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Epitopes: structure et homologies
Friday 21 November 2008, by
Ce sont surtout les épitopes B qui ont été étudiés.
On sait cependant que les épitopes T :
- ne sont pas obligatoirement superposés aux épitopes B sur la protéine
- sont peu dépendants de la conformation native de la protéine
- peuvent être situés dans des zones internes de la protéine
- peuvent être l’objet d’une liaison croisée au niveau des cellules T, à l’image des réactions croisées de deux épitopes B vis à vis de la même IgE
- présentent une large variabilité de positionnement sur la protéine d’un patient à un autre
Cette variabilité individuelle est retrouvée pour les épitopes B.
Ainsi, non seulement les patients diffèrent les uns des autres par leurs contacts avec tel ou tel produit allergisant (ex. pollens, aliments), mais ils ne se sensibilisent pas tous au même produit, ni aux mêmes allergènes dans un produit donné, ni aux mêmes isoformes d’un allergène donné, ni aux mêmes épitopes d’un même allergène !
Un travail de Fujimura explicite clairement cette hétérogénéité :
- le sérum de 40 patients polliniques a révélé pas moins de 131 spots IgE-réactifs différents en immunoblot du pollen du cèdre du Japon (Cryptomeria japonica)
- le nombre de patients reconnaissant le même spot varie de 1 à 31 selon les spots
- le nombre de spots reconnus chez le même patient varie de 4 à 86 (cf. figure ci-dessous, reproduite avec l’aimable autorisation de T. Fujimura)
- et les 12 isoformes de Cry j 1 étaient détectées dans une proportion très variable (dans 27 à 75% des cas) alors que ces isoformes ont une très forte homologie entre elles.
Comment repère-t-on la présence et le positionnement des épitopes B sur un allergène?
Classiquement, différentes méthodes peuvent être utilisées :
- coupure de la protéine en plusieurs morceaux puis tests d’IgE-réactivité résiduelle sur chacun d’eux. Selon les points de coupure, c’est-à-dire selon le type de protéase utilisée, on peut repérer des zones qui conservent dans tous les cas une IgE-réactivité: celles-ci sont des “points chauds” de l’IgE-réactivité de la protéine
- modification ponctuelle d’un ou quelques acides aminés afin de tester un changement d’IgE-réactivité. Ces techniques de mutation dirigée utilisent donc des protéines recombinantes.
- étude de la séquence linéaire de la protéine, puis synthèse de courts peptides (env 12 amino-acides) qui sont la réplique de toute la protéine d’un bout à l’autre. C’est l’ “epitope mapping”. Pour ne pas manquer un épitope les peptides se recouvrent les uns les autres, on parle de “peptides chevauchants” (cf. figure ci-dessous)
Mais ces techniques pour repérer les épitopes B ont un grave défaut: elles ne respectent pas la conformation native de la protéine.
Or, tous les experts s’accordent à présent pour estimer que dans la grande majorité des cas les épitopes B ne sont pas “linéaires” mais “conformationnels”.
Qu’est-ce qu’un épitope conformationnel ?
Un épitope est conformationnel à partir du moment où les acides aminés nécessaires à son IgE-réactivité ne sont pas côte à côte le long de la séquence peptidique. On parle aussi d’épitope “discontinu”.
C’est le repliement de la protéine sur elle-même qui est responsable du rapprochement d’acides aminés a priori distants les uns des autres.
Un épitope conformationnel correspond donc à une zone en surface de la protéine.
Les caractéristiques spatiales de ces épitopes sont dès lors très importantes et une modification touchant un acide aminé (ex. mutation dirigée) ou l’équilibre tridimentionnel de la protéine (ex. effet de la chaleur) sont susceptibles de perturber la capacité de liaison de l’épitope aux IgE.
Pour les protéines qui ne subissent pas de transformation avant le contact avec le patient, il est préférable de déterminer les épitopes B en s’éloignant le moins possible de la forme native de l’allergène. Cela concerne les allergènes aéroportés notamment.
Une technique tend à répondre à cette exigence, la “présentation par phages” (ou “phage display”) . Cette approche associe des moyens informatiques et des tests de laboratoire.
En bref:
- on commence par sélectionner les IgE qui se lient à l’allergène à tester; puis on teste ces IgE avec une “bibliothèque” de bactériophages filamenteux qui expriment à leur surface de courts peptides de séquence quelconque
- les clones de bactériophages qui s’avèrent montrer une IgE-réactivité sont sélectionnés et peu à peu purifiés
- l’analyse de leur ADN identifie la séquence d’acides aminés du peptide présenté
- cette dernière est alors reportée sur un modèle en 3D de l’allergène; la coalescence de ces zones IgE-réactives en surface de l’allergène définit la position de l’épitope conformationnel.
Cette technique est d’une grande importance pour mieux appréhender les similitudes responsables des réactivités croisées entre allergènes et, possiblement, pour prédire l’éventuelle IgE-réactivité d’une nouvelle protéine (cf. Prédictabilité des allergènes).
La figure ci-dessous, reproduite avec l’aimable autorisation d’Erwin L. Roggen (elro@novozymes.com), montre le positionnement d’épitopes conformationnels sur la molécule d’Ara h 2, une 2S albumine présente dans l’arachide
Les résultats obtenus en “epitope mapping” sont représentés verticalement à gauche : il a été trouvé 10 épitopes séquentiels, montrés ici avec chacun une couleur différente. La technique de présentation par phages retrouve une grande partie de ces régions IgE-réactives, mais montre clairement que les épitopes sont le plus souvent formés par le rapprochement de plusieurs courtes séquences IgE-réactives en surface de la protéine. Cela est particulièrement net pour les épitopes conformationnels figués en rouge et orange.
La modélisation 3D permet donc une caractérisation plus pertinente des épitopes B. Elle aide aussi à comprendre les fines différences qui modifient l’IgE-réactivité de protéines pourtant globalement très similaires.
Il en est de même pour la réactivité croisée .
De plus, l’assemblage de certaines protéines sous la forme de trimères ou d’hexamères peut entraîner le masquage de certains épitopes, ces derniers se retrouvant “enfouis” ou peu accessibles dans la protéine complète. Ceci a été particulièrement bien montré par les travaux de l’équipe toulousaine d’Annick Barre sur les allergènes d’arachide .