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Abeilles, guêpes, frelons
Friday 7 May 2010, by
Les questions concernant l’épidémiologie des réactions aux venins d’Hyménoptères, ainsi que la conduite générale et le suivi de l’immunothérapie spécifique ne sont pas abordées ici (cf. , par exemple).
On peut signaler toutefois qu’en dehors des réactions par piqûre les Hyménoptères peuvent susciter des formes d’allergie respiratoire .
Il a été rapporté aussi des observations d’allergie alimentaire avec des vins jeunes où la présence d’allergènes d’Hyménoptères a été suspectée . Le cas du miel est abordé ailleurs.
Abeilles, guêpes, frelons : classification
Il existe de très nombreuses espèces d’Hyménoptères. Celles qui ont été étudiées sont avant tout les espèces sociales. Mais des insectes non sociaux peuvent piquer aussi.
Les Hyménoptères qui intéressent l’allergologie sont, les fourmis mises à part, des Apides et des Vespides.
Les espèces rencontrées en Europe diffèrent souvent de celles vivant en Amérique sur le plan immunologique et les tests diagnostiques avec des extraits d’insectes locaux sont à préférer.
Les dénominations anglo-saxonnes prêtent en partie à confusion.
Français | Anglais US | Anglais UK | Espèces | |
Apides _ |
Abeilles | Honeybees | Honeybees | Apis mellifera
Apis cerana (As) A. mellifera scutellata (Am) |
Bourdons | Bumblebees | Bumblebees | Bombus terrestris (E)
Bombus pennsylvaticus (Am) | |
Vespides | Guêpes | Paper wasps | Wasps | Polistes (AM) = exclamans, apachus, fuscatus, annularis,… Polistes (E) = dominulus, gallicus, nimpha,… |
Guêpes | Yellow jackets | Wasps | Vespula (Am) = maculifrons, flavopilosa, squamosa, vidua, vulgaris, etc...
Vespula (E) = vulgaris, germanica, rufa, … | |
Guêpes | Wasps | Dolichovespula (E) = media, sylvestris, saxonica, … | ||
Frelons | Hornets | Dolichovespula (Am) = arenaria, maculata | ||
Frelons | Hornets | Hornets | Vespa (E) = crabro, orientalis
Vespa mandarinia (Am), … | |
L’identification de l’insecte piqueur par sa victime ou son entourage pose souvent des difficultés.
Les guêpes Polistes sont cependant absentes ou rares dans l’Europe du Nord et les îles britanniques. Ces guêpes sont prévalentes sur le pourtour méditerranéen.
L’abeille charpentière (Xylocopa spp.) ne pique habituellement pas : 2 cas d’anaphylaxie ont été récemment rapportés, sans que la nature des allergènes de ce venin soit identifiée .
Les allergènes des Apides et des Vespides
Les venins d’hyménoptères ont des contenus pour partie homologues entre eux. Cependant, certains allergènes ne sont présents que dans certains venins et pourraient aider à caractériser l’insecte piqueur.
Les allergènes principaux sont des phospholipases (A1 et A2) des hyaluronidases et des protéines dites "Ag 5" (pour Antigène 5) appartenant à une large famille dont la fonction biochimique est mal cernée (cf. All Fam).
La dénomination IUIS des allergènes suit plus ou moins la classification en familles moléculaires :
- le groupe 1 pour les phospholipases A1 (PLA1) et les phospholipases A2 (PLA2),
- le groupe 2 pour les hyaluronidases,
- le groupe 3 pour les phosphatases acides ... mais Ves v 3 (guêpe Vespula vulgaris) est une dipeptidyl-peptidase !
- le groupe 4 pour les sérine protéases ... bien que la mellitine d’abeille soit dénommée Api m 4 et que la sérine protéase d’abeille soit Api m 7 !
- le groupe 5 pour les Ag 5.
