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Les blattes
lundi 16 mars 2009, par
Seules quelques espèces de blattes intéressent l’allergologie .
Blatella germanica est un insecte purement domestique. Il est retrouvé dans toutes les régions du monde.
Periplaneta americana est très répandu aussi, mais dans des pays à climat plus chaud/humide.
- On trouve P. americana dans les maisons mais aussi dans des bâtiments publics.
- P. americana peut cohabiter avec B. germanica, l’exposition aux allergènes étant alors double.
P. americana est plus répandue que B. germanica au Japon, à Taïwan, au Brésil, à Singapour, en Malaisie.
Par contre en Europe, aux USA, en Corée B. germanica prédomine.
Periplaneta japonica est répandu en Corée, de même que Periplaneta fuliginosa au Japon. Blatella orientalis peut être vue en Europe. Supella Pongipalpis est plutôt présente dans les pays tropicaux/subtropicaux.
Les infestations de blattes indoor sont nettement reliées aux conditions d’habitation, lesquelles sont souvent dépendantes de facteurs socio-économiques .
Des débris de blattes peuvent contaminer des farines , mais, contrairement aux acariens retrouvés dans des farines, il ne semble pas avoir été rapporté d’allergie alimentaire aux blattes.
Un asthme du boulanger du aux blattes est, lui, décrit .
Les allergènes des blattes
Les allergènes de blattes proviennent aussi bien de leurs excréments que des débris d’insectes. Notamment, le nombre élevé de mues entre le stade nymphal et le stade adulte (6 à 12) provoque la formation de débris d’exosquelette et d’exuvies.
Certains auteurs pensent que les excréments seraient plus allergisants .
Les allergènes sont portés par des particules dans la poussière. Celles-ci ont des tailles variables, souvent grosses et sédimentant facilement, mais parfois petites et aptes à atteindre les bronchioles. Les allergènes de blattes sont très asthmogènes (cf. blattes et activité biochimique).
Les allergènes semblent pouvoir être transportés par des vêtements (écoles) dans des cas de contamination importante.
On n’a caractérisé qu’une minorité des allergènes des blattes. Par exemple, pas moins de 12 spots IgE-réactifs en plus de ceux de Per a 1 et Per a 7 sont révélés en immunoblot 2D avec P. americana .
Les allergènes de blatte ne dérogent pas à la règle et se présentent souvent sous plusieurs isoformes et sont capables de dimériser (ex Bla g 2 ) ou de se fragmenter (ex Bla g 1 ), ce qui rend complexe l’interprétation des immuno-empreintes de leurs extraits.
B. germanica et P. americana principalement ont été étudiées. A l’image des acariens, des "groupes" d’allergènes communs à différentes blattes ont été définis.
Par exemple le groupe 7 comprend des tropomyosines.
Cependant, beaucoup d’allergènes ont une IgE-réactivité mal établie, même si ces protéines ont été acceptées par l’IUIS.
Allergènes identifiés dans les différentes blattes
Groupe | Fonction | B.germanica | B.orientalis | P.americana | P.fuliginosa |
---|---|---|---|---|---|
1 | ? | IUIS | ? | IUIS | 0 |
2 | Aspartate protéases | IUIS | 0 | ||
3 | Arylphorines | IUIS | |||
4 | Lipocalines | IUIS | 0 | ||
5 | Glutathion-S-transférases | IUIS | 0 | ||
6 | Troponines C | IUIS | IUIS | ||
7 | Tropomyosines | IUIS | ? | IUIS | 0 |
8 | Chaîne légère de myosines | IUIS | |||
9 | Arginine kinases | 0 | IUIS | ||
10 | Sérine protéases | 0 | IUIS |
Quels sont les allergènes importants ?
Le groupe 1 (Bla g 1, Per a 1) :
Il n’a pas été trouvé de fonction biochimique pour ces allergènes jusqu’à présent.
Une petite homologie (27-32% ) avec une protéine ANG12 du moustique Anopheles gambiae et, comme cette dernière, Bla g 1 et Per a 1 auraient une origine intestinale.
De fait, on a montré la présence de Bla g 1 dans les excréments de blatte et la production de Bla g 1 semble varier parallèlement à la prise alimentaire.
Les femelles produisent environ 6 fois plus de Bla g 1 que les mâles et environ 30 fois plus que les nymphes .
Bla g 1 et Per a 1 sont formés de 2 duplex d’acides aminés similaires. Ils ont de 77 à 85 % d’identité entre eux, selon leurs différentes isoformes .
Certains auteurs estiment que les réactions croisées entre B. germanica et P. americana sont essentiellement dues à Bla g 1 et Per a 1 .
