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La cerise et autres fruits des Rosacées
vendredi 2 avril 2010, par
Les fruits des Rosacées les plus étudiés sur le plan allergologique sont la pomme et la pêche. Le présent article traite des autres fruits :
Le Réseau d’Allergo-Vigilance avait colligé peu de cas de réactions sévères sur les 900 déclarations en mai 2010 : poire 2 cas, fraise 1 cas, mûres 1 cas.
On pourra se rapporter au chapitre consacré aux Rosacées pour une approche détaillée des diverses composantes d’une réactivité à ces fruits, et notamment :
- prévalences de positivités aux allergènes
- démarche diagnostique face à une suspicion d’allergie.
La cerise
Surtout étudiée en Suisse et en Allemagne, l’allergie à la cerise est probablement sous estimée dans d’autres régions d’Europe où la pollinose au bouleau est courante.
On rencontre aussi des réactions avec la cerise dans le pourtour méditerranéen. L’origine de cette allergie est alors une sensibilisation aux LTP, a priori initiée par la pêche.
Le tableau ci-dessous donne un aperçu des fréquences relatives d’allergie cerise / pêche / pomme selon les régions d’Europe et le mode de recrutement des patients.
L’homologue de Bet v 1 dans la cerise est Pru av 1 . La cerise contient aussi une LTP (Pru av 3) et une profiline (Pru av 4) .
Une protéine thaumatine-like (Pru av 2) , glycosylée , s’accumule avec le mûrissement du fruit .
Le recombinant de Pru av 2 synthétisé dans E. coli, et donc non glycosylé, est reconnu par moins de patients que l’allergène naturel .
La place prise par Pru av 2 dans l’allergénicité de la cerise n’est pas encore bien définie.
Une étude n’a pas trouvé de différence importante d’allergénicité entre cultivars de cerise, même si certains d’entre eux avaient des taux plus élevés de LTP (ex. cerise Napoléon) .
La cerise aigre, Prunus cerasifera, contient aussi une PR-10 IgE-réactive : Pru c 1.
En digestion gastrique simulée, Pru av 1 et la profiline Pru av 4 ne résistent pas, contrairement à Pru av 3 .
Une bande de 24 kDa, qui ne semble pas être Pru av 2, résiste aussi .
La chaleur détruit en grande partie l’IgE-réactivité de Pru av 1 dans les jus, conserves et confitures , tandis que la LTP résiste .
Pour les fruits au sirop, le stade de pelage chimique des cerises semble important dans la perte d’allergénicité du produit, y compris pour les patients sensibilisés aux LTP . La présence de sucres induit aussi des réactions de Maillard, contribuant parallèlement à faire chuter l’IgE-réactivité pour Pru av 1 .
La poire
On possède peu de données concernant l’allergie à la poire.
Celle-ci a été principalement étudiée en Allemagne.
La poire est clairement un fruit associé au syndrome bouleau-Rosacées, tous les sujets allergiques à la poire et polliniques au bouleau étant positifs pour rBet v 1 .
La poire contient quelques allergènes bien identifiés :
- Pyr c 1, l’homologue de Bet v 1
- Pyr c 3, une LTP
- Pyr c 4, une profiline
- Pyr c 5 qui appartient à la famille des isoflavone réductases.
Pyr c 5 a été trouvé fréquemment positif chez des sujets allergiques à la poire (syndrome oral) et polliniques au bouleau .
Une isoflavone réductase IgE-réactive est présente aussi dans le pollen de bouleau : Bet v 6. Mais il est difficile de déterminer la part prise par Pyr c 5 dans les réactions cliniques à la poire, tous les sujets étant aussi réactifs pour Pyr c 1.
Des tests d’inhibition ont suggéré la présence d’autres isoflavone réductases (IFR) dans différents fruits (ex. Rosacées, litchi, orange) ou pollens (ex. armoise) .
Cependant d’autres travaux seraient nécessaires pour valider ces réactivités croisées et déterminer s’il existe un "syndrome IFR".
Le tableau ci-dessous donne un aperçu des fréquences relatives d’allergie poire / pêche / pomme selon les régions d’Europe et le mode de recrutement des patients. Schématiquement :
- en environnement PR-10 (bouleau) : poire = pêche < pomme
- en environnement LTP : poire < pomme < pêche
L’abricot
Ce fruit est rarement cité dans le cadre du syndrome bouleau-Rosacées. Il a été plus fréquemment associé au syndrome LTP rencontré en zones méditerranéennes.
La LTP Pru ar 3 a été identifiée par Pastorello . Cette LTP de 9 kDa a 91 % d’identité avec celle de pêche, Pru p 3. Une autre LTP, celle-ci de 7 kDa, a été trouvée dans l’abricot mais son IgE-réactivité éventuelle n’a pas été étudiée.
A noter que, contrairement à la pêche, pulpe et peau d’abricot ont des concentrations similaires en LTP .
L’abricot, comme les autres Rosacées, possède une profiline et une PR-10.
Une polyphénol-oxydase s’accumule dans l’abricot avec le mûrissement : est-ce un facteur d’instabilité de la PR-10 (Pru ar 1) dans le fruit et, de ce fait, d’une moindre allergénicité que celle vue pour la pêche chez les polliniques au bouleau ?
