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Désensibilisation pollinique et allergie alimentaire
mercredi 9 janvier 2008, par
Pour les aliments dont la réactivité est induite par une sensibilisation pollinique, on peut espérer qu’une immunothérapie de la pollinose va corriger à la fois les symptômes respiratoires et oculaires (rhino-conjonctivite, asthme) mais aussi les symptômes alimentaires (avant tout le syndrome oral).
Des résultats contradictoires ont été relevés : certains auteurs concluent à un effet bénéfique de l’immunothérapie (IT) sur l’allergie alimentaire, tandis que d’autres estiment que la faiblesse des résultats obtenus ne justifient pas, en tout cas, une indication de désensibilisation ayant pour objectif de corriger un syndrome oral.
C’est principalement l’IT d’une pollinose au bouleau qui a été étudiée. Cela tient notamment à la fréquence des réactions alimentaires induites par ce pollen (pomme, noisette, etc…). Comme le souligne Van Ree , trop peu de ces travaux ont un protocole rigoureux (groupe placebo, voire groupe témoin sans IT ; TPO en double aveugle).
D’autres paramètres rendent le rapprochement des résultats difficiles : durée de l’IT, pays d’origine, voie de l’IT. Sur ce dernier point on manque de travaux avec la voie sublinguale, la grande majorité des résultats publiés concernant la voie sous-cutanée.
Le tableau ci-dessous présente les résultats obtenus avec une IT bouleau (ou Bétulacées).
Sur 8 études, 4 concluent à un effet bénéfique de l’IT bouleau sur le syndrome oral associé (pomme, noisette,…) tandis que les 4 autres ont un avis contraire ou peu positif .
Pour Asero , le résultat est d’autant plus net que la réactivité en TC pour la pomme est faible avant le début de l’IT.
La correction partielle, ou parfois totale, du syndrome oral persiste-t-elle à distance de la fin de l’IT ?
- Asero a suivi pendant environ 3 ans des sujets ayant présenté un TPO négatif pour la pomme en fin d’IT
- il observe en TP ouvert une rechute chez 10 % des sujets (n = 30) à + 6 mois, 23 % à + 18 mois et 39 % à + 30 mois.
L’effet bénéfique de l’IT a donc été conservé pour environ 60 % des sujets. Mais le devenir à plus long terme n’est pas étudié. Il faudrait, par ailleurs, d’autres travaux concernant le suivi des patients.
Le cas d’une patiente allergique au kiwi étudié par Mempel est un peu différent, même si l’effet sur l’allergie alimentaire persistait 5 ans après le début de l’IT : il s’agissait d’une désensibilisation par voie sublinguale avec le kiwi lui-même.
- Ce cas clinique souligne par ailleurs les effets sensibilisants éventuels de toute IT : la patiente a vu se développer avec l’IT une réactivité cutanée (mais pas d’allergie) pour le bouleau et le latex .
Des néo-allergies provoquées par une IT ont été rapportées : 3 cas pour le céleri parmi 20 IT armoise , 1 cas pour la jujube après ITSL latex , 4 cas de syndrome oral parmi 57 désensibilisations pour graminées et/ou bouleau ou armoise . Ajoutés aux quelques cas de positivation décrits dans le tableau ci-dessus concernant l’IT bouleau, ces néo-allergies représentent une réalité clinique dont la portée reste cependant mal définie : la vérification par TPO a rarement été menée et le nombre de cas est minime.
Les mêmes remarques s’appliquent aux effets d’une IT acariens vis à vis des mollusques comme l’escargot ou vis à vis des crevettes (cf. escargots, cf. crustacés, cf. mollusques marins).
Les pollens de graminées ont aussi été étudiés.
Ces pollens sont responsables de réactions alimentaires beaucoup moins nettes que celles induites par le pollen de bouleau.
Aussi, des modifications de réactivité clinique ont rarement été relevées avec les IT graminées. D’autant que dans de nombreux travaux, les graminées étaient associées à 1 ou d’autres pollens :
- Asero rapporte une guérison d’allergie alimentaire (fenouil, concombre, melon) avec une IT graminées + armoise + ambroisie
- Kelso rapporte aussi la guérison d’allergie à divers aliments avec une IT graminées + un mélange d’arbres
- Baumann note une amélioration du syndrome oral chez 53 % des patients sous IT graminées et/ou bouleau ; et observe que le bouleau seul est plus efficace que l’association bouleau + graminées
- Bilo relève 3 améliorations du syndrome oral parmi 57 patients sous IT graminées et/ou bouleau ou ambroisie. Parallèlement 3 néo-allergies alimentaires sont apparues, toutes avec une IT bouleau
- Asero trouve autant de néo-réactivités pour des pollens jusque-là négatifs en TC chez les sujets sous IT (11 %) que dans le groupe contrôle (10 %).
L’ambroisie a été étudiée aussi par Nowak-Wegzyn en association avec le bouleau avec une amélioration pour la pomme et le melon.
Alonso a étudié l’effet d’une IT platane et observé une amélioration de la dose tolérée en TPO ouvert chez 6 des 11 sujets (noisette, noix, pêche,….).
D’autres travaux ont regardé les effets de l’IT sur la réactivité in vitro. Bien qu’une positivation in vitro pour tel ou tel allergène n’ait qu’une signification clinique très hypothétique, ces études sont intéressantes sur le plan immunologique :
- Ball relève une néo-réactivité pour certains épitopes de Phl p 1 sous IT graminées
- Van Ree note 5 cas de positivation pour certains allergènes d’ivraie parmi 64 sujets sous IT graminées.
- Mari trouve une prévalence plus élevée de résultats positifs pour différents allergènes recombinants de fléole dans une cohorte ayant reçu une IT graminées. Par exemple, la polcalcine rPhl p 7 est positive chez 50 % de ces sujets contre 15 % dans une population témoin.
- Rossi a étudié aussi des recombinants de fléole mais cette fois en comparant les résultats avant et après IT fléole : il n’a pas observé de néo-réactivités, les sujets positifs après IT étaient déjà positifs pour le même allergène avant IT
- Aberer n’observe pas non plus de néo-réactivité pour rPhl p 7 ou rPhl p 12 (profiline) après IT orale au pollen de fléole.
- Enfin Mattson note 3 positivations pour rBet v 2 parmi 9 patients sous IT bouleau 2-3 ans. Ces 3 sujets ont vu aussi se positiver rBet v 4 (polcalcine) (1 cas) ou rBet v 6 (isoflavone réductase) (1 cas). Comparativement, parmi 4 sujets non traités par IT, 1 cas de positivation pour rBet v 2 a été relevé.
Au total, la désensibilisation pollinique est capable d’induire des néo-réactivités vis à vis d’allergènes présents dans l’extrait utilisé pour l’IT ou vis à vis d’allergènes croisants présents dans d’autres produits (autres pollens, aliments).
Ces néo-réactivités ont une relevance clinique incertaine, tant par le manque d’études fiables que par la quasi-absence de travaux cherchant à contrôler l’effet à plus long terme.
Globalement, les cas de néo-allergie alimentaire restent peu nombreux, en nombre plus faible que ceux d’une amélioration d’une allergie alimentaire pré-existante.
Les bénéfices indirects d’une IT sur l’allergie alimentaire semblent donc plus grands que les risques de néo-allergie.
Cependant, les effets de l’IT apportent rarement une "guérison" de l’allergie alimentaire et, pour certains auteurs, l’IT ne peut se justifier comme indication pour traiter une allergie alimentaire induite par la pollinose.