Ce sont les concentrations de Bla g 1/Per a 1 par gramme de poussière qui servent à définir les seuils sensibilisants (2 U/g) et asthmogène (8 U/g) pour l’exposition indoor aux blattes.
On estime à 25-50 % la prévalence de positivité pour Bla g 1 chez les sujets allergiques à B. germanica. Elle est plus élevée souvent pour Per a 1 : de 54 à 77%, selon les isoformes .
Le groupe 2 (Bla g 2, Per a 2) :
Ces allergènes lient le zinc et ont une structure les classant dans les aspartate protéases. Cependant ils n’ont pas (ou extrêmement peu ) d’activité protéasique.
Per a 2 n’a été que récemment découvert. Le % d’identité entre Bla g 2 et Per a 2 est faible (44 %) .
Bla g 2 est puissamment allergisant .
Son origine dans la blatte est probablement digestive.
De 55 à 80 % des sujets allergiques à B. germanica sont positifs pour Bla g 2 .
Les réactions croisées de Bla g 2 avec des aspartate protéases d’autres organismes sont à exclure car les % d’identité sont trop faibles .
Le groupe 3 :
On n’a pas trouvé d’équivalent à Per a 3 dans B. germanica pour le moment. Per a 3 a une origine digestive .
La fonction biochimique de Per a 3 est inconnue : une petite homologie (20-36%) a été notée avec des protéines d’hémolymphe d’insectes (ex arylphorines, hémocyanines) .
Per a 3 se présente sous la forme d’hexamères, lesquels montrent une activité dégranulante plus grande que les monomères .
Per a 3 possède des variants très différents les uns des autres (de 46 à 75 kD) : en tests cutanés ils ont une réactivité très différente aussi, de sorte que la prévalence de positivité pour Per a 3 va de 27 à 95 % parmi des sujets allergiques à P. americana .
Le groupe 4 :
Bla g 4 est une lipocaline produite par les blattes mâles.
Prévalence de positivité 20-60 %.
Pas de réactivité croisée avec d’autres lipocalines (chien, lait, etc…) du fait du trop faible niveau d’identité avec celles-ci (19-24 %) .
Le groupe 5 :
Bla g 5 appartient à la famille des glutathion-S-transférases (GST). Ces enzymes sont très hétérogènes et l’on les distingue en plusieurs classes de GST : Bla g 5 est une sigma GST.
Avec Bla g 2, Bla g 5 est souvent présenté comme parmi les allergènes les plus importants dans B. germanica. Cependant, la prévalence de positivité est assez variable d’unpays à un autre (20 à 70 %) .
Du fait de la fréquence des double réactivités acarien/blatte, la présence d’une GST dans D. pteronyssinus a soulevé la question d’une réaction croisée acarien/blatte par le biais de GST.
Cependant le pourcentatge d’identité entre Bla g 5 et Der p 8 n’est que de 27 % . Il semble peu probable qu’une réactivité croisée ait lieu entre ces 2 allergènes .
Le groupe 6 :
Ce sont des troponines C. Selon les isoformes, l’identité entre Bla g 6 et Per a 6 varie de 69 à 91%. L’IgE-réactivité de ces allergènes est moindre en l’absence de calcium (ex. dans les extrait ?) . Peu de données sur la prévalence de positivité (14% ).
Le groupe 7 :
Il comprend les tropomyosines des blattes.
Des réactions croisées à l’intérieur du groupe 7 sont à prévoir (plus de 95 % d’identité). Elles peuvent s’étendre à des tropomyosines de crustacés .
Pour les acariens, des résultats peu probants ont été obtenus :
- D. pteronyssinus ou D. farinae inhibent B. germanica ou P. fuliginosa ; mais la tropomyosine Per f 7 n’inhibe D. farinae que partiellement (cf. Blattes et acariens).
La prévalence de positivité pour les tropomyosines de blattes est de 10-15 % en Europe et aux USA alors qu’elle est de 50-55 % en Afrique et au Brésil. Les helminthes ayant des tropomyosines allergisantes, la relation parasitose/sensibilisation aux blattes a été soulevée (cf. Blattes et parasitose) .
Le groupe 8 :
Une sous-unité de myosine est IgE-réactive dans B. germanica. Dénommé Bla g 8, cet allergène présente une homologie modérée avec Lit v 3 qui est aussi une chaîne légère de myosine dans la crevette Litopenaeus vannamei (une crevette produite notamment en aquaculture) .
Le groupe 9 :
Ce sont des arginine kinases et donc des protéines musculaires comme le groupe 7 et le groupe 8. La réactivité croisée des arginine kinases de blattes avec celles de crevette n’a été montrée à l’heure actuelle qu’avec un anticorps monoclonal (pas avec des IgE de patients).