Présence/absence des principaux allergènes :
Abeilles | Bourdons | Guêpes | Frelons | |||
Polistes | Vespula | Dolichovespula | Vespa | |||
Phospholipases A2 | X | X | ||||
Phospholipases A1 | X | X | X | X | ||
Hyaluronidases | X | X | X | X | X | X |
Phosphatases acides | X | X | ||||
Sérine protéases | X | X | X | |||
Ag5 | X | X | X | X |
Les allergènes d’hyménoptères d’une même famille moléculaire n’ont pas toujours un pourcentage d’identité élevé : de la sorte, les réactions croisées entre abeilles et vespides, ou entre espèces européennes/américaines seront inconstantes :
- Groupe 1 : environ 55 % d’identité entre abeilles et bourdons ; un peu plus entre Vespula et Dolichovespula, sachant que cette homologie somme toute modérée se retrouve également entre isoformes (ex. 67% entre Dol m 1.01 et Dol m 1.02 .
Bien sûr, les phospholipases A2 des Apides sont très différentes des phospholipases A1 des Vespides : pas de croisement. - Groupe 2 : environ 45-50 % d’identité entre abeilles et vespides
- Groupe 5 : moins de 70 % d’identité entre Vespula et Polistes ou Dolichovespula. Les Ag5 des Dolichovespula sont nettement séparés de ceux des frelons Vespa et des guêpes Vespula .
On a montré la présence de protéines IgE-réactives également dans le venin de guêpes Polybia : une PLA1 et une Ag5 .
D’autres allergènes ont été caractérisés dans le venin d’abeille : une dipeptidyl-peptidase (Api m 5) , un inhibiteur trypsique (Api m 6), une carboxylestérase (Api m 8) , une arylphorine et une protéine nommée icarapine qui possède des homologues dans d’autres insectes (ex. moustiques) .
Nombre des allergènes de guêpe et d’abeille ont été clonés et des recombinants ont été produits , etc..
Les venins d’hyménoptères contiennent, en plus des allergènes protéiques, des molécules de faible PM jouant un rôle additionnel dans la réaction d’hypersensibilité :
- de l’histamine
- des petits peptides, avec activité dégranulante par exemple : mellitine (abeilles), bombolitines (bourdons), mastoparan (vespides), etc…
- la mellitine est IgE-réactive (sans grande différence entre allergiques et non allergiques )
L’activité enzymatique de la PLA2 d’abeille (Api m 1) participerait à la l’activation de la réponse Th2 .
De nombreux allergènes sont glycosylés (PLA2, hyaluronidases, phosphatases acides, ...), générant une éventuelle IgE-réactivité glucidique.
Müller évoque la possibilité que nApi m 1 soit parfois contaminé par d’autres protéines .
A retenir principalement : les PLA2 sont dans les venins d’Apides mais pas dans ceux de Vespides ; et l’inverse pour les allergènes Ag5. Cela a un intérêt en cas de double positivité abeille-guêpe.
Diagnostic d’allergie aux Hyménoptères
(hormis fourmis)
Il est d’abord clinique : anamnèse, présence ou non d’un dard laissé dans la peau, saison, activité lors de la piqûre, etc... De l’étendue et de la sévérité de la réaction vont dépendre la conduite d’une investigation ou non, d’une immunothérapie ou non.
L’indication d’immunothérapie (IT) étant à priori réservée aux réactions systémiques, l’exploration visera :
- à confirmer la nature IgE-médiée de la réaction clinique, notamment en cas d’IT projetée
- à identifier si possible l’insecte responsable de la piqûre et/ou de la sensibilisation du patient.
Bien que les réactions croisées entre hyménoptères soient partielles et/ou variables, l’hypothèse d’une réelle double sensibilisation (ex. abeille et vespula) sera a priori rejetée au profit d’une sensibilisation vis à vis d’une sorte d’insecte plus une réactivité induite pour l’autre hyménoptère.
Tests cutanés
Ils sont la base du diagnostic. Les prick tests manquent de sensibilité et les intradermo-réactions (IDR) sont préférées.
Dans la mesure où il n’existe pas de diagnostic de référence, la spécificité des IDR est difficile à évaluer.
- A la plus forte concentration (1µg/ml), une réaction de type toxique n’est pas exclue . Golden a récemment proposé l’utilisation d’extraits dialysés permettant, par l’élimination de contaminants, d’élever la concentration maximale utilisable jusqu’à 10 µg/ml <10410>.