Le tableau ci-dessous donne un aperçu des fréquences relatives d’allergie abricot / pêche / pomme selon les régions d’Europe et le mode de recrutement des patients. Schématiquement :
- en environnement PR-10 (bouleau) : abricot << pêche < pomme
- en environnement LTP : abricot < pomme < pêche
La prune
L’allergénicité des prunes (prune, quetsche, mirabelle) est plus faible que celle des pêches si l’on en croit les données épidémiologiques.
Dans l’étude de Pastorello qui a permis l’isolement de la LTP, Pru d 3, tous les sujets allergiques à la prune étaient allergiques à la pêche .
Cette moindre allergénicité clinique est similaire à celle de l’abricot, une autre Rosacée prunoïdée. Elle ne s’explique pourtant pas par un déficit d’homologie entre allergènes de prune et de pêche. Ni par un contact moins allergisant, les fruits étant consommés de façon équivalente.
Par contre, des concentrations en LTP plus faibles dans la prune que dans la pêche ont été relevées . Qui plus est sans écart important entre la pulpe et la peau.
On connaît aussi une PR-10 (Pru d 1) et une profiline IgE-réactives dans la prune
Le tableau ci-dessous donne un aperçu des fréquences relatives d’allergie prune / pêche / pomme selon les régions d’Europe et le mode de recrutement des patients. Schématiquement :
- en environnement PR-10 (bouleau) : prune < pêche < pomme
- en environnement LTP : prune < pomme < pêche
Asero a récemment décrit un cas d’anaphylaxie à la prune chez un patient allergique au latex et montrant une réactivité pour un nouvel allergène dans le latex, l’UDP glucose pyrophosphorylase .
En blot une réaction croisée est vue entre prune et latex, mais la responsabilité directe de l’UDP glucose phosphorylase dans cette réactivité croisée n’a pas été testée.
La fraise
La fraise a une place assez limitée dans les réactions allergiques aux fruits des Rosacées, loin derrière la pêche ou la pomme, comme le montre le tableau ci-dessous :
Pourtant on connaît différentes protéines IgE-réactives dans la fraise :
- une PR-10, Fra a 1 (18 et 20 kDa ), homologue de Bet v 1
- une LTP, Fra a 3, qui a 63 % d’identité avec Pru p 3 (pêche)
- une probable isoflavone réductase croisant avec Pyr c 5 (poire) , se présentant en blot comme une bande de 35 kDa et montrant un pourcentage d’identité de 53-67 % avec Pyr c 5 et l’isoflavone réductase du bouleau, Bet v 6
- on a aussi détecté une alpha expansine de 20 kDa et un homologue d’Ole e 1 (pollen d’olivier) (39-45 % d’identité) .
Comme pour d’autres Rosacées, l’allergie peut provenir d’une réactivité croisée avec des PR-10 (bouleau) ou des LTP (pêche).
S’agissant de la LTP de fraise, Fra a 3, on a noté des différences dans les acides aminés exposés en surface de l’allergène comparativement à Pru p 3, y compris au niveau des épitopes de Pru p 3 .
Une réactivité croisée Pru p 3-Fra a 3 est possible, de même qu’une positivité pour Fra a 3 chez des sujets allergiques aux Rosacées.
Cependant certains auteurs estiment que, contrairement à la plupart des autres LTP de Rosacées, Fra a 3 n’a pas de relevance clinique .
Pour la fraise, la profiline Fra a 4 aurait une certaine importance en cas de poly-pollinose hors d’un environnement riche en bouleaux.
La framboise
Les Rosacées du genre Rubus fournissent au moins 2 fruits classés dans les fruits rouges, mais dont la consommation est moindre que celles des cerises et des fraises : la framboise (Rubus idaeus) et la mûre (Rubus fruticosus).
Si l’on se réfère à la littérature médicale, les cas d’allergie aux framboises sont excessivement rares :
- un cas récemment décrit en Suisse (où une réactivité de type LTP était suggérée in vitro)
- deux cas où la framboise est évoquée dans les antécédents :
- enfin, dans l’étude menée par Marzban en vue de caractériser les allergènes dans la framboise, aucun patient ne rapportait de réactions à l’ingestion de ces fruits, même si 4 des 6 testés étaient positifs en prick natif pour la framboise
Les allergènes dénommés dans la framboise sont Rub i 1 (PR-10) et Rub i 3 (LTP).
- une chitinase de classe 3 (30 kDa, glycosylée), proche de l’hévamine du latex (74% d’identité). Mais il ne semble pas que la framboise soit à classer parmi les « aliments latex » : en effet, parmi 7 patients présentant cette bande 30 kDa en blot framboise, seuls 2 étaient positifs pour le latex in vitro.
- une cyclophiline de 17 kDa
Une protéine thaumatine-like a été évoquée dans la framboise du fait d’une réaction croisée notée avec celle de cerise, Pru av 2 . Mais il y a tout lieu de penser que cela recouvrait la participation de CCD. Cette thaumatine-like est donc à confirmer dans la framboise.
La mûre, le fruit des ronces
Il ne faut pas confondre ce fruit des Rosacées du genre Rubus avec celui de la famille des Moracées (mûre noire ou blanche, Morus spp.).
Une PR-10 et une LTP sont présentes dans la mûre sauvage (Rubus fruticosus), le fruit des ronces .
Un cas d’anaphylaxie avec ce fruit a été décrit chez un patient ayant eu précédemment des épisodes de syndrome oral également avec des fraises et des framboises. En blot il n’y avait pas de bande au niveau des LTP. Et l’allergène en cause n’a pas été caractérisé .