Néanmoins, les arginine kinases sont, comme les tropomyosines, fortement homologues (ex. 97% d’identité entre Per a 9 et Bla g 9 ) et seraient de bons candidats à une réactivité croisée balttes-crevettes, voire plus généralement à participer à un groupe de panallergènes d’arthropodes .
Le groupe 10 :
Des sérines protéases ont montré leur IgE-réactivité dans P. americana et B. germanica. Elles ont une homologie modérée avec les sérine protéases composant le groupe 3 des acariens (42-57% d’identité ). Mais elles semblent mieux résister que ces dernières à la chaleur .
Autres protéines IgE-réactives :
Une seconde glutathion-S transférase, de la classe delta cette fois, a été montrée IgE-réactive chez environ 15% des patients. Cette enzyme de B. germanica n’a, en fait, que 15% d’identité avec l’autre GST (Bla g 5) et ne croise pas avec elle .
Une troponine T (et non C comme celles du groupe 6) a été trouvée IgE-réactive chez 17% de patients allergiques à P. americana .
On le voit, le catalogue des allergènes de blattes est large. Comme pour d’autres arthropodes dont l’allergénicité se manifeste par inhalation de protéines aérosolisées, ce sont souvent des particules émanant de débris de blattes qui portent les allergènes. Il n’est donc pas surprenant que, parmi les allergènes de blattes, on retrouve nombre de protéines participant à la fonction musculaire : tropomyosines, troponines, arginine kinases.
Blattes et activité pro-inflammatoire des allergènes
On sait à présent que si les allergènes du groupe 2 des blattes (ex. Bla g 2) sont à peu près dépourvus d’activité protéasique, d’autres protéines sont des protéases et pourraient jouer un rôle similaire à celui remarqué pour les acariens.
En gel bidimensionnel, 10 spots ont une activité protéasique dans un extrait de B. germanica . Même si 1 seul d’entre eux correspond à un allergène connu, la possibilité d’une action pro-inflammatoire des poussières inhalées de blatte est réelle.
De fait, la sérine protéase isolée de B. germanica par l’équipe de Pomés n’est pas IgE réactive.
Plusieurs travaux ont montré in vitro une action des extraits de blatte sur le récepteur PAR-2 avec activation des éosinophiles , libération d’IL8 , augmentation de la perméabilité épithéliale bronchique ou action sur le remodelage des voies aériennes .
Cette activité pro-inflammatoire pourrait contribuer au pouvoir asthmogène de l’exposition aux poussières de blattes.
Blattes et acariens
Les sujets positifs pour B. germanica sont très souvent positifs aussi pour D. pteronyssinus . Il en est de même pour P. fuliginosa et D. farinae au Japon .
La fréquence des tests cutanés positifs pour D. pteronyssinus a été trouvée doublée en Scandinavie (36 % vs 17 %) chez les sujets qui étaient positifs en TC pour B. germanica .
En Croatie, des TC+ pour B. germanica étaient très souvent accompagnés de TC positifs pour des acariens de stockage . Cette relation entre acariens de stockage et positivité pour acariens domestiques et/ou blattes a aussi été évoquée en Islande .
Face a un résultat positif pour une blatte et pour un acarien, la question est de savoir si cela provient d’une double sensibilisation ou d’une seule sensibilisation à laquelle s’ajoute une réactivité croisée. Dans le cas d’espèce, ce pourraient être les acariens qui induisent une réactivité aux blattes. Ainsi :
- 19% d’allergiques aux acariens présentaient un TC positif pour B. germanica dans une étude menée au Portugal
- et plusieurs travaux ont montrait que D. pteronyssinus inhibait B. germanica ou que D. farinae inhibait P. fuliginosa . Dans la mesure où l’inhibition inverse était plus difficile, cette dissymétrie pourrait indiquer l’initiateur de la sensibilisation, donc ici les acariens.
Cependant, la présence de blattes dans la maison peut contribuer à augmenter la fréquence des TC positifs pour D. pteronyssinus :par exemple, 30 % vs 20 % en l’absence de blatte .
Aussi, Pomés et Sidenius favorisent l’hypothèse d’une double exposition et d’une double sensibilisation. Et Arruda estime que la relevance clinique d’une relation acariens-blattes n’est pas démontrée .
Cela n’exclut pas une part de réactivité croisée.