- La répétitivité des résultats d’IDR n’est pas optimale : elle a été mesurée à 66 % par Graif .
- Par ailleurs le résultat de l’IDR, comme celui des autres tests diagnostiques exposés plus loin, n’a de valeur que qualitative : présence d’une réactivité IgE-médiée corroborant une histoire clinique. Mais il n’y a pas de corrélation avec la sévérité de la réaction , avec le risque futur d’une réaction sévère, avec l’efficacité de l’IT, etc.…. .
Certaines équipes effectuent des piqûres-tests, sorte de tests de provocation réalistes. Ces challenges ne sont pas sans danger, sont peu reproductibles et n’apportent pas un gain sur le plan prédictif .
Les résultats des tests cutanés, tout comme ceux des tests in vitro (CAP, BAT), ne sont pas corrélés avec la gravité, passée ou future, de la réaction clinique après piqûre.
Tests cellulaires
Des tests cytométrie de flux avec activation du CD63 ou du CD203 des basophiles ont été prônés par plusieurs équipes , avec l’intention d’éviter les problèmes liés aux CCD.
Des résultats intéressants ont été obtenus mais l’EAACI considère que la technique n’est pas encore assez validée . Il faut, par exemple, prendre des précautions pour ne pas induire des réponses positives par un mécanisme non IgE-dépendant .
Tests sériques
Les tests sériques peuvent explorer la réactivité IgG ou la réactivité IgE. S’agissant des IgG, leur utilité n’est pas démontrée .
Les IgE sont, elles, largement employées pour l’établissement du diagnostic. A noter que l’élévation des IgE totales est plus corrélée avec l’état atopique du patient qu’avec sa réactivité propre aux hyménoptères .
Ces tests (RAST, CAP) complètent les renseignements fournis par l’IDR .
Les tests in vitro pour les guêpes Vespula et Poliste sont des mélanges de quelques venins. Par exemple, Vespula vulgaris, germanica et maculifrons pour le CAP Vespula (i3).
Les réactivités croisées entre espèces de Vespula sont sub-optimales et le mélange permet d’obtenir un large panel d’épitopes.
Pour autant, des différences existent entre les espèces américaines et les espèces européennes. Il est possible, et a priori plus pertinent, de tester Polistes dominulus pour les patients européens.
Le principal défaut des IgE pour les venins d’hyménoptères est leur manque de spécificité : des résultats positifs sont obtenus du fait de réactivités croisées. Deux types de réactions croisées sont possibles (et peuvent se cumuler) :
- le patient est positif pour un insecte alors qu’il a été piqué (et s’est sensibilisé) pour un autre insecte.
- le patient a des résultats in vitro positifs du fait de la présence d’IgE anti-CCD.
Les questions des doubles positivités et des CCD sont abordées plus loin.
Il est clair que l’avenir des tests in vitro passe par l’utilisation d’allergènes recombinants non glycosylés. Quelques travaux ont été publiés en ce sens . A l’heure actuelle, il est possible de tester en CAP rApi m 1 (abeille), rVes v 5 (guêpe Vespula) et rPol d 5 (guêpe Poliste).
Immunothérapie spécifique
Le choix de l’insecte est important car la réactivité croisée est incomplète :
- entre guêpes Vespula et Polistes
- entre espèces américaines et espèces européennes de Polistes , avec échec possible de l’IT
- entre frelon (V. crabro) et guêpes Vespula chez 1/3 des patients
- et l’abeille serait insuffisante pour une désensibilisation vis-à-vis du bourdon
Souvent, l’identification exacte de l’insecte par le patient n’est pas fiable. Aussi, en plus de tester l’insecte le plus pertinent (ex. Polistes dominulus plutôt qu’un mélange de Polistes américaines), il s’agira de résoudre au mieux les fréquentes doubles positivités : y a-t-il eu véritable sensibilisation aux 2 insectes ? Ou bien s’agit-il d’une réaction croisée pour l’un d’eux ?
Les critères de suivi et de décision d’arrêt de l’IT tiennent compte de plusieurs paramètres au sein desquels l’évolution des TC, des CAP ou des IgG4 n’apportent qu’une réponse fragmentaire . Il est rare que TC et CAP deviennent négatifs.
