait l’hypothèse d’une RC entre polygalacturonases (Cry j 2 dans le pollen de cèdre du Japon) .
- Mais le pourcentage d’identité entre Cry j 2 et la polygalacturonase de tomate (PG2A) semble insuffisant.
- Par ailleurs, la réactivité croisée tomate-cèdre est affectée par les CCD .
Cette même relation entre polygalacturonases pourrait s’appliquer aux cas relevés aux USA pour les RC observées entre genévrier et tomate.
- Mais l’homologie entre Jun a 2 (genévrier) et PG2A ne saurait être plus favorable que dans le cas du cèdre du Japon.
Si donc une allergie croisée cupressacées-tomate existe, elle pourrait avoir pour support d’autres allergènes.
En Allemagne, des travaux de Westphal et Fötisch montrent une réactivité relativement limitée pour la profiline Lyc e 1 (22 à 44% des patients), pour Lyc e 2 (12-17%) et pour Lyc e 3 (6%) .
- Lorenz obtient des prévalences similaires : 29%, 38% et 3% .
- Ces 3 allergènes semblent donc insuffisants pour expliquer l’IgE-réactivité de ces patients allemands à la tomate. On peut supposer l’intervention d’autres allergènes.
En Espagne, où un grand nombre d’études ont été entreprises, la part prise par la LTP Lyc e 3 est, sans surprise, plus importante, environ 30% des patients étant réactifs à cette LTP (et 62% pour la béta fructo-furanosidase Lyc e 2, et 48% pour la profiline Lyc e 1) .
- Il est observé une fréquence accrue de TC positifs pour l’armoise et/ou le platane chez les patients espagnols présentant une histoire clinique évocatrice pour la tomate . On sait que ces 2 pollens contiennent des LTP. Et le platane s’est montré capable d’inhiber une bande 10 kDa dans la tomate .
En Italie, une étude a montré une corrélation in vitro entre tomate et graminées (s’étendant à l’arachide) chez des enfants mono-polliniques aux graminées :
- sur 40 enfants ayant un TC positif pour la tomate, un syndrome oral avec la tomate était noté chez 8. Mais le support moléculaire de cette association n’a pas été étudié.
Asero a étudié 80 patients présentant un syndrome oral avec divers aliments végétaux (Milan Italie) :
- la réactivité pour les PR-10, les profilines et les LTP était testée en TC à l’aide d’extraits spécifiques ALK-Abello
- la répartition des TC positifs variait d’un aliment à un autre, la tomate présentant un profil majoritairement de type profiline, à l’image des autres aliments considérés peu ou pas LTP comme les Cucurbitacées, la banane ou la carotte .
- La figure ci-dessous montre la répartition des TC positifs, chez les patients mono-positifs en profiline, en PR-10 ou en LTP, selon l’aliment en cause :
En France, dans le cadre d’une sensibilisation au pollen de frêne, la réactivité pour les profilines (38% de patients positifs pour rChe a 2 in vitro) ne semblait pas pouvoir expliquer l’ensemble des réactions alimentaires pour la tomate .
On a donc une partie des patients chez qui la pollinose intervient (profiline positive) tandis que dans d’autres cas, la sensibilisation à la tomate pourrait être directe (ex. béta fructo-furanosidase) ou s’inscrire dans le cadre d’un syndrome LTP.
La positivité de tests cutanés effectués avec des extraits de pulpe et/ou de peau de tomate après cuisson , ou avec des dérivés manufacturés de tomate (ex. concentrés, conserves) sont en faveur d’une réactivité pour les LTP.
Au total, les relations entre pollens et tomate ne sont que partiellement éclaircies. Qu’en est-il des β 1,3 glucanases (Ole e 9 olivier, Fra e 9 frêne) ou des pectinestérases (Bet v 8 bouleau) ?
- On a aussi montré la présence d’une cyclophiline dans la tomate : cette protéine avait une forte homologie avec la cyclophiline du bouleau, Bet v 7 (85% d’identité) .
Latex et tomate
Quelques études ont concerné une éventuelle association latex-tomate, notamment en Espagne :
- Dans une cohorte de 27 patients rapportant une allergie à la tomate, Poza relevait une majorité de réactions limitées à la sphère orale .
- Mais parmi les 7 allergies confirmées par TPO ou ayant présenté une réaction anaphylactique, 3 sujets avaient une histoire clinique positive pour le latex.
- Reche a comparé 10 allergiques au latex et 30 non allergiques au latex, tous étant TC et/ou CAP positifs pour la tomate .
- Des réactions systémiques avec la tomate n’ont été notées que chez les allergiques au latex (2 cas sur 10).
- Parmi les 30 non allergiques au latex, un TC et/ou un CAP positif pour le latex était noté 17 fois.
- Parmi 18 patients avec un TC positif pour la peau de tomate (dont 11 avec une clinique évocatrice), 1 seul patient était positif in vitro pour le latex
Au Canada, il a été trouvé 13 TC positifs pour la tomate parmi 47 patients allergiques au latex :
- ces TC positifs étaient asymptomatiques cependant 11 fois/13
Le lien latex-tomate n’est donc que modérément suggéré par ces études.
- La nature du ou des allergènes susceptibles de justifier une réactivité croisée latex-tomate serait à préciser.
- S’agit-il d’une chitinase de classe 1 ? L’évolution ou non de l’allergénicité après cuisson de la tomate serait intéressante à étudier de ce point de vue.
- S’agit-il d’une réactivité au latex et à la tomate mutuellement induite par la présence d’une pollinose ? On peut, par exemple, remarquer la positivité des certains patients en TC pour le pollen de bouleau dans une région dépourvue de bouleaux (Murcie, Espagne) . Profilines ?
- Et quand la double positivité latex-tomate est sérologique il faut bien sûr suspecter des CCD .
Tomate et paramètres agronomiques
Il ne semble pas y avoir d’allergénicité nettement différentes entre les variétés de tomate .
Ni d’effet du à l’illumination UV utilisée dans certains procédés culturaux .
Un travail a suggéré une allergénicité (réactivité cutanée) plus importante avec des tomates ayant été traitées par des phytohormones (éthylène ou acide salicylique) .
Enfin, les essais de production de tomate anallergique ont été décevants sur le plan de la plante avec la répression du gène de la profiline et meilleurs avec une répression de la LTP .
- Cependant l’amélioration de la réactivité cutanée avec cette tomate transgénique restait partielle, et rien ne prouve qu’elle apporterait une solution pour les patients allergiques à la tomate et sensibilisés aux LTP. Il faudrait, d’ailleurs, qu’ils ne réagissent qu’à la LTP de tomate …
Tomate et CCD
(voir aussi : Les CCD)
Plusieurs protéines dans la tomate sont glycosylées : Lyc e 2, la peroxydase, la polygalacturonase, la pectinestérase.
- De fait, une réactivité de type CCD est souvent notée avec la tomate .
- Celle-ci n’est pas seulement due à Lyc e 2 .
La tomate fait partie des quelques sources allergéniques ayant montré une capacité d’induire une dégranulation sous le seul effet de ses chaînes glucidiques :