Les tropomyosines sont les allergènes qui ont le plus de chances d’être responsables de ces RC du fait des bons pourcentages d’identité entre les tropomyosines :
- 25 % des sujets positifs pour P. americana et D. pteronyssinus (USA) étaient positifs pour rPer a 7.Et une bonne corrélation a été notée entre rPer a 7 et rDer p 10 (r = 0,90) .
- dans une série de 13 patients Martiniquais, avec asthme/rhinite et allergie aux crustacés, 10 sujets étaient positifs pour Der p10 et cinq pour Bla g 7 .
- dans une étude en Louisiane portant sur 54 patients allergiques aux crevettes, il a été relevé 77% de TC positifs pour les acariens et 56% pour la blatte .
On voit que là où une exposition significative aux acariens et aux blattes s’accompagne d’une alimentation riche en Crustacés, il sera bien difficile de démêler réactivité croisée à des tropomyosines et sensibilisation réelle aux blattes. Et ce problème se complique encore dans les zones d’endémie de parasitose.
Blattes et parasitoses
Plusieurs études ont montré un décalage important de positivité entre Europe/USA et Afrique/Amérique du sud pour les tropomyosines de blattes.
Sachant que les tropomyosines d’ascaris sont relativement homologues (69-74 % d’identité) de celles de blattes, la question d’un effet de la parasitose sur la réactivité et/ou l’allergie aux blattes a été soulevée.
Chez des sujets Brésiliens avec asthme/rhinite, la mesure in vitro de différents recombinants de P. americana a montré que rPer a 7 (tropomyosine) est, de loin, l’allergène le plus souvent positif (42 % des sujets).
Dans le même temps la tropomyosine d’ascaris était positive chez 51 % des sujets .
Des résultats similaires ont été notés dans d’autres cohortes , avec une bonne corrélation entre les résultats in vitro pour Bla g 7 ou Per a 7 et ceux pour la tropomyosine d’ascaris.
La fréquente positivité pour une tropomyosine de blatte (Bla g 7 et/ou Per a 7) est-elle la simple conséquence d’une réaction croisée avec la tropomyosine d’ascaris en zone d’endémie ?
Arruda retient la possibilité d’une sensibilisation aux blattes favorisée, chez certains sujets, par une sensibilisation initiale aux tropomyosines parasitaires . Mais l’incidence ou la sévérité de l’asthme n’était pas corrélée avec le degré de réactivité aux tropomyosines dans une étude d’enfants Brésiliens .
Blattes et difficultés diagnostiques
Les extraits de blattes ne sont pas parfaits.
Leurs contenus sont variables d’un fabricant à un autre et ils sont susceptibles de se dégrader du fait des protéases .
Il a été noté aussi qu’il fallait veiller à éviter les contaminations des matières premières par des acariens présents dans les cultures de blattes .
Enfin, il est possible que l’extraction des allergènes soit incomplète : en partant de blattes lyophilisées, on a pu montrer un nombre plus élevé de bandes IgE réactives que dans les extraits commerciaux (22 au lieu de 6-11) .
Des essais préliminaires ont été entrepris pour valider l’utilisation de recombinants de blatte chez des enfants Brésiliens : rBla g 2, g 4, et g 5 et rPer a 7 (mais pas rPer a 1) étaient significativement associés à un wheezing ; de meilleurs résultats étaient cependant obtenus avec les recombinants de D. pteronyssinus . Des progrès restent donc à faire.
Blattes et CCD
(voir aussi : Les CCD)
Peu de travaux ont abordé la question :
- un anticorps monoclonal a détecté une N-glycosylation sur Bla g 2 . Mais cela ne signifie pas que cette dernière soit IgE-réactive chez l’Homme.
- pourtant, à partir d’une banque de sérum, des auteurs suédois ont montré que les sujets présentant un résultat pour la blatte germanique supérieur à celui pour D. pteronyssinus et la crevette étaient très souvent positif pour le test MUXF3 (glyco-épitopes de broméline) .
- Un sérum ayant 65 kU/l pour la blatte germanique et > 100 kU/l en MUXF3 a été étudié. Ce sérum n’était pas positivé par Bla g 7 (tropomyosine) puisqu’une inhibition par rPen a 1 ne montrait aucune baisse du résultat pour la blatte.
- Par contre, la broméline faisait chuter de 98 % le résultat de la blatte.
- Et de même, chez un patient pollinique, allergique aux acariens et à l’abeille, le pollen de bouleau et l’abeille (mais pas D. pteronyssinus) inhibaient B. germanica
Des résultats similaires ont été obtenus avec une technique permettant de capturer les IgE anti-glycanes .
Il paraît donc recevable de considérer que les IgE anti-CCD de végétaux et/ou d’Hyménoptères peuvent parfois perturber les tests in vitro pour les blattes.