Au cours du suivi de l’IT, l’intérêt apporté par des tests cellulaires comme le BAT est discuté : efficaces pour certains auteurs , ces tests ne sont pas meilleurs que les CAP pour d’autres experts .
Doubles positivités
Dans la mesure où les tests in vitro font partie des éléments du diagnostic et de la prise en charge du patient, ces tests doivent avoir la plus grande spécificité possible.
Notamment si une immunothérapie (IT) est décidée.
Il s’agit en effet, dans l’idéal, de ne désensibiliser qu’avec le venin de l’insecte impliqué dans les réactions du patient.
Or, les véritables doubles sensibilisations sont rares tandis que les doubles positivités abeille-guêpe sont courantes :
- elles sont rencontrées chez 10 à 20% des personnes positives pour un hyménoptère dans la population générale
- dans le cas d’une exploration après réaction systémique ces taux montent à 30-50 % , voire 70% .
En dehors d’un contexte professionnel, l’identité de l’insecte responsable est souvent sujette à caution . De plus, la réactivité croisée entre allergènes homologues dans divers venins peut positiver non seulement les tests in vitro mais aussi les tests cutanés.
Il s’agit de différencier abeille et guêpes principalement.
Diverses techniques ont été proposées pour être en mesure de désigner l’insecte coupable et l’insecte croisant :
- l’évolution quantitative des résultats in vitro dans le mois qui suit la piqûre .
- des tests d’inhibition réciproque , avec l’espoir de trouver qu’un insecte inhibe beaucoup mieux l’autre insecte que l’inverse.
Ces techniques souffrent de nombreuses limitations :
- La proportion des cas restant non résolus est élevée
- Il faut une réactivité minimale in vitro pour que les tests d’inhibition soient fiables
- Les critères décisionnels permettant de décider de l’insecte responsable semblent plutôt subjectifs dans les travaux publiés et seraient difficilement transposables en pratique.
- enfin, et cela est un défaut majeur des tests d’inhibition réciproque, la présence d’IgE anti-CCD n’a pas été prise en compte.
Faute de critères objectifs disponibles, l’EAACI a publié des recommandations concernant le choix du (ou des) venin(s) en vue d’une désensibilisation :
- double positivité abeille et bourdon : chez un sujet professionnellement exposé aux bourdons désensibiliser avec le bourdon, sinon avec l’abeille.
- double positivité Vespula et Polistes : désensibiliser avec Vespula sauf dans les régions où les guêpes Polistes sont très présentes (ex pourtour méditerranéen).
- Dans ce dernier cas un mélange Vespula + Polistes sera utilisé, à moins d’une inhibition réciproque très évocatrice d’un insecte plus que de l’autre.
- double positivité Vespula et frelon : la sensibilisation est le plus souvent due à Vespula et l’IT sera effectuée avec un extrait de Vespula.
- double positivité abeille et guêpe Vespula et/ou Polistes : ici les choses se compliquent.
- L’EAACI propose d’effectuer des tests d’inhibition réciproque et d’utiliser un mélange de venins si ces tests ne sont pas discriminants.
- Cependant, il n’est pas donné de critères pour l’interprétation de ces tests, de sorte qu’une large place est laissée à un jugement subjectif.
- Par ailleurs ces tests ne solutionnent pas la question des IgE anti-CCD.
A ce sujet, Hemmer a montré que chez des patients doublement positifs la réactivité pour l’abeille du seul fait de CCD pouvait être recherchée en pratiquant des inhibitions d’immuno-blot avec le pollen de colza ou avec MUXF (glycopeptides de broméline) . Cette approche est intéressante mais lourde à mettre en oeuvre. Une technique directe serait préférable .
Une grande partie des difficultés suscitées par les doubles positivités in vitro est résolue par la possibilité très récente de pouvoir tester des allergènes spécifiques d’abeille ou de guêpe (cf. L’apport de l’allergologie moléculaire).
Bilan diagnostique négatif malgré une histoire clinique positive
Golden estime à 1 % les cas de réactions systémiques aux venins d’hyménoptères avec bilan diagnostic négatif (IDR, CAP) .
