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Les L T P (Lipid transfer proteins)
lundi 23 août 2010, par
Les LTP, ou Lipid Transfer Proteins, sont dorénavant un grand classique en allergologie moléculaire. Mais leur identification en tant qu’allergènes est pourtant beaucoup plus récente que celle des profilines ou des Bet v 1-like . Cet intérêt pour les LTP réside dans certaines de leurs caractéristiques :
- on trouve des LTP dans la plupart des végétaux et ces LTP croisent aisément entre elles, ce qui en fait des panallergènes
- la grande stabilité des LTP à la chaleur et à la digestion les distingue d’autres protéines comme les profilines et les Bet v 1-like et favorise la survenue fréquente de symptômes sévères chez les patients qui se sont sensibilisés aux LTP
- enfin une inconnue subsiste sur les raisons qui concentrent les observations d’allergie aux LTP dans la bordure du bassin méditerranéen, notamment l’Italie et l’Espagne . Des hypothèses ont été récemment émises quant au rôle favorisant possible d’un contact avec la LTP de pêche par voie cutanée et/ou respiratoire , mais elles attendent confirmation. Cet aspect est détaillé dans le chapitre dédié aux Rosacées.
De telles particularités ont suscité de fréquentes revues , d’autant que le nombre de LTP IgE-réactives ne cesse de croître : en août 2010, la base Allerdata recensait pas moins de 61 LTP :
- 44 dans des aliments d’origine végétale
- 11 dans des pollens
- 5 dans des produits divers : feuille de cannabis, latex d’hévéa, bouton de rose, bière, Arabidopsis (une plante de laboratoire).
Ces protéines non glycosylées (sauf celles de pariétaire) n’ont pas d’équivalents IgE-réactifs connus en dehors des plantes et des dérivés des plantes.
Fait (trop) peu courant et méritant d’être signalé, les connaissances sur cette famille de protéines ont bénéficié des travaux d’au moins 2 équipes françaises, à Nantes et à Toulouse .
Les termes de « protéines de transfert lipidique » ou de « lipido-transférases » sont parfois rencontrés. Mais l’acronyme anglo-saxon LTP est préférable car universellement utilisé dans la littérature scientifique. De plus, les LTP ne désignent qu’une sorte particulière de protéines parmi toutes celles qui transportent des lipides.
On rencontre aussi l’abréviation « nsLTP », celle-ci signifiant « non specific » pour souligner la multiplicité des ligands hydrophobes pouvant se coupler aux LTP .
Enfin, la classification générale des protéines range les LTP :
- en 2 familles, les LTP-1 et les LTP-2 : seules les LTP-1 ayant été montrées IgE-réactives, elles sont plus simplement dénommées « LTP » dans la littérature allergologique. Les LTP-2 (env. 7 kDa) n’ont que peu d’homologie séquentielle avec les LTP-1 (9 kDa) : environ 30%
- par contre, ces 2 sortes de LTP ont en commun un « motif » de 8 cystéines (formant 4 ponts disulfures entre elles), motif qui est retrouvé dans les 2S-albumines, les inhibiteurs amylase/trypsine des céréales et certaines gliadines. Ces différentes familles de protéines, bien que peu homologues sur le plan séquentiel (pas de réactivité croisée d’une famille à une autre), font partie de la super-famille des « prolamines ».
Où trouve-t-on des LTP ? :
- dans les plantes supérieures (pas dans les mousses ou les lycophytes)
- dans de nombreux organes, surtout les parties aériennes
- et particulièrement dans la peau de certains fruits , ce qui est habituellement mis en relation avec l’action antimicrobienne des LTP : ces dernières représentent le groupe PR-14 parmi les protéines de défense végétale .
La réactivité croisée des LTP
Comme pour d’autres familles de protéines, la proximité taxonomique favorise l’homologie et donc la réactivité croisée. L’identité séquentielle entre les LTP s’étend sur un continuum assez vaste, plus vaste qu’entre profilines par exemple. On aura donc une assez bonne réactivité croisée in vitro mais dont la pertinence clinique sera de plus en plus faible à mesure que l’identité séquentielle s’abaisse (ex. < 60%). D’autant qu’au final les épitopes sont conformationnels .
Le tableau ci-dessous résume les comparaisons entre la LTP de pêche, Pru p 3, et les LTP d’autres plantes. Il présente des % d’identité maximaux, sachant que les LTP sont multi-géniques, c’est-à-dire se présentent dans une même plante sous des variantes différant de quelques acides aminés .
On peut remarquer que les % d’identité des LTP polliniques avec Pru p 3 sont relativement faibles. Et, bien qu’une pollinose soit rencontrée chez la plupart des patients présentant un syndrome LTP, le rôle déclenchant d’un pollen dans la sensibilisation aux LTP n’a pas reçu jusqu’à présent de confirmation formelle. Ce point distingue une fois encore les LTP des profilines ou des PR-10.
On trouvera une argumentation plus détaillée des rapports entre LTP de pollens et divers aliments dans les textes concernant :
De même, l’impact d’une sensibilisation vis-à-vis des LTP dans une allergie alimentaire est abordé dans :
- les Rosacées et la pêche
- les Fabacées
- les fruits à coque
- le syndrome latex-aliments, le kiwi, et la châtaigne
- les Moracées (mûre)
- les agrumes
- le raisin
- les Cucurbitacées
- la tomate
- les Brassicacées (chou)
- les Liliacées
- les Lactucées
- la bière
- le maïs
A l’heure actuelle il est possible de préciser un tableau clinique ou diagnostique en testant in vitro :
- rPru p 3 (pêche)
- rPar j 2 (pariétaire)
- rCor a 8 (noisette)
- rAra h 9 (arachide)
- nArt v 3 (armoise)
Le test Pru p 3 peut servir de témoin d’une sensibilisation LTP, en sachant qu’il est possible, mais peu fréquent, que ce test soit négatif alors qu’une autre LTP serait positive (ex. rCor a 8). Le recombinant rPar j 2 est utile : cette LTP est spécifique d’une sensibilisation aux pariétaires car elle ne croise pas avec les autres LTP. L’intérêt de rAra h 9, bien qu’avancé , est douteux en dehors des zones méditerranéennes. Il en est de même pour nArt v 3.
Un diagnostic différentiel inclut, en plus d’une LTP, la recherche d’une réactivité pour une PR-10 (Bet v 1-like) et pour une profiline, ainsi que l’exclusion d’une participation du latex. Des extraits pour tests cutanés et spécifiques en LTP, profiline ou PR-10 sont à présent disponibles dans certains pays … mais hélas pas en France.