Plusieurs pistes peuvent alors être évoquées :
- le délai entre la piqûre et le bilan est trop court (période réfractaire) ou trop long . La négativation des tests diagnostiques est lente à s’établir au fil du temps. Cependant, 30 % des tests cutanés sont devenus négatifs 2 ans après piqûre et 50 % après 3 ans .
- L’insecte testé est inadapté : c’est le cas pour les espèces américaines de bourdons ou de guêpes Polistes chez des patients piqués par un insecte européen .
- L’insecte piqueur peut aussi être un aculéate non social. Il en existe de très nombreuses espèces, souvent confondues avec les Vespides .
- Il est possible qu’une fraction des allergies aux venins d’hyménoptères soit non IgE-médiée
- La plupart des discordances avec clinique positive et bilan négatif ne semblent pas provenir de la présence d’une mastocytose : Rueff ne trouve aucune tryptase élevée parmi 19 cas de bilan négatif .
De l’avis des experts de l’EAACI, il ne faut pas cependant considérer les patients avec bilan négatif sans risque de récidive de réaction systémique .
Renouveler le bilan à distance peut, dans certains cas, s’avérer utile. La pratique de piqûres-challenge n’est pas recommandée.
Hyménoptères et CCD
(voir aussi: Les CCD)
A quoi est due cette réactivité pour des épitopes glucidiques ?
A la présence de glycoprotéines arborant un fucose 1,3 sur leurs chaînes glucidiques.
Cette IgE-réactivité glucidique n’est pas restreinte aux seuls allergènes dans l’extrait. Ceci étant, les allergènes susceptibles de générer une telle réactivité sont notamment :
- les PLA2 de l’abeille et des bourdons
- les hyaluronidases (tous les venins d’hyménoptères)
- les sérines protéases (abeille, bourdons, guêpes Polistes)
- les phosphatases acides d’Apides
- -* les dipeptidyl-peptidases (abeille, guêpes Vespula)
L’homologie entre chaînes glucidiques entraîne des réactions croisées
- entre les venins eux-mêmes
- entre les pollens et les venins
- entre le latex et les venins
Il est d’ailleurs à remarquer que cette réactivité croisée joue dans les 2 sens : positivité exagérée pour les venins d’hyménoptères chez des sujets polliniques ; mais aussi positivité pour des pollens chez des sujets non polliniques mais allergiques aux hyménoptères .
Quelles conséquences ont les CCD sur le diagnostic ?
Les IgE anti-CCD n’ont, a priori, pas d’impact in vivo. La positivité in vitro qu’elles entraînent constitue donc une fausse piste pour le diagnostic. En dehors des pollens et du latex, la présence d’IgE anti-CCD pose un problème important dans l’allergie aux Hyménoptères car elle est responsable d’un grand nombre de doubles positivités.
Quelques chiffres permettent de situer l’importance du problème :
- 10 des 11 sujets positifs en CAP pour abeille et guêpe étaient trouvés positifs en CAP pour la broméline. A contrario, aucun des mono-positifs abeille ou guêpe n’était positif pour la broméline .
- Les glycopeptides de broméline (MUXF-BSA) inhibent l’abeille chez 50 % des sujets doublement positifs et positifs en CAP pour le pollen de colza (pris comme un signe de réactivité CCD pollinique) .
- La positivité pour le pollen de colza et/ou la broméline et/ou la peroxydase de raifort (HRP) est retrouvée chez environ les ¾ des patients doublement positifs abeille et guêpe .
- la présence d’IgE anti-CCD a été retrouvée chez 11 % de sujets allergiques à la guêpe, 23 % de sujets allergiques à l’abeille, 47 % de sujets allergiques à ces 2 insectes, et 43 % de sujets allergiques au bourdon .
- La réactivité pour des allergènes non glycosylés (PLA1, Ag5) est équivalente entre des sujets sensibilisés à l’abeille et Vespula et des sujets mono-vespula. Mais la réactivité pour les hyaluronidases est très nettement plus fréquente (77 %) chez les sujets abeille + vespula que chez les mono-Vespula (17 %).
Comment procéder en cas de double positivité abeille-guêpe
Montrer la présence d’IgE anti-CCD avec un test du type broméline ou HRP est une première étape mais ne suffit pas pour désigner l’insecte sensibilisant unique éventuel : en effet, on ne peut retrancher du CAP pour l’hyménoptère le résultat pour la broméline ou l’HRP du fait qu’il n’existe aucun parallélisme entre ces tests (ni entre différents CAP, d’une façon générale).
Il a été proposé de tester la réactivité restante pour chacun des venins après inhibition par l’HRP ou par un mélange de broméline et d’HRP .
Pour les tests d’inhibition réciproque, il serait indispensable d’effectuer au préalable un épuisement des IgE anti-CCD dans le sérum. Jusqu’à présent, aucun travail n’a vérifié ce point, mais il est probable que la différenciation entre le venin sensibilisant et le venin croisant serait beaucoup plus aisée si le sérum ne contenait plus d’IgE anti-CCD.
A souligner : la présence d’IgE anti-CCD n’est pas synonyme d’une fausse double positivité systématique.
- Dans leur large étude de patients allergiques aux hyménoptères, Kochuyt et coll. ont montré qu’environ la moitié des sujets doublement positifs en IDR et positifs en IgE anti-CCD ont bien une histoire de double contact.
- L’écart entre les sujets positifs en CCD et les sujets négatifs en CCD est plus faible, mais non effacé, en IDR :
Double positivité | ||
---|---|---|
En CAP | En IDR | |
Présence d’IgE anti-CCD | 93 % des sujets | 76 % |
Absence d‘IgE anti-CCD | 13 % | 32 % |
Le problème des positivités in vitro induites par la présence d’IgE anti-CCD souligne d’autant plus le risque généré par l’abaissement à 0,10 kU/l de la limite technique du CAP : par exemple, dans une étude (qui vantait l’intérêt de ces taux bas) il a été trouvé 8 sujets avec CAP abeille et 10 sujets avec CAP guêpe Vespula entre 0,1 et 0,35 kU/l parmi les 12 contrôles (atopiques) .
Enfin, il n’est pas exclu qu’une partie de la réactivité cellulaire mette en jeu des glyco-épitopes . Le mode de sensibilisation vis à vis des venins d’hyménoptères est en effet très différent de celui des pollens.
L’apport des allergènes recombinants dans les doubles positivités
Pour affiner le diagnostic quand on est en présence d’une double positivité in vitro, il est dorénavant possible d’utiliser un couple de recombinants (non glycosylés …), l’un spécifique des Apides (ex. rApi m 1) et l’autre spécifique des Vespides (ex. rVes v 5).
Cette combinaison a montré son efficacité pour discerner les vraies doubles sensibilisations . Dans cette étude menée en Suisse, elles étaient au nombre de 34 parmi 200 patients, comme le montre le tableau ci-dessous :
Abeille | Guêpe | |
---|---|---|
Insecte selon les patients | 100 | 100 |
Positifs en IDR à 10-4 | 26 pour la guêpe | 39 pour l’abeille |
Avec un CAP > 0,7 kU/l | 50 pour la guêpe | 41 pour l’abeille |
CAP broméline positif | 52 | 13 |
rApi m 1 positif | 96 | 17 |
rVes v 5 positif | 17 | 96 |
Plus récemment, 2 études ont confirmé l’intérêt de cette approche : il a ainsi été conclu à 27% de vraies doubles sensibilisations dans l’une et 7% dans l’autre .
Il est à noter que même dans les cohortes où la suspicion de l’insecte sensibilisant était basée sur une exploration très rigoureuse une fraction des patients s’avère donc avoir été en contact avec les 2 sortes de venins, contact sensibilisant mais probablement passé inaperçu ou oublié.
Pour le moment, il est possible de tester en CAP rApi m 1 ainsi que rVes v 5 (Vespula) et rPol d 5 (Polistes). Le choix de rPol d 5 plutôt que rVes v 5 sera guidé par l’écologie régionale des Vespides.
La disponibilité de ces recombinants résoud-elle complètement le problème des doubles positivités ? Non, car certains patients sont positifs pour la guêpe du fait d’une sensibilisation autre que le groupe 5, par exemple le groupe 1.
Les dipeptidyl-peptidases, présentes à la fois chez les Apides et chez les Vespides (et de plus glycosylées), pourraient aussi contribuer à limiter l’efficacité d’une démarche basée sur seulement rApi m 1, rVes v 5 / rPol d 5.
Malgré tout, l’apport de ces 3 allergènes recombinants est indiscutable. Et il convient de donner priorité à ces tests plutôt qu’à une recherche d’IgE anti-CCD devant une double positivité non résolue :
- si l’on cumule les 3 études citées plus haut (320 patients au total), 44% des patients présentaient une double positivé abeille/guêpe in vitro
- ces doubles positivités n’étaient pas toutes dues à une IgE-réactivité anti-CCD : seulment env. 35% d’entre elles
- il y avait donc, en théorie 44%x(100-35)% = 29% de doubles positifs par double sensibilisation
- et, de fait, ce chiffre moyen de 29% de doubles sensibilisations est retrouvé en cumulant les 3 études
- On peut donc estimer que l’approche moléculaire rApi m 1/rVes v 5 apporte une clarification efficace des doubles positivités.
Venins d’hyménoptères et latex
Existe-t-il une réactivité croisée entre hyménoptères et le latex ?
Mahler note 14 % de CAP latex positifs parmi 125 allergiques aux hyménoptères ; et, inversement, 70 % de CAP positifs abeille et/ou guêpe parmi 30 allergiques au latex.
Jappe a étudié des sujets doublement positifs pour abeille et guêpe :
- ceux qui avaient aussi des IgE anti-CCD, étaient très souvent positifs pour le latex (80-84 % de CAP latex positifs ). Ces positivités pour l’extrait latex ne pouvaient être confirmées avec différents allergènes recombinants du latex dans les 2/3 des cas.
- Le point commun de ces positivités inattendues est, bien sûr, la présence d’épitopes glucidiques croisants dans les venins et dans le latex.
- Jappe trouve une forte corrélation (r = 0,97) entre le CAP latex et le CAP HRP ; et la broméline, comme HRP, inhibe le latex.
La positivité pour un test in vitro latex chez un sujet allergique aux hyménoptères impose la recherche d’IgE anti-CCD dans le sérum du patient. Il en est de même dans la situation inverse.
L’épuisement du sérum des IgE anti-CCD serait la meilleure solution afin de ne mesurer que les épitopes à priori relevants, à savoir les épitopes peptidiques . Cette technique n’est pas disponible en routine pour l’instant.
Co-réactivités hyménoptères-diptères
La suspicion d’une réactivité croisée entre venins d’abeille ou guêpe et salive d’insectes Diptères a été évoquée pour la première fois par Sabbah et Drouet .
Ces auteurs notaient une positivité en CAP pour des hyménoptères chez des sujets allergiques au moustique, ainsi qu’un parallélisme des taux d’IgE anti-guêpe ou frelon avec ceux du moustique au cours d’une désensibilisation par un extrait moustique.
Récemment, Quercia relevait 2 cas de réaction très sévère à des morsures de taons chez des sujets allergiques aux hyménoptères .
L’équipe angevine avait rapporté aussi une réaction anaphylactique pour le taon chez un patient allergique au moustique .
- Il s’agissait du même patient que celui décrit précédemment et qui avait bénéficié d’une IT moustique.
- Les immunoblots taon, moustique et guêpe révélaient quelques bandes similaires en masse (ex. 50 kD), faisant évoquer une possible réactivité croisée taon/moustique/guêpe.
- Cependant, la nature de cet éventuel allergène homologue n’a pas été précisée et des tests d’inhibitions n’ont pas été réalisés.
- De plus, le fait que le patient réagisse au taon sous IT moustique et que cette IT se soit révélée efficace pour le moustique diminue le crédit de l’hypothèse d’une allergie croisée taon/moustique.
D’autres travaux sont donc nécessaires pour consolider la réalité clinique d’une réactivité croisée moustique/taon/guêpe.
Il faut signaler